PLFSS : les sénateurs ferment la porte à la régulation de l'installation des médecins
Les sénateurs ont rejeté plusieurs amendements au projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2025 visant à contraindre l'installation des médecins libéraux. En revanche, d'autres mesures risquant d'impacter leurs pratiques ont été adoptées. Egora fait le point.
Les sénateurs ont offert un sursis aux médecins libéraux. Ce vendredi après-midi, les parlementaires ont en effet rejeté l'ensemble des amendements au PLFSS visant à contraindre leur installation, dans le but d'améliorer l'accès aux soins. Les offensives étaient pourtant nombreuses. Plusieurs amendements envisageaient d'instaurer un conventionnement sélectif, tel qu'il existe par exemple en Allemagne ou au Danemark. L'un d'eux prévoyait qu'un nouveau médecin libéral ne puisse s'installer en étant conventionné dans une zone suffisamment dotée qu'en cas de départ en retraite d'un praticien de ce même territoire.
Conscient des réticences des représentants de la profession, et notamment de l'Ordre des médecins, un groupe de sénateurs avait proposé que ce conventionnement sélectif – sur le principe d'une arrivée-un départ – fasse d'abord l'objet d'une expérimentation d'une durée de trois ans dans cinq communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) volontaires. Cela n'a pas convaincu l'hémicycle.
Un autre amendement, défendu par la sénatrice de Paris Anne Souyris et rédigé avec l'UFC Que Choisir, visait à réserver l'installation dans les zones les mieux dotées "aux seuls médecins conventionnés en secteur 1". Il prévoyait, en outre, que ces nouvelles installations ne soient possibles que dans les deux cas : "dès lors que la proportion de médecins pratiquant les dépassements d’honoraires est supérieure à un seuil fixé par arrêté du ministre de la Santé" ou "lorsqu’un médecin présent dans la zone surdotée met fin à son activité".
Cette proposition avait pour objectif de garantir un accès aux soins pour les Français les plus modestes habitant dans ces zones mieux dotées, "où une majorité des praticiens y exerçant sont conventionnés en secteur 2 et pratiquent les dépassements d’honoraires" ce qui constitue, aux yeux des auteurs de cet amendement, "un véritable frein".
Si la contrainte à l'installation a été rejetée – pour cette fois –, d'autres mesures ont été adoptées et concernent les médecins.
Serrage de vis pour les centres de soins non programmés
Plusieurs amendements adoptés concernent par exemple les centres de soins non programmés. D'abord, la rapporteure Corinne Imbert a souhaité préciser dans la loi la définition d'une activité de soins non programmés. Celle-ci serait définie par "le rapport entre le nombre d'assurés ayant déclaré l'un des médecins de la structure en médecin traitant et le nombre d'assurés pris en charge par ces médecins". "Il demeurera loisible au Gouvernement de préciser" par décret "le ratio […] pour qualifier un cabinet ou un centre de santé de structure de soins non programmés", est-il précisé.
Les sénateurs ont, en outre, souhaité que ces structures soient davantage encadrées, en les contraignant à respecter un cahier des charges, qui devra être fixé par arrêté. Ils ont aussi voté une obligation pour les professionnels exerçant dans ces centres de participer au service d'accès aux soins (SAS) et à la permanence des soins ambulatoires (PDSA). Les modalités de cette obligation devront être précisées par décret "afin d'éviter les contournements possibles".
Consultation systématique du DMP
Un amendement adopté ce vendredi permet également au Gouvernement d'utiliser la procédure d'accompagnement à la pertinence des prescriptions "pour vérifier si le prescripteur a consulté le dossier médical partagé (DMP) du patient préalablement à sa prescription et limiter, ainsi, les actes redondants". La consultation systématique du DMP est déjà prévue par la convention médicale signée en juin dernier, dans les engagements "pour diminuer les examens biologiques inutiles". L'amendement entend favoriser le recours à cet outil "lors de la prescription d'actes coûteux ou présentant un risque de mésusage".
Taxe lapin : le retour !
