Baisse de l'activité, motifs de consultation... Zoom sur le quotidien des généralistes pendant le confinement

29/05/2020 Par L. C.

Dans un rapport publié ce jeudi 29 mai, la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees) met en avant les principaux bouleversements rencontrés par les généralistes pendant le confinement. Moins d’heures de travail, plus de suivi à distance, disparition des patients chroniques… les praticiens ont dû s’adapter à cette crise sanitaire, malgré leurs craintes d’être contaminés, ou de contaminer, et le manque de moyens de protection.  

Alors que les patients commencent petit à petit à revenir dans les cabinets, la période de confinement liée à l’épidémie de coronavirus a marqué une nette baisse d’activité pour les médecins de ville. Selon une enquête* réalisée par la Drees du 9 au 21 avril, la grande majorité des médecins libéraux (95%) ont continué à exercer. Seuls 5% ne se sont pas rendus dans leurs cabinets la semaine précédant l'enquête, dont la moitié parce qu’ils avaient contracté le virus.

  7 à 13 heures de travail en moins environ Pour 90% des médecins alors en exercice, le temps de travail a baissé en moyenne de 13 à 24% (soit de 7 à 13 heures) par semaine. Pour la moitié des généralistes, il a été réduit de 10 heures, soit un cinquième de leur volume d’activité ordinaire moyen estimé à 54 heures. Toutefois, pour une minorité de professionnels (5%), les journées se sont allongées. Pour pallier ces difficultés inédites, les médecins généralistes se sont organisés pour répondre aux enjeux de l’épidémie. Découverte pour certains, la téléconsultation a été adoptée par sept praticiens sur dix pour réaliser des diagnostics du Covid-19. La consultation par téléphone a également eu un grand succès auprès de huit médecins sur dix pour ce même diagnostic. Certains ont cependant préféré recevoir les patients dans leurs cabinets (huit praticiens sur dix).

  75% des médecins ont fait de la téléconsultation En outre, la moitié ont déclaré avoir été en mesure de réaliser ces diagnostics lors de visites à domicile, quatre sur dix ont participé à une organisation territoriale ou un centre Covid et, enfin, un sur quatre a orienté ses patients vers l’une de ces organisations spécifiques pour le diagnostic. Pour la surveillance des patients atteints, les consultations à distance (90% par téléphone ou téléconsultation) ont été privilégiées, même si la moitié des généralistes ont également réalisé cette surveillance en cabinet (54%), voire lors des visites à domicile (38%).
 

DR : Drees

Même si 75% des médecins, quel que soit leur âge, se sont mis à réaliser des actes en téléconsultation, ce sont avant tout les jeunes qui...

ont adopté l’outil. La pratique était plus fréquente pour 90% des moins de 50 ans contre 60% des 60 ans ou plus, ces derniers privilégiant quant à eux les visites à domicile (60%). Sans surprise, les praticiens exerçant dans des territoires particulièrement touchés par l’épidémie ont davantage utilisé la télémédecine. Si 55% des médecins des départements les moins touchés vont au domicile de leur patient, ils ne sont que 42% dans les territoires les plus touchés.   Plus de visites à domicile pour les médecins qui jugent l’épidémie très grave La perception de la gravité de l’épidémie entre également en ligne de compte. 50% des médecins qui jugent la gravité de l’épidémie faible ou modérée ont effectué des visites et 59% de ceux qui la jugent élevée, sachant que l’appréciation de la gravité de l’épidémie n’est pas significativement liée à l’intensité de l’épidémie dans le département d’exercice.

  Le Covid, motif principal dans une consultation sur dix Selon l’enquête, la majorité des consultations n’avaient pas de lien avec le coronavirus. En effet, pour 63% des médecins sondés, les consultations dont le sujet ou le motif principal était le coronavirus ont représenté moins d’un quart de leur activité la semaine précédant l’enquête. Cependant, le coronavirus n’a été le motif...

principal des consultations que pour un peu plus d’un généraliste sur dix. Bien sûr dans les zones les plus impactées, ces données varient. Par exemple, dans ces départements les plus touchés, un quart des médecins généralistes estiment que 50% de consultations avaient pour motif principal le coronavirus, contre 5% des praticiens dans les départements les moins touchés.   Plus de consultations liées à la santé mentale Par peur de déranger ou d’être contaminés, les patients venus consulter pour d’autres sujets ont été moins nombreux. Cela n’a toutefois pas été le cas pour les demandes de soins relatives au stress, aux troubles anxieux ou à la dépression. Au contraire, ces demandes ont augmenté pour plus de la moitié des généralistes, jusqu'à +50% pour 17% d’entre eux.

