
Pédiatre en secteur 2, elle a choisi de quitter l'Optam : "Je ne veux plus dépendre de la Sécu, je ne veux pas prendre 30 euros de l'heure"
Installée en libéral depuis 2015, la Dre Anne Boutemy a toujours été signataire de l'Optam, acceptant de modérer ses dépassements d'honoraires pour permettre à ses jeunes patients de bénéficier d'un meilleur remboursement. Mais les objectifs proposés par l'Assurance maladie dans le nouvel avenant sont si contraignants que cette pédiatre spécialisée – la seule libérale du département de l'Eure – a décidé de "s'affranchir" de l'Optam, à contrecœur. Témoignage.

"Je me suis installée en juin 2015 dans les Yvelines. J'ai repris la patientèle d'une pédiatre qui était déjà dans le contrat d'accès aux soins [l'ancêtre de l'Optam, NDLR]. Je suis restée à l'Optam pendant dix ans dans les Yvelines puis j'ai signé un nouveau contrat lorsque j'ai déménagé mon cabinet à 40 km de là, dans l'Eure, en novembre 2024.
Au départ, si j'ai signé l'Optam, ce n'est pas du tout pour mon bénéfice personnel, mais pour que mes patients puissent être mieux remboursés. Je n'ai jamais touché la prime, car j'ai toujours été au-dessus de mes objectifs, mais pas très loin. Tant que mes patients étaient remboursés…
Mais le nouvel avenant que j'ai reçu me propose des taux ridicules : un taux moyen de dépassement à 23% (contre 28.2% auparavant) et 48.8% d'activités à tarif opposable (contre 31.5%). Très sincèrement, je ne suis pas certaine que ces chiffres-là soient suffisants pour couvrir les charges supplémentaires d'un médecin en secteur 2.
Moi j'exerce la pédiatrie spécialisée, j'ai une activité en pneumo-allergologie et sur le trouble déficitaire de l'attention, je ne fais pas du tout de soins non programmés. Je prends en charge des enfants avec des pathologies complexes, voire des polypathologies. Le temps de consultation est beaucoup plus long que juste pour faire un vaccin.
J'ai écrit au directeur de la CPAM en lui listant les charges que j'ai mensuellement, en lui rappelant que le temps de travail hebdomadaire maximum est de 48 heures : je lui laissais faire le calcul, sachant que mes consultations durent entre 20 minutes et 1 heure…
Je touche des aides en lien avec l'Optam : l'aide à l'emploi d'un assistant médical et une aide à l'installation [dans le cadre d'un contrat CAIM, NDLR]. Et j'en ai besoin pour payer mes charges.
Alors je lui ai dit que soit il me trouvait une solution pour que je reste dans l'Optam, soit que j'allais m'installer dans un autre département où on m'embêterait mais que du coup, il n'y aurait plus ni pédiatre spécialisé dans les troubles du développement, ni allergologue dans tout le département ; et que je n'allais pas me priver de dire qui était responsable de ça…
J'estime que ma dette à la société, je l'ai payée
J'ai finalement pris la décision de quitter l'Optam et de m'affranchir du stress de toujours veiller à respecter ma pratique tarifaire pour conserver les primes et de savoir comment je ferais pour conserver mon assistante médicale si j'en étais exclue…
Ça m'embêtait vraiment vis-à-vis de mes patients parce que mes consultations sont chères – 140 euros la première consultation pour troubles du développement, soit un dépassement de 70 euros, ce qui est loin d'être le poste de dépenses le plus cher pour ces patients.
Mais je suis hautement qualifiée, je prends du temps pour les patients : ça coûte de l'argent. J'ai fait dix ans d'études, deux ans de clinicat, deux ans de capacité d'allergologie, j'ai passé deux ans à me former sur les troubles de l'apprentissage… Là je suis à Bac+15 ! Le service que je rends a une valeur, qui ne peut pas être de 30 euros pour 1 heure. Ça ne peut pas être moins cher que d'aller chez le coiffeur !
Me demander de dépasser de 23% et de faire 50% d'actes au tarif opposable, la réponse est non, je ne le ferai pas. J'ai suffisamment donné de moi-même pendant mes années d'internat et de clinicat à gagner moins que le salaire minimum, en travaillant parfois 100 heures par semaine - 36 heures d'affilée sans dormir. J'estime que ma dette à la société, je l'ai payée.
Il y aurait sans doute un calcul à faire pour passer en secteur 1 : je pourrais avoir l'aide assistant médical, l'aide CAIM, la prime Optam… peut être que je gagnerais plus finalement qu'en secteur 2 Optam. Mais symboliquement, je ne veux plus dépendre de la Sécu, je ne veux pas que la Sécu me contraigne sur mes tarifs, je ne veux pas prendre 30 euros pour 1 heure passée avec un patient, ce n'est pas ce que ça vaut, ce n'est pas ce que je vaux.
Moi je viens de l'hôpital public, au départ je faisais de l'oncopédiatrie, puis j'ai fait un burn-out et je suis partie donc ce n'est pas ma philosophie… mais c'est une conviction que j'ai acquise au fil des années.
Je ne vis pas dispendieusement, je roule en Berlingo, j'ai une maison qui coûte 300 000 euros, je pars deux fois en vacances dans l'année, je n'ai pas de Rolex… Mais j'ai un mode d'exercice extrêmement confortable ; je peux prendre du temps, prendre des journées pour me former, et ça je n'y renoncerai pas. J'ai des copines qui sont généralistes en secteur 1 et qui ne bouclent pas leur fin de mois parce qu'elles veulent bien travailler…
J'en suis arrivée à la conclusion que dans mon mode d'exercice spécialisé, l'Optam, ce n'est pas pour moi. "
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