Sans surprise, la chambre haute du Parlement a adopté une taxe lapin pour les patients n'honorant pas un rendez-vous en soins de ville. Mesure que les sénateurs centristes et de droite avaient déjà votée par le passé, et qu'ils ont souhaité voir figurer dans ce PLFSS. Cette taxe se présenterait sous la forme d'une "somme forfaitaire", fixée par décret, qui sera mise à la charge de ces patients "au bénéfice de l'Assurance maladie". "Une partie de cette somme, définie dans le cadre des négociations conventionnelles, pourrait être reversée par l'Assurance maladie aux professionnels de santé concernés en indemnisation", stipule l'amendement.
La gauche et le Gouvernement s'y sont, eux, opposés. La mesure ferait en effet peser sur l'Assurance maladie le fait de détecter ces abus, or ses agents "ne sont pas dans les cabinets médicaux", a signalé la ministre de la Santé et de l'Accès aux soins, Geneviève Darrieussecq, présente ce vendredi dans l'hémicycle. Cette dernière a également évoqué "un risque que les patients soient arbitrairement pénalisés".
Déploiement de l’application carte Vitale sécurisée
La chambre haute a également voté un amendement de la rapporteure Corinne Imbert qui vise, entre autres, à encourager le déploiement de l'application mobile sécurisée carte Vitale, aujourd'hui expérimentée sur 23 départements et qui doit être étendue à l'ensemble du territoire fin 2025. L'amendement prévoit d'accélérer au 1er juillet prochain la généralisation de cette expérimentation, "qui constitue une sécurisation intéressante de l'outil carte vitale grâce au système d'authentification à deux facteurs". Sont également prévus des mécanismes de rémunération des professionnels de santé qui ont mis à jour leur logiciel et acceptent l'utilisation de la carte Vitale dématérialisée.
Vers une maîtrise des dépenses de transport sanitaire
Face à la dynamique "très soutenue" (+9 % entre 2022 et 2023) des dépenses dans le secteur des transports de patients, qui ont atteint 6,3 milliards d'euros remboursés par l'Assurance maladie l'an dernier, un amendement gouvernemental prévoit qu'un "accord de maîtrise des dépenses" soit conclu avant le 30 avril 2025 entre "les représentants des transports sanitaires, ceux des taxis et l'Assurance maladie". Objectif : réaliser "au moins 300 millions d'euros d'économies sur les années 2005 à 2027".
En l'absence d'accord d'ici le 30 juin 2025, le directeur général de l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (Uncam) sera autorisé à procéder de façon unilatérale à des "baisses de tarifs", stipule l'amendement qui a été adopté au Sénat.
Des baisses de tarifs pourraient aussi être prises unilatéralement par le DG de l'Uncam dans le champ de l'imagerie médicale et de la biologie médicale, conformément à l'article 15 du PLFSS, si les partenaires ne se mettent pas d'accord sur un montant de maîtrise des dépenses.
Arrêts maladie en ligne : des plateformes dans le viseur des sénateurs
Les sénateurs ont également souhaité interdire les plateformes numériques qui se sont développées en France pour "offrir des arrêts de travail en ligne en échange d’une rétribution". Certaines "permettent d’obtenir un arrêt maladie en quelques minutes, sur la base d’un simple questionnaire en ligne, sans véritable consultation avec un médecin", pointe l'amendement adopté. Ce dernier prévoit également d'empêcher un médecin exerçant hors de France de délivrer des arrêts de travail par télémédecine.
Parmi les autres mesures qui vous concernent et qui ont été adoptées, rappelons que les sénateurs ont voté lundi une exonération des cotisations d’assurance vieillesse dues au titre de l'année 2025 pour les médecins en cumul emploi-retraite, en deçà d'un plafond de revenus qui sera fixé par décret.
Le Sénat doit encore procéder au vote de l'ensemble du texte mardi 26 novembre, dans l'après-midi. Se réunira ensuite une commission mixte paritaire réunissant députés et sénateurs, qui devront se mettre d'accord sur un texte.
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