  Baisse de 50% des consultations de patients chroniques pour six médecin sur dix A contrario, et au grand dam des praticiens, les patients souffrant de pathologies chroniques ont déserté. Les consultations de suivi ou de renouvellement d’ordonnance de ces patients sont celles qui ont le plus diminué, avec un recul de plus de 50% pour six médecins sur dix et de moins de 50% pour trois sur dix. La Drees met en avant la possibilité pour ces personnes de se faire renouveler en pharmacie. Plus dangereux, les demandes de soins dues à des complications de maladies chroniques ont elles aussi diminué. Mais les suivis pédiatriques ont eux aussi particulièrement souffert...

de cette crise sanitaire, et ce “même si les recommandations incitaient les parents à ne pas différer le suivi de leur enfant”, en particulier pour la vaccination. Comme pour les autres observations de la Drees, cette diminution a été particulièrement marquée dans les zones fortement touchées. L’enquête montre que “la baisse de la fréquence des consultations de suivi pédiatrique y concerne la quasi-totalité des médecins, contre respectivement 83% et 77% des médecins des départements les moins touchés et ceux moyennement touchés”. Les consultations de suivi de grossesse ont relativement échappé à cette tendance.  

DR : DREES
DR : Drees

  50% des généralistes contactent leurs patients à risque Si certains patients ont déserté, les professionnels de ville ne les ont pas pour autant oubliés. En effet, l’étude montre que la moitié des médecins généralistes ont fait la démarche active de les contacter par téléphone ou par un autre moyen. Ce taux est plus important encore pour les patients chroniques (65% des généralistes les ont contactés ou sont en mesure de le faire).

  Pour ceux qui n’ont pas entrepris cette démarche, plusieurs raisons sont évoquées...

sept praticiens sur dix déclarent que les patients eux-mêmes les ont contactés spontanément, un peu plus d’un sur dix indique ne pas être en mesure d’identifier aisément ses patients les plus à risque, un sur dix déclare manquer de temps pour un tel suivi et, enfin, un sur dix assure que le code de déontologie ne lui permet pas de prendre contact avec ses patients. Au total, en tenant compte de ceux qui sont contactés directement par les patients et ceux qui le font directement, 90% des médecins généralistes déclarent être en contact avec les personnes les plus à risque.   Sept généralistes sur dix prêts à travailler plus lors du déconfinement Alors que le déconfinement a été enclenché il y a désormais près de trois semaines, près de sept généralistes sur dix estimaient, début avril, pouvoir augmenter leur temps de travail dédié aux consultations par rapport à une semaine classique en vue d’un afflux de patientèle. Pour la moitié, cette hausse du temps de travail peut aller jusqu’à 5 heures par semaine, et pour près de 40%, elle peut s’élever entre 5 et 10 heures.

  Quatre généralistes sur dix jugent l’épidémie très grave Pour ce quatrième Panel d’observation des pratiques et des conditions d’exercice en médecine générale de la Drees, les praticiens ont également été interrogés sur leurs perceptions pendant la phase de confinement, jugée efficace par neuf généralistes sur dix. Dans l’ensemble, ils sont apparus moins inquiets que le reste des Français. En effet, seuls quatre généralistes sur dix jugent l’épidémie de Covid-19 particulièrement grave, contre sept Français sur dix. Cependant, ils estiment à un peu plus de 50% leur risque...

