
Diabète de type 1 : le dépistage précoce prend son envol
Le dépistage précoce du diabète de type 1, enfin une réalité ? Publiée en septembre 2024, une prise de position de la Société francophone du diabète (SFD) prône sa mise en place auprès des parents au premier degré de patients diabétiques. Lors du congrès annuel de la SFD, des experts ont souligné les avantages de cette stratégie, mais aussi ses écueils.

Le dépistage précoce du diabète de type 1 (DT1) consiste à identifier les personnes au stade préclinique, bien avant qu’elles aient atteint le stade 3 de la maladie, celui du diabète déclaré. A savoir au stade 1, où sont présents au moins deux auto-anticorps spécifiques du DT1, ou au stade 2, où survient en plus une dysglycémie. Selon la Pre Rachel Reynaud, cheffe du service de pédiatrie multidisciplinaire à l’hôpital de la Timone (Marseille), les enfants et adolescents au stade 1 ont 44% de chances d’atteindre le stade 3 dans les cinq ans, de même que 75% de ceux au stade 2. A plus long terme, tous seront atteints d’un DT1 déclaré au cours de leur vie.
Encouragé par une prise de position publiée en septembre 2024 par la SFD, ce dépistage est recommandé aux personnes âgées de 2 à 45 ans, apparentées au premier degré (sœur/frère, mère/père, fille/fils) à un patient atteint de DT1. Alors que, en l’absence d’antécédents familiaux, le risque de développer un DT1 s’élève à 0,4% en population générale, il atteint 4% lorsqu’un frère, une sœur ou une mère sont atteints, voire 8% lorsqu’il s’agit du père. En prenant comme base la population pédiatrique diabétique (environ 25.000 enfants et adolescents diabétiques), 66.000 personnes (frères, sœurs et parents) pourraient être concernées par ce dépistage, estime Rachel Reynaud.
Mieux anticiper le diabète et ses complications
Ce dépistage commence tout juste à se déployer dans quelques hôpitaux français, parmi lesquels l’hôpital Necker-Enfants malades (Paris), ainsi que, pour les adultes, les Hospices civils de Lyon et l’hôpital Lariboisière (Paris). Selon le Pr Jean-François Gautier, chef du service de diabétologie de ce dernier hôpital, « ce travail exigera certainement de structurer des circuits accessibles, fluides, à l’échelle des régions, des départements. Sur le même modèle que celui des maladies rares, il faudra probablement des centres de référence pour le dépistage du diabète de type 1 ».
Dans leur prise de position, les experts de la SFD évoquent, entre autres avantages du dépistage précoce, la possibilité de « prévenir l'acidocétose inaugurale, les hospitalisations prolongées, la dégradation rapide de l'insulinosécrétion résiduelle responsable d'instabilité glycémique, ainsi qu’un risque supérieur de complications à long terme ». Selon des données de Santé publique France, 97 enfants âgés de 1 à 14 ans sont décédés de leur diabète de type 1 entre 1987 et 2016, dont 58% des suites d’une acidocétose -voire 70% chez les 1-4 ans (1).
Autre avantage, « la prise en charge précoce peut permettre d'anticiper les difficultés d'adaptation à la maladie et de corriger les facteurs de risque modifiables (obésité, sédentarité) ». Selon Rachel Reynaud, « l’obésité et la sédentarité accélèrent l’évolution des stades 1 et 2 vers le stade 3. L’intérêt du dépistage est d’accompagner les enfants et leurs familles, notamment en normalisant le poids, en luttant contre la sédentarité ». Par cette démarche hygiénodiététique anticipée, il s’agit d’éviter la « phase de sidération » du diagnostic posé en urgence, qui impose des changements abrupts.
Les auto-anticorps au cœur du dépistage
Ce dépistage repose en premier lieu sur le dosage de deux auto-anticorps associés au DT1. Dans 95% des cas, le test sera négatif : pour l’enfant, il est alors recommandé de refaire le test tous les quatre ans jusqu’à 12 ans. Si le test est positif pour un ou deux anticorps, le patient est orienté vers un centre expert où l’ensemble des quatre auto-anticorps associés au DT1 seront mesurés, avec test de confirmation au cours des trois mois suivants, associé à un dosage de la glycémie postprandiale et de l’hémoglobine glyquée (HbA1c).
