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Soins palliatifs versus aide à mourir : Bayrou veut couper la loi "fin de vie" en deux

Le Premier ministre souhaiterait scinder en deux le projet de loi sur la fin de vie. Il n'y aurait donc plus un seul texte, mais une loi consacrée aux soins palliatifs et une autre dédiée à l'aide à mourir. Cette scission était défendue par les adversaires de l'euthanasie et du suicide assisté.

22/01/2025 Par Sandy Bonin
Fin de vie Ethique
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 "Ce sujet sera à l'agenda le plus vite possible. Il n'est pas question du tout de l'abandonner, mais il est question de libertés individuelles, du vote du Parlement sur des sujets qui sont des sujets distincts", a assuré ce mercredi, à l'issue du Conseil des ministres, la porte-parole du Gouvernement Sophie Primas souhaitant "rassurer les associations".

En effet, il  y a une semaine, le chef du Gouvernement avait simplement renvoyé la fin de vie au "pouvoir d'initiative" du Parlement. Si le choix de deux textes peut apparaître de simple forme, il marque en réalité un développement important dans l'histoire - déjà longue de plusieurs années - du projet de loi, censé initialement porter la grande réforme sociétale de la présidence d'Emmanuel Macron. Et suscite déjà la désapprobation de la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet - une macroniste de la première heure, qui s'est dite mardi soir "opposée" à cette "scission". "J'attends que le Gouvernement et le Premier ministre réinscrivent ce texte dans son ensemble à l'Assemblée nationale" et ce dès "aujourd'hui", a-t-elle lancé sur France 5.

Le projet de loi soumis à l'Assemblée nationale en 2024 prévoyait le développement des soins palliatifs mais aussi de légaliser, à d'importantes conditions, une "aide active à mourir" - concrètement un suicide assisté ou, dans certains cas, une euthanasie. La dissolution de l'été 2024 l'a arrêté net avant un premier vote solennel, alors que les clivages restent vifs.

En optant pour deux textes, François Bayrou répond à une demande des opposants de l'aide à mourir en reprenant une partie de leurs arguments. "Le Premier ministre est très attaché à cette liberté parlementaire de pouvoir avoir une réponse à chacun de ces sujets. Quand vous devez en même temps répondre à la question sur l'accès de chacun aux soins palliatifs et sur l'aide active à mourir, vous n'avez pas de liberté sur aucun des deux choix, puisque l'un engage l'autre", a justifié Sophie Primas. Elle a distingué "la possibilité pour tous les Français de bénéficier de soins palliatifs, qui sont une réponse à la peur tout à fait légitime vis-à-vis de la souffrance et de la fin de vie" d'un sujet "éthique qui a trait à l'aide active à mourir".

Cette position rejoint notamment celle de la Sfap, organisation qui porte la voix des soins palliatifs et s'est toujours montrée très méfiante à l'idée de légaliser le suicide assisté. Deux textes, "c'est quelque chose que l'on demandait depuis le début", a déclaré à l'AFP sa présidente, Claire Fourcade. "Le sujet des soins palliatifs, qui pourrait avancer très vite, est freiné par le fait d'être couplé à un sujet plus clivant et complexe."

Chez les partisans de l'aide à mourir, comme Yaël Braun-Pivet, le mécontentement l'emporte. Le député Olivier Falorni (apparenté MoDem), qui défend de longue date une évolution législative et avait dirigé les travaux sur le projet de loi lors de son passage à l'Assemblée, a ainsi exprimé son désaccord. Soins palliatifs et aide à mourir sont "complémentaires", a-t-il insisté. "Ces deux sujets doivent être abordé(s) maintenant et en même temps, pas séparément et dans longtemps". Les partisans de l'aide à mourir craignent l'abandon de ce volet, même si l'entourage du Premier ministre assure que les deux thèmes seront examinés dans la "même temporalité parlementaire", sans précisions.

"Séparer le texte, c'est céder aux représentants religieux et aux opposants à l'euthanasie, séparer pour finalement ne rien faire ?", s'est interrogée sur le réseau X l'Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD).

