Le monde post-Covid : un "reset pour les agences et les institutions", selon Frédéric Bizard

27/04/2020 Par Jonathan Herchkovitch
Invités d’un webinaire organisé par la Fédération nationale de l’information médicale (Fnim),  Frédéric Bizard et Serge Guérin, respectivement économiste de la santé et sociologue, ont présenté leur vision de l’« après ». Un monde différent, qui devra faire face à une fracture sociale, mais qui pourrait être l’occasion d’opérer des changements en profondeur.
 

Un « accélérateur de l’histoire ». L’expression, habituellement réservée à d’autres circonstances, a été lâchée par Frédéric Bizard, économiste de la santé et président de l’Institut santé. La Fédération nationale de l’information médicale (Fnim), think tank créé autour de prestataires de services de l’industrie pharmaceutique, l’avait invité à un webinaire le 22 avril, en compagnie du sociologue Serge Guérin, a imaginer le « monde d’après » la crise liée au Covid-19. Pour l’économiste, sa gestion est un « stress test » pour le système de santé, qui devra être repensé. Une refonte qui passera par « un coup de balai dans les administrations ». La crise permet d’évaluer les forces du système : pour lui, c’est incontestablement ses ressources humaines, dont il a vanté « le niveau de formation, l’expertise et le dévouement ». Mais elle est aussi l’occasion de mettre en lumière les insuffisances du système de santé. S’ils brillent par leur qualité, les soignants manquent. Et le point le plus frappant, pour Frédéric Bizard, est le « désert d’éducation sanitaire » que révèle la crise, entre une population qui ne se sent pas toujours concernée, et l’État qui n’a pas l’habitude de gérer le rapport de la population avec la prévention.

  Une vision plus globale La faute à une mauvaise approche de la santé en France. « On aborde la santé de manière comptable, et pas économique », a-t-il expliqué, prenant pour exemple la gestion des stocks stratégiques de masques, et le fait que la décision d’un confinement total est, en soi, un échec. Bonne nouvelle tout de même : « En quelques semaines, nous pourrions faire ce que nous n’avons pas réussi à faire jusqu’à présent », a-t-il ajouté. Il milite pour...

une orientation vers une vision globale de la santé, moins curative. Et c’est en ce moment qu’il faut imaginer l’après, tant sur la gestion du déconfinement que sur la mise en place d’un système de santé différent et pérenne. Le Gouvernement ne devra pas se contenter de coller des rustines, et pour cause : « La santé sera la ressource stratégique la plus importante du 21e siècle », estime-t-il. D’autant qu’il faudra faire face à la fatalité d’une crise économique. « La société en sortira encore plus fracturée qu’elle ne l’était déjà », a ajouté de son côté Serge Guérin, sociologue à l’Inseec, spécialiste de la silver economy. « Il y a ce sentiment pour beaucoup de gens, qu’ils ne vivent pas la même période que d’autres. C’est ce que j’appelle le syndrome de l’Île de Ré, avec ces Français qui passent le confinement au soleil, et les autres ».     Co-responsabilité « L’État veut se montrer très fort, avec un Président qui se prend pour Clémenceau, mais la crise nous a montré qu’il était complètement désorganisé, et par ailleurs incapable d’organiser un couvre-feu total », pour le sociologue. Comme Frédéric Bizard, Serge Guérin attend une explosion sociale à la fin du confinement, issue des conflits liés à la situation économique, mais aussi à d’autres fractures sociétales que la gestion de l’épidémie aura révélées.

« Nous observons des pertes de chances face à la maladie, face à la manière dont les personnes vivent le confinement, et même au sein des entreprises : entre les cadres bien payés qui ont profité du télétravail, et les employés sur le terrain, exposés aux risques », a noté le sociologue. Il faudra aussi gérer l’état de forme des différents salariés au retour du confinement, entre ceux qui reviendront en forme, et ceux qu’il aura épuisé, qui seront moralement et physiquement atteints et fragiles, estime-t-il. « Les études montrent qu’il faut s’attendre à un retour en force des gilets jaunes ». Pour une sortie de crise efficace, il faudra, pour lui, se reposer sur la co-responsabilité. Elle n’émanera pas uniquement de l’État, mais surtout des individus, de la société civile, et des entreprises. Frédéric Bizard parle quant à lui de « fatalisme actif ». Dans cette situation où l’on a perdu le contrôle de son destin, il faut avoir foi en l’homme et en les institutions, tout en gardant un esprit critique, conclut-il. « Il faut que les leaders se révèlent à tous les niveaux, et notamment dans les entreprises, au niveau local, dans les associations… De mauvaises décisions pourraient coûter cher ! »

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