Régulation de l'installation des médecins, retour des gardes obligatoires, limitation des remplacements… L'offensive des députés "transpartisans"
Le groupe de travail transpartisan créé par le député socialiste de la Mayenne Guillaume Garot déposera dans les prochains jours à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à lutter contre les déserts médicaux. Signé d'ores et déjà par 237 députés de LFI jusqu'à la droite républicaine, le texte instaure une régulation à l'installation des médecins dans toutes les zones où l'offre de soins est "au moins suffisante". Mais pas seulement.
"A situation exceptionnelle, mesure exceptionnelle", écrivent les auteurs de cette proposition de loi (PPL) transpartisane. Alors que les politiques menées ces dernières décennies, "inadaptées" ou "insuffisamment volontaristes", sont jugées responsables de l'"aggravation de la désertification médicale" et du creusement des inégalités territoriales d'accès aux soins, le groupe de travail contre les déserts médicaux, créé en 2019 par Guillaume Garot, propose un arsenal de "mesures puissantes et efficaces".
"La régulation à l'installation n'a encore jamais été essayée en France"
Dès son article 1er, le texte (qui en compte 17 au total) s'attaque à la liberté d'installation des médecins. Il crée une autorisation d’installation des médecins, qui serait délivrée de droit par l'ARS dans les zones sous-denses, mais conditionnée à la cessation d'activité d'un praticien pratiquant la même spécialité dans tout autre territoire où l'offre de soins est jugée "au moins suffisante". "Il s’agit d’un premier pas dans la régulation de l’installation des médecins sur le territoire, qui permettra, à tout le moins, de stopper la progression des inégalités entre territoires", présentent les députés, qui espèrent que les installations seront fléchées vers les déserts. Leur argument ? "Malgré des résultats encourageants dans les autres pays*, la régulation de l’installation des médecins n’a encore jamais été essayée en France. La dégradation de l’accès aux soins justifie aujourd’hui plus que jamais cette mesure de courage politique."
Mais ce n'est pas tout. Un article (3) vise à limiter la durée cumulée de remplacements en libéral dans la carrière d'un praticien. L’Ordre des médecins "estime qu’entre 2010 et 2023, le nombre de médecins dits 'en intermittence' a augmenté de 64,4% tandis que le nombre de médecins en activité régulière a diminué de 1,3%", relèvent les auteurs. Si les "médecins remplaçants permettent d’assurer la continuité des soins dans de nombreux territoires", "il ne s’agit pas d’une solution pérenne pour garantir une offre de soins suffisante sur le long terme", jugent-ils.
Pour limiter les inégalités financières d'accès aux soins, cette PPL organise par ailleurs "l'extinction progressive du secteur 2 hors Optam" en l'interdisant pour toute nouvelle installation (article 6). "Depuis quelques années, une inflation des tarifs de consultations de médecine générale ou de spécialité est observée. Elle est rendue possible par la pratique des dépassements d’honoraires sans plafonnement pour les médecins conventionnés en secteur 2 hors-Optam", avancent les auteurs.
Autre mesure qui risque de susciter l'ire de la profession : le rétablissement de l'obligation de permanence de soins pour les médecins libéraux. "Depuis la suppression de cette obligation [en 2002, NDLR], il est observé une dégradation de l’accès aux soins", pointent les députés, pour qui "le principe du volontariat n’est en effet pas suffisant pour répondre à la demande de soins exprimée par la population sur le territoire". D'après les chiffres de l'Ordre, seuls 39.34% des médecins se sont portés volontaires en 2023, contre 67% en 2014, mais ont permis de couvrir 97% du territoire.
D'autres mesures concernent les études de médecine : instauration d'une première année de médecine dans tous les départements, création d'une prépa en priorité dans les territoires sous-dotées, augmentation du nombre de contrats d'engagement de service public offerts (avec un seuil "minimal" de 25% par université), stage obligatoire dans les déserts pour les futurs internes de 4e année de médecine générale…
Par ailleurs, la PPL veut faciliter l'exercice des praticiens à diplôme hors Union européenne (Padhue) en permettant à l'ARS d'autoriser un médecin dont les connaissances et compétences ont été vérifiées à exercer en zones sous-denses et en permettant aux praticiens ayant déjà exercé deux ans sur le territoire de passer autant de fois que nécessaire les épreuves de vérification des connaissances (EVC) à l'issue desquelles le nombre de postes ouverts ne sera plus limité.
Enfin, le groupe de députés propose de libérer du temps médical en permettant aux salariés d'auto-déclarer jusqu'à 3 jours d'arrêt de travail trois fois par an, et aux parents d'enfants malades, handicapés ou accidentés de poser jusqu'à 5 jours de congés sans passer par la case médecin.
*Danemark, Allemagne, Norvège…
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