Soirée des hôpitaux 2025

Crédit : Le Point - Clara Cluzel

"On est trop gentils avec les soignants sur la manière dont ils s'organisent" : l'ordonnance de Nicolas Revel pour redresser les comptes de la Sécu

Estimé à 16 milliards d'euros aujourd'hui, le déficit de la Sécurité sociale pourrait atteindre 40 milliards d'ici à 2030 "si rien n'est fait", a alerté la numéro 2 de la Caisse nationale de l'Assurance maladie (Cnam), Marguerite Cazeneuve, lors de la Soirée des hôpitaux organisée par Le Point, mardi 30 septembre, en partenariat avec Egora. "Sans recettes supplémentaires", il sera "très compliqué" d'éviter qu'il ne se creuse, a soutenu Nicolas Revel, directeur de l'AP-HP. 

01/10/2025 Par Louise Claereboudt
Soirée des hôpitaux 2025

Crédit : Le Point - Clara Cluzel

Alors que le nouveau Gouvernement – dont on attend encore la composition – doit présenter dans les prochaines semaines son budget de la Sécurité sociale pour 2026, Marguerite Cazeneuve, directrice déléguée de la Cnam, et Nicolas Revel, directeur général de l'Assistance publique – Hôpitaux de Paris (AP-HP), étaient invités mardi soir à répondre à la question fatidique : "Peut-on encore sauver la Sécu et (surtout) comment". 

"La situation nous inquiète vraiment beaucoup", a affirmé la numéro 2 de la Cnam. "Si on ne fait rien", le déficit de la Sécurité sociale, qui s'élève déjà à 16 milliards d'euros, atteindra 40 milliards d'euros en 2030. "On n'a jamais connu ça en 'temps de paix', en dehors des crises économiques très ponctuelles", a abondé Nicolas Revel, qui a dirigé la Cnam de 2014 à 2020 avant de devenir directeur de cabinet de Jean Castex à Matignon, puis de prendre la tête des hôpitaux parisiens.

Pourtant, "on n'a pas explosé les dépenses de santé en France par rapport aux autres pays" de l'OCDE, a souligné l'énarque, pour qui l'"énorme problème" aujourd'hui, "c'est que le tendanciel des dépenses de santé augmente deux fois plus vite que ce que l'on peut se payer avec un niveau de l'Ondam* raisonnable". "Chaque année, si vous ne faites rien et que vous laissez les choses aller, les dépenses de santé vont augmenter de 4 %."

Pour maintenir le déficit à 16 milliards d'euros, "il va falloir qu'on réalise 25 milliards d'euros d'économies sur les cinq prochaines années, c'est énorme", a développé Marguerite Cazeneuve, qui a livré les pistes du rapport Charges et produits pour 2026, approuvé par le Conseil de la Cnam. "On a essayé d'avoir un objet plus facile à utiliser pour le politique dans cette période d'instabilité. Le fait d'avoir créé du consensus social autour de ce rapport a de la valeur."

"Il faudra rentrer dans l'organisation des soins, dans les pratiques médicales"

Pour le directeur de l'AP-HP, si le déficit de l'Assurance maladie s'est "dégradé" pendant le Covid du fait de "dépenses conjoncturelles", celui-ci a continué de se creuser dans les années qui ont suivi, de 2022 à 2025, du fait des "revalorisations salariales" à l'hôpital (le Ségur) et des revalorisations conventionnelles en ville, "de moindre ampleur". Cela a "considérablement dégradé la branche", a estimé Nicolas Revel. "Quand vous mettez 15 milliards d'euros de dépenses supplémentaires sur ces sujets de revalorisations salariales et zéro recette en face, vous vous retrouvez avec un déficit structurel qu'il sera très compliqué de combler sans recettes supplémentaires."

Si jusqu'ici, "on est parvenus à" limiter la casse "en essayant de mettre la pression sur les prix et les remboursements", "ces deux leviers sont aujourd'hui dans une impasse", a estimé Nicolas Revel. En cause : le vieillissement de la population et l'explosion des maladies chroniques. "Plus vous avez de patients en affection de longue durée remboursés à 100 %, plus le part du gâteau de l'Assurance maladie augmente", a illustré Marguerite Cazeneuve, appelant à mettre les complémentaires à contribution. D'ici 2035 en effet, 25 % de la population sera en ALD, a-t-elle précisé, ce qui représentera "trois quarts de la dépense d'assurance maladie". "Il faut faire attention que l'Assurance maladie ne se retire pas des soins courants, du 'petit risque'."

Dans ce contexte, "on ne pourra pas assurer durablement en rognant les dépenses et les remboursements chaque année", a martelé le DG de l'AP-HP. Et d'ajouter : "on ne pourra pas non plus faire peser l'effort sur les professionnels de santé", alertant sur un risque de "fuite" des soignants de l'hôpital.

Pour Nicolas Revel, il faut "inventer d'autres moyens pour essayer de maîtriser la progression des dépenses de santé", en modérant le volume des soins. "Ces moyens passeront par des trucs un peu compliqués à dire à la radio, à la télé. Il faudra rentrer dans l'organisation des soins, dans les pratiques médicales, dans les sujets de prévention, de qualité, du 'qui fait quoi' entre la ville et l'hôpital. Des sujets sur lesquels la France n'est pas très bonne", a-t-il expliqué, plaidant pour "une vraie politique publique un peu forte et un peu prescriptive"

"On est trop gentils avec les professionnels de santé, les établissements, sur la manière dont ils s'organisent, dont ils pratiquent la médecine, a jugé le patron de l'AP-HP. On a besoin de les faire bouger. Ça va être un vrai levier de maîtrise des dépenses. Si on n'y arrive pas, le système ne tiendra pas."  