Pour François Bayrou, l'enjeu est aussi politique. Plusieurs membres de son Gouvernement ont exprimé leurs fortes réticences sur l'aide à mourir, à commencer par le ministre de l'Intérieur, Bruno Retailleau, qui avait clairement dit ne pas souhaiter le retour du texte à l'Assemblée. "Dans une situation où il n'y a pas de budget pour la France", la fin de vie "n'est pas une urgence", argumentait aussi en privé un autre ministre il y a quelques semaines.

Mais scinder le texte en deux "peut être un moyen d'aller plus vite et d'être plus efficace", a défendu la députée Renaissance Stéphanie Rist, selon laquelle "c'était aussi une demande forte du Sénat d'avancer dans ce sens".

[avec AFP]

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Claire FAUCHERY

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7 débatteurs en ligne7 en ligne
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 10 mois
Il y a parfois des questions de forme qui priment sur les questions de fond, et c'est trop souvent le cas en politique. La reprise de la discussion de la loi sur la fin de vie serait une bonne chose… Ou pas! La séparation en deux volets, l'un sur les soins palliatifs, l'autre sur l'aide à mourir me désole. Oui, parce qu'il s'agit d'une reprise. Reprise après des travaux d'une grande qualité des "comités citoyens". Reprise après des débats de l'assemblée nationale qui avaient abouti à un projet de loi et qui avaient abordé, les réserves, les réticences, les lignes rouges et formulé les dérives et en avaient tenu compte. Faire table rase de ces débats et propositions, séparer les soins palliatifs des modalités de la fin de vie est désolant. Autant je comprends les "clauses de conscience", autant j'insiste pour que les soins palliatifs soient renforcés, autant je ne comprends pas qu'on puisse "lâcher en rase campagne" ceux pour qui la fin inéluctable, à un terme non défini, soit une souffrance insupportable comme s'imaginer, toujours à terme non défini, dans un état de dépendance incompatible avec ce que l'on pense être sa propre dignité, d'autant qu'à ce stade acquis, il est certain que la faculté de décision puisse nous échapper. Il me semble que formuler cette volonté dans le cadre de directives anticipées est très "respectable". Ce n'est pas choquant quand on est encore en bonne santé, pas plus si on est atteint d'une maladie incurable, pas plus si l'on procède par "paliers" incluant ou non le passage par les soins palliatifs. À ce moment, quand la confiance s'est instaurée entre le malade et l'équipe de soins je crois que cette équipe de soins est la mieux placée pour envisager la fin, quelle qu'en soit sa modalité, tout en respectant les clauses de conscience, c'est à dire d'orienter après discussions et suffisamment tôt vers une autre équipe si nécessaire. Quand les affrontements politiques sont plutôt des oppositions aux personnes que des choix sociaux ou sociétaux, il ne faudrait pas que cette loi tant attendue soit détournée de ses objectifs à des fins politiciennes. Il ne faudrait pas que les débats des comités citoyens n'aient servi à rien.
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Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 11 mois
Vraiment entre nous, parlons net: est-ce à nous de tuer? Mais rien n'empêche de donner le moyen de SE tuer à qui, sain d'esprit ne l'est plus dans un corps ravagé en douloureux naufrage. Tout le monde n'est pas Montherlant qui écrit "Je deviens aveugle, je me tue." et se tue. Pour certains l'entrée en soins palliatifs peut littéralement épouvanter. Ceux-là ne vous demande pas de les euthanasier, mais juste les moyens de nous quitter dignement alors qu'ils ne savent pas comment faire.
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382 points
Médecine générale
il y a 11 mois
Le développement massif des soins palliatifs n’est pas opposable à l'aide active à mourir. Il ne suffit pas de mieux les doter ou de mieux les répartir pour que toute personne y ayant accès renonce aussitôt au désir de quitter la vie. Que faire, dans ces conditions, des emmerdeurs qui persistent à vouloir en finir malgré l'excellence des soins qu'ils reçoivent ? Le souhait de hâter le jour de sa mort n'est pas seulement l'effet des carences du système. On ne guérit pas à coup de bienveillance le désespoir d'être aphasique, tétraplégique ou même impotent. Chacun ses limites.
 
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