Négos conventionnelles : avant de parler tarifs avec les médecins, la Cnam réclame des "garanties"
Après avoir passé les cinq dernières semaines à égrener leurs propositions pour revaloriser la médecine libérale, à la façon d'une lettre au Père Noël, les syndicats représentatifs de la profession s'attendaient à recevoir ce jeudi matin les premières propositions tarifaires de la Cnam. Mais pour les "cadeaux", il leur faudra encore patienter.
Le directeur général de la Cnam a "affiché la couleur" dès le début de cette deuxième séance "multilatérale" : la question de la revalorisation tarifaire est renvoyée à la prochaine séance plénière, prévue le 25 janvier prochain. Une déclaration qui a suscité un peu de "déception", reconnaît Thomas Fatôme face à la presse, mais qui n'a pas conduit à un "claquage de portes ou à un abandon du travail commun", se réjouit-il.
"Un accord sur tout ou un accord sur rien"
Pour l'heure, justifie la Cnam, il reste un certain nombre de sujets à aborder dans les focus techniques programmés en janvier, tels que les prescriptions d'indemnités journalières ou encore les questions relatives aux spécialités médico-techniques ou de bloc. Si la Cnam fait de l'attractivité de la fonction de médecin traitant une priorité, elle se montre en effet attentive à respecter un "équilibre" entre les généralistes d'un côté et les autres spécialistes de l'autre, l'accord conventionnel devant nécessairement être ratifié par les deux collèges.
Face aux syndicats impatients, Thomas Fatôme a promis des "propositions ambitieuses". Du moins si l'Assurance maladie obtient des "garanties" suffisantes sur l'amélioration de l'accès aux soins et sur la pertinence et la qualité des soins, deux des quatre grands objectifs fixés à ces négociations – avec l'attractivité de la médecine libérale et l'évolution des modes de rémunération. L'accord sera "global" ou ne sera pas, insiste le directeur général de la caisse, reprenant sa formule : "Un accord sur tout ou un accord sur rien".
Ce n'est donc pas un hasard si les deux grands sujets qui étaient au menu de cette deuxième séance multilatérale - qualifiée de "super focus" par Richard Talbot, de la FMF- étaient d'une part la revalorisation du forfait patientèle médecin traitant (FPMT), et d'autre part les objectifs identifiés pour améliorer la pertinence et la qualité des soins.
Au cours des deux focus consacrés aux médecins généralistes, les partenaires conventionnels sont tombés d'accord sur le fait que le FPMT est "le meilleur outil" pour valoriser spécifiquement la fonction de médecin traitant, et le suivi au long cours des patients complexes, par opposition aux plateformes de téléconsultation et aux centres de soins non programmés. La Cnam a mis sur la table trois hypothèses de revalorisation : la première revalorise fortement le forfait pour les patients fragiles et complexes, c'est-à-dire les patients de plus de 80 ans (de 46 euros, dans le règlement arbitral, à 60) et en particulier, ceux en ALD (de 70 à 90 euros), et les nourrissons de 0 à 2 ans (de 6 à 15 euros) ; la deuxième hypothèse abaisse l'âge des patients considérés comme âgés, à 75 ans ; et la troisième hypothèse rémunère plus fortement les patients MT vus au moins une fois dans l'année.
[captures FPMT – source : Cnam]
Les trois hypothèses représentent toutes une augmentation moyenne de 2000 euros par an par médecin bénéficiaire (pour un coût global de 100 millions d'euros pour la Cnam), s'ajoutant aux 1000 euros de hausse apportée par le règlement arbitral. Le FPMT, qui s'élève en moyenne actuellement à 16 476 euros en moyenne pour les quelques 50 000 bénéficiaires, avoisinerait donc les 20 000 euros. Et même un peu plus pour les médecins âgés de plus de 67 ans et/ou installés en ZIP, pour lesquels la Cnam propose un bonus de 10%. Les médecins nouvellement installés pourraient, quant à eux, voir leur FPMT majoré de 30% les deux premières années.
Au travers du FPMT, la caisse veut par ailleurs davantage rémunérer... le suivi des patients bénéficiaires de la complémentaire santé solidaire et des patients porteurs de handicap. Enfin, elle propose de majorer le forfait de 5 euros pour les patients qui font l'objet d'une coordination avec une IPA. Un montant jugé trop "faible" par les représentants syndicaux, a reconnu Thomas Fatôme.
Pour le Dr Jérôme Marty, de l'UFML, comme pour le Dr Talbot, de la FMF, la revalorisation du FPMT proposée par la Cnam reste globalement insuffisante, au regard notamment du chiffre d'affaires qu'un généraliste peut engranger en une seule journée dans un centre de soins non programmés.
Au-delà du forfait, faut-il aller plus loin en instaurant une "différenciation tarifaire" entre les médecins traitants et les autres médecins généralistes ? Sur la base de quels critères ? "Un nombre minimal de patient médecin traitant?", cite en exemple Thomas Fatôme. Des questions qui restent à trancher et sur lesquelles la Cnam avance "prudemment". Si elle ne veut pas "rejouer le film des mauvaises interprétations du contrat d'engagement territoriale", qui a précipité l'échec des négociations en février dernier, la caisse veut néanmoins des "garanties" sur le fait que les revalorisations consenties permettront de "répondre à la demande de soins", et en particulier d'améliorer l'accès pour les patients en ALD sans médecin traitant, dont le nombre ne cesse d'augmenter (+ 330 000 fin 2023) malgré le plan d'actions déployé au printemps dernier.
12 objectifs de pertinence
S'agissant du deuxième gros sujet de cette séance plénière, la Cnam a listé 12 "objectifs de pertinence" parmi lesquels : réduire la consommation d'antibiotiques pour rejoindre la moyenne européenne, diminuer les volumes d'analgésiques prescrits et lutter contre leur mésusage, ne plus prescrire d'examens biologiques inutiles, améliorer la pertinence des prescriptions d'examens radiologiques et celles des prescriptions d'actes paramédicaux. Pour chacun de ces "leviers" d'économies, des objectifs précis, et des indicateurs de suivi, doivent encore être définis.
Une question se pose d'ores et déjà : "Est-ce qu'une part des économies générées revient aux médecins sous une forme ou une autre? Et si c'est le cas, est-ce qu'il y a des clauses de revoyure chaque année?", formule Jérôme Marty, qui parle franchement de "maitrise médicalisée des dépenses". "On n'a pas encore eu cette discussion, on l'aura au plus tôt fin janvier", élude Thomas Fatôme face à la presse.
Abordant le sujet des assistants médicaux, la Cnam a émis l'idée de permettre à des médecins dans certaines zones particulièrement sous-dotées de cumuler deux contrats, et d'autoriser à des assistants au profil infirmier de pratiquer certains gestes "techniques".
Concernant les spécialistes, elle propose de rallonger le délai de la cotation de la majoration MCU, pour les patients orientés en urgence par le généraliste, à 4 jours, et d'exclure du plafond des 20% les actes de télé-expertise. L'assouplissement de l'interdiction de cumul des actes, l'Optam et l'APC doivent encore être évoqués.
"La Cnam a l'air de dire que ça avance vite, mais de notre point de vue, ça avance doucettement, commente le Dr Richard Talbot, représentant de la FMF. On a fait beaucoup de réunions, il y a une vraie écoute. Mais on n'a toujours aucun élément chiffré ni aucune idée de l'enveloppe globale. On ne peut pas négocier sans savoir où on va." "Pour l'instant c'est une discussion, la vraie négociation commencera fin janvier", résume Jérôme Marty.
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