d’être contaminés pendant les consultations. Un praticien sur quatre juge ce risque élevé. A l’évidence, la peur d’être contaminés est nettement plus importante chez les médecins pour lesquels le coronavirus est le motif principal d’au moins la moitié des consultations, c’est-à-dire un peu plus d’un médecin sur dix : 46% d’entre eux jugent le risque élevé, contre 20% pour les autres. Le fait d’exercer en groupe est un facteur de crainte supplémentaire, “possiblement en raison de flux de patients plus importants, générant plus de problèmes d’organisation que dans un cabinet individuel”, avance la Drees.   Six médecins sur dix estiment ne pas pouvoir se protéger efficacement Masques, surblouses, solution hydroalcoolique, lunettes protectrices… Plus de deux médecins généralistes sur dix estiment ne pas disposer des moyens de protection suffisants durant les consultations. Quatre sur dix déclarent s’en sortir par le “système D”, en sollicitant ou en bénéficiant par exemple de l’aide des collectivités locales, des entreprises ou tout simplement de leur patientèle. D’un autre côté, quatre médecin sur dix estiment eux ne manquer de rien pour se protéger. Au total, un généraliste sur trois craint de contaminer ses patients. Un taux qui chute à 11 % parmi les professionnels considérant être protégés efficacement, contre 30% pour ceux qui, mal équipés, s’en sortent grâce au “système D”, et 58% pour ceux qui déclarent ne pas être en mesure de se protéger efficacement. La Drees observe par ailleurs que les médecins plus jeunes, de moins de 50 ans, ressentent davantage ces craintes (41%) que les professionnels de plus de 60 ans (23%).

  Un médecin généraliste sur six a fait un test de dépistage du coronavirus Au 21 avril, seul un généraliste sur six (17%) a pu se faire dépister. Ils sont un sur sept dans les zones moins touchées...

Toutefois, parmi ceux qui voulaient l’être, un sur deux a pu réaliser un test (71% pour les zones exposées et 54% pour les zones très exposées). Le manque de tests s’est toutefois fait ressentir puisqu’un généraliste sur six déclare ne pas avoir pu se faire dépister, faute de tests. Chez ceux qui ne se sont pas fait dépister, plusieurs raisons sont mises en avant : quatre sur dix indiquent ne pas en avoir eu besoin, un sur dix croit avoir déjà contracté l’infection et cinq sur dix n’ont pas avancé de raison.  

DR : Drees

Six médecins sur dix font confiance au ministère de la Santé Pour autant, malgré ces difficultés d’accès aux tests et aux moyens de protection, six généralistes sur dix déclarent faire confiance au ministère de la Santé pour gérer cette crise. En termes d’informations, la moitié des généralistes interrogés lui font confiance pour informer les professionnels de santé et pour réorganiser les services sanitaires, huit sur dix pour avoir des informations fiables sur le rapport bénéfices-risques des vaccins, et deux sur trois concernant les médicaments.   Deux médecins sur trois estiment que les recos officielles sont claires Diffusées justement sur le site du ministère de la Santé, les recommandations officielles quant à la prise en charge de patients atteints de Covid-19 ont été jugées claires par deux médecins sur trois. “Plus de la moitié les juge suffisantes et applicables, mais deux tiers les trouvent trop changeantes”, précise la Drees.

Toutefois, le score d’adhésion aux recommandations est plus faible chez les médecins considérant que la controverse sur l’utilisation de l’hydroxychloroquine comme traitement des infections au Covid-19 avérées les a mis en difficulté face aux demandes de leurs patients testés positifs. Ce qui soulève un “dilemme”, note la Drees : accéder aux demandes de traitement par hydroxychloroquine des patients infectés ou respecter les recommandations officielles restreignant cette prescription aux cas très sévères. Quoi qu’il en soit, ce “dilemme” n’a aujourd’hui plus lui d’exister puisque le Gouvernement a abrogé le 27 mai l’utilisation dérogatoire contre le Covid-19 de l’hydroxychloroquine.     *Enquête réalisée du 9 au 21 avril 2020 auprès de 1.200 médecins généralistes libéraux, installés au 1er janvier 2018, ayant au moins 200 patients dont ils sont le médecin traitant et sans mode d’exercice particulier exclusif (comme homéopathe ou acupuncteur). L’enquête portait sur la semaine précédant la réponse au questionnaire.

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