Si un seul auto-anticorps est positif, la surveillance est resserrée pendant une période de trois ans, puis revient au rythme quadriennal si l’anticorps disparaît ou demeure isolé. Si deux auto-anticorps sont détectés, le diagnostic de DT1 préclinique est posé : il s’agit alors de déterminer s’il s’agit d’un stade 1 ou 2, par un test d’hyperglycémie provoquée orale et un dosage de l’HbA1c.
Ce dépistage précoce soulève des questions éthiques, d’où la nécessité, évoquée à plusieurs reprises lors de la session, d’y associer des psychologues. Car au-delà des bénéfices du dépistage, cette surveillance n’est pas sans risque pour l’enfant et sa famille. « Poser un diagnostic de stade 1 pour un enfant de cinq ans, c’est l’inscrire dans un parcours de soins en vue d’une maladie qui ne deviendra réellement symptomatique qu’à 15 ou 20 ans. Ce qui signifie l’installer dans un statut d’enfant malade », observe Rachel Reynaud, qui rappelle la nécessité d’un choix libre et éclairé de l’enfant et de ses parents quant au dépistage.
Vers des médicaments actifs au stade 2
Si ce diagnostic précoce permet de préparer la famille à la survenue du diabète, notamment en matière hygiénodiététique, les options thérapeutiques sont maigres. A ce jour, un seul traitement, le teplizumab (un anticorps monoclonal anti-CD3), est disponible dans le cadre d’un accès compassionnel, chez les patients au stade 2 du DT1. Il n’a pour l’instant été administré en France qu’à sept personnes, des adolescents de 13-18 ans, depuis avril 2024. Les résultats semblent favorables en termes de tolérance et d’un point de vue métabolique -un seul patient a pour l’instant atteint le stade 3, neuf mois après le traitement.
Lors des essais cliniques, ce traitement, administré par voie intraveineuse en une seule cure de 14 jours, a été associé à un décalage d’environ deux ans de la survenue du stade 3 (2). Selon Jean-François Gautier, « l’enjeu du teplizumab n’est pas le même pour les enfants et les adultes. Passer deux ans de plus sans insuline, cela compte quand vous avez trois ans, beaucoup moins quand vous en avez 40 ». Au-delà du teplizumab, plusieurs agents sont en cours de développement en vue de ralentir, peut-être un jour d’empêcher, l’évolution vers un DT1 de stade 3. Selon le diabétologue parisien, « nous sommes à l’orée du bois, avec d’autres molécules en cours d’évaluation qui visent à moduler l’immunité dirigée contre les cellules sécrétrices d’insuline, dont des anti-CD3 et d’autres qui agissent sur l’interleukine 2 ».
Au sommaire :
- Diabète de type 2 : quand recommandations et remboursement se contredisent
- DT1 : la boucle fermée demeure efficace à deux ans
- Diabète gestationnel : de l’importance d’un suivi au long court
- La sarcopénie, aspect négligé de la prise en charge du patient âgé diabétique
- Diabète et hypercholestérolémie familiale, dangereux cocktail cardiovasculaire
Références :
Congrès annuel de la Société francophone du diabète (SFD) (Paris, 1-4 avril 2025). D’après les sessions « Dépistage et prise en charge du DT1 au stade préclinique » et « Nouvelles de l’AJD, études observationnelles et épidémiologiques » ; et d’après SFD/SFEDP/AJD, « Dépistage et prise en charge du diabète de type 1 préclinique, stade 1–2. Prise de position d’experts français », Médecine des maladies métaboliques, vol.18 n°5, septembre 2024.
Références :
- Donzeau A et al., Pediatric Diabetes, 19 décembre 2021
- Herrold KC et al., New England Journal of Medicine, 9 juin 2019
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