 

 

* Objectif national de dépenses d'assurance maladie.

** Produit intérieur brut. 

Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?

Claire FAUCHERY

Claire FAUCHERY

Oui

Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus

Photo de profil de DELA LIE
1,5 k points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Trouver des financements ailleurs qu'en tapant QUE sur les soins/soignants : 1/Que l'argent actuellement utilisé pour financer tous les à-côtés (chauffeur, secretaire/s, indemnités multiples et variées....) via un ancien poste décisionnaire soit supprimé (t'as plus le poste, t'as plus les avantages*, comme pour tous travailleurs) et versé pour l'usage des citoyens dans la SS. *Je concéderai juste pour les plus hauts posted, un garde du corps, car même hors fonction, ils détiennent certains secrets les rendant vulnérables. Autres avantages : on aurait sûrement plus de personnes motivées par le bien du pays et de ses concitoyens que par les avantage perso ! La cours des comptes n'a pas émis d'avis sur ces frais de fonctionnement d'un autre temps ? Un référendum, sur le sujet ? 2/démonter les mille-feuilles administratif, qui coûte très cher, et ne produit pas de soins ? 3/ecouter les avis : des effecteurs de soins, du terrain !
Photo de profil de d a
901 points
Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 2 mois
Comment peut-on dire dans le même discours que nos dépenses n'augmentent pas plus vite que celles des autres pays de l'OCDE et qu'il faut resserrer la vis, qu'on est trop gentils avec ceux qui portent le système à bout de bras, dans tous les même pays ? Comment ne peut-on voir l'éléphant au milieu de la pièce ? Est ce qu'on va encore sursaturer les hôpitaux, encombrer les cabinets, faire exploser les arrêts de travail, harceler les médecins, mépriser les travailleurs qui doivent s'arrêter, contaminer d'autres travailleurs qu'on devra aussi arrêter, tout ça parce qu'on ne veut pas montrer qu'il faut porter un masque en intérieur et/ou améliorer la qualité de l'air intérieur et s'empêcher d'aller au resto / visiter ses aïeux à l'EHPAD / faire une teuf de naissance autour d'un nouveau-né quand on est malade (de n'importe quel virus aéroporté ou digestif) ? Est ce que ça a un sens ? Et autre chose : si on proposait à la sécurité sociale de prendre en charge nos RCP et frais de justice ?
Photo de profil de PIERRE DEVALLET
626 points
Incontournable
Chirurgie générale
il y a 2 mois
Le directeur de la CNAM se comporte en "patron" des médecins, et donneur de leçons sur la pratique de la médecine... Sauf erreur, il n'a jamais soigné personne lui-même. Ce qui est flagrant, c'est que cette attitude est parfaitement admise par les médecins, qui, de fait, ont intégré l'idée qu'ils étaient des agents exécutifs de la CNAM et ont complètement oublié qu'ils formaient , de droit, une profession indépendante...De plus en plus de médecins des dernières décennies ont épousé, par lâcheté et manque de convictions morales et politiques, la doxa sournoise mais bien orchestrée par les technocrates au pouvoir visant à les intégrer dans un grand système de santé publique. La CNAM est passé de son rôle d'assureur -rembourseur à une fonction de directeur général des soins et d'employeur d'agents d'un grand service de santé publique ( qui n'est pas la médecine..) . De plus en plus de médecins sont entrés en servitude volontaire sans même s'en apercevoir, obnubilés par leurs "conditions de formation et de "travail", et par leurs intérêts matériels , attendant tout d'un "Etat providence" qui est en cessation de paiement...Et pour qui la prise en charge médicale de chaque citoyen n'est qu'une charge financière et non un bienfait ...d'autant que les "élites" parisiennes décisionnelles connaissent toutes les portes dérobées leur permettant d'accéder aux praticiens de leur choix ( quels que soient les dépassements d'honoraires qu'ils demandent, même - et surtout- en CHU) , tout en laissant les "gueux" à la porte des hôpitaux généraux de province, où officient de plus en plus de supplétifs mal formés et submergés par l'afflux de patients... " Refusez de servir, et vous serez libres" disait la Boétie. Réflexion toujours d'actualité.... Mais qui sait encore, dans ce monde "déculturé", qui était la Boétie ?
 
Vignette
Vignette

La sélection de la rédaction

Pédiatrie
Moins de médecins, moins de moyens, mais toujours plus de besoins : le cri d'alerte des professionnels de la...
06/11/2025
14
Concours pluripro
CPTS
Les CPTS renommées "communauté France santé" : Stéphanie Rist explique l'enjeu
07/11/2025
12
Podcast Histoire
"Elle était disposée à marcher sur le corps de ceux qui auraient voulu lui barrer la route" : le combat de la...
20/10/2025
0
Portrait Portrait
"La médecine, ça a été mon étoile du berger" : violentée par son père, la Pre Céline Gréco se bat pour les...
03/10/2025
6
Reportage Hôpital
"A l'hôpital, on n'a plus de lieux fédérateurs" : à Paris, une soirée pour renouer avec l'esprit de la salle...
14/10/2025
8
La Revue du Praticien
Diabétologie
HbA1c : attention aux pièges !
06/12/2024
2