PU-PH : combien sont-ils et que font-ils ? Mystère

19/01/2018 Par A.M.

Dans son dernier rapport sur le "rôle des CHU dans l'enseignement supérieur et la recherche médicale", la Cour des comptes déplore un "essoufflement du modèle" hospitalo-universitaire, qui se traduit notamment par une "perte d'attractivité" du statut de professeur des universités-praticien hospitalier (PU-PH). Elle plaide pour l'encadrement de leurs activités.

  En 2015-2016, selon les chiffres fournis par les ministères de la Santé et de l'Enseignement supérieur et la Recherche, les 30 CHU français comptaient 9 442 postes de personnel hospitalo-universitaire en médecine*. Un effectif en hausse de 1.25% depuis 2005… mais qui ne colle pas avec celui du CNG, chargé de la gestion administrative des carrières : en 2015, l'organisme n'en recensait, lui, que 5 355. Combien de PU-PH sont réellement en activité dans chaque spécialité ? Et combien de postes ne sont, en fait, pas pourvus ? C'est la grande inconnue, déplore la Cour des comptes dans son récent rapport sur le rôle des CHU dans l'enseignement et la recherche médicale, demandé par la commission des Affaires sociales du Sénat.  

"Un essoufflement du modèle"

  Soixante ans après les ordonnances de 1958, l'organisation hospitalo-universitaire a atteint ses objectifs de soins de haut niveau, de développement de la recherche et de professionnalisation de la formation des médecins, souligne le rapport. Mais s'agissant des deux dernières missions, la Cour ne peut que constater "un essoufflement du modèle". Ainsi, avec une part de publications à fort impact qui progresse peu depuis 2011, la France a été rétrogradée au 8e rang de la recherche médicale, récemment doublée par les Pays-Bas et la Chine. La part des CHU dans les scores Sigaps (système d'interrogation, de gestion et d'analyse des publications scientifiques) baisse régulièrement -à l'exception de celle de l'AP-HP- au profit de celles des centres de lutte contre le cancer, des CH et des établissements privés. La faute, notamment, au cloisonnement et à l'érosion des financements (recettes MERRI, PHRC), analyse la Cour.  

  Côté formation médicale, les ressources n'augmentent pas autant que les besoins : alors que "les effectifs de personnels hospitalo-universitaires sont pratiquement stables depuis 2000", le nombre d'étudiants en médecine, pharmacie et odontologie a augmenté de 25% entre 2005 et 2015. En découle un niveau d'encadrement des étudiants "hétérogène", qui ne "permet pas de proposer aux étudiants l'accès à l'ensemble des spécialités sur le territoire national" : de 1 enseignant pour 5,92 étudiants en médecine à Paris 5 (Descartes) à 1 pour plus de 15 à Lille 2. Seules deux universités parisiennes (Paris 5 et Paris 6) disposent de PU-PH et de MCU-PH dans la quasi-totalité des disciplines. Conséquences : les personnels non hospitalo-universitaire (PH, médecins libéraux) interviennent davantage dans la formation pratique médicale et les stages d'internat effectués en CHU ne représentent plus désormais que la moitié des stages effectués, remarque la Cour des comptes, qui juge cette évolution "souhaitable".  

Doutes et hésitations parmi les plus jeunes

  Le statut des PU-PH n'en soulève pas moins "des interrogations": "depuis 1958, le choix de la carrière hospitalo-universitaire par les éléments les plus prometteurs de leur génération a contribué significativement à l’accroissement de la qualité des soins, à l’excellence de la recherche et à la diffusion de la formation", rappelle la Cour des comptes. Mais "aujourd’hui, les souplesses ouvertes par le statut ne suffisent plus à masquer les difficultés d’exercice professionnel des personnels hospitalo-universitaires, suscitant doutes et hésitations parmi les plus jeunes à s’engager dans cette carrière". Signe inquiétant : au 30 avril 2017, au CHU de Saint-Etienne, d’Angers et de Bordeaux, 11 postes de PU-PH et 12 postes de MCU-PH étaient vacants (en anesthésie-réanimation, cancérologie radiothérapie, radiologie, neurochirurgie). Certains jeunes médecins "à haut potentiel" céderaient ainsi à l'attrait du secteur privé, dont les rémunérations sont plus élevées et les conditions d'exercice plus satisfaisantes, au détriment d'une carrière hospitalo-universitaire exigeante. Quelques PU-PH ont également rejoint "le côté obscur": en janvier 2016, le CHU de Saint-Etienne a déploré le départ dans un établissement privé concurrent d’un neurochirurgien spécialisé dans l’activité du rachis, qui réalisait entre 240 et 250 actes par an (52 % de l’activité programmée). Bilan : une perte de près de 1,5 M€ de recettes.  

Un vide qu'il faut impérativement combler

  Difficultés budgétaires, poids