"Exception d'euthanasie", "secourisme à l'envers"… L'avant-projet de loi sur l'aide à mourir consterne 18 organisations de soignants
Emmanuel Macron doit encore rendre les derniers arbitrages, mais le projet légalisant l'aide active à mourir en France prend forme. Il sera présenté en février au conseil des ministres, dans la foulée de la publication de la nouvelle stratégie décennale de soins palliatifs, attendue en janvier, a précisé sur Franceinfo Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée aux Professions de santé et à l'Organisation des soins, en charge du dossier. S'ensuivront alors au moins "18 mois" de débats parlementaires, estime la ministre. Le projet de loi comportera trois parties, a-t-elle précisé : une première partie consacrée aux soins palliatifs, une deuxième aux droits des patients et une dernière à l'aide à mourir. L'avant-projet de loi, consulté par Le Figaro dans une version provisoire datée de fin octobre, comporte 21 articles. Il ouvre la voie au suicide assisté, en permettant à la personne de s'administrer elle-même la substance létale, mais également à une "exception d'euthanasie" afin qu'un "médecin" ou un "infirmier" puissent intervenir quand la personne "n'est pas en mesure physique d'y procéder". Un proche pourrait également être amené à jouer un rôle actif en amenant le verre pour "faire boire à la personne la substance létale". Une clause de conscience est introduite pour les professionnels de santé qui ne souhaitent pas être impliqués, tandis que les volontaires sont incités à s'enregistrer auprès d'une commission dédiée. L'aide à mourir sera réservée aux personnes majeures, atteintes d'une "affection grave et incurable qui engage [son] pronostic vital à court ou moyen terme" – 6 à 12 mois – ou présentant "une souffrance physique réfractaire ou insurmontable". Les souffrances psychiques sont exclues. Un médecin devra réaliser l'évaluation médicale de la demande, et vérifier que le patient correspond aux critères. Comme en Belgique, il devra en premier lieu proposer une prise en charge en soins palliatifs si tel n'est pas encore le cas. Il devra ensuite solliciter l'avis d'un médecin qui ne connaît pas le patient et d'un spécialiste de la pathologie. Mais leurs avis ne s'imposeront pas, la décision ne sera donc pas collégiale. Le médecin aura 15 jours pour la rendre et en cas de réponse positive, le patient aura un délai de réflexion de minimum 48 heures, suite auquel il devra réitérer sa demande avant d'obtenir une prescription. "Médecin seul et tout puissant" Un médecin ou un infirmier devra nécessairement être présent pour "vérifier la volonté de la personne", préparer le produit létal ou installer la perfusion si besoin… et intervenir "en cas d'incident", pour "hâter le décès en limitant les souffrances". Ce que le document consulté par Le Figaro nomme "secourisme à l'envers". Un concept dénoncé dans un communiqué du 14 décembre par 18 organisations de soignants, dont la Société française de soins palliatifs, la Société française de gériatrie ou encore le syndicat infirmier SNPI, qui refusent de devenir "les professionnels du secourisme à l'envers". "Dans ce texte, l'euthanasie et le suicide assisté intègrent directement le continuum des soins", déplorent-elles. Elles dénoncent également l'absence de contrôle a priori (comme en Belgique, la commission examinera le respect des critères a posteriori) et de "décision collective". "Le médecin se retrouve seul et tout-puissant, ce qui constitue un grave retour en arrière par rapport à la loi de 2005" [la loi Leonetti, NDLR]. "Sur la base de ce texte, le gouvernement doit être conscient qu'il n'y aura aucun accord avec les soignants", préviennent-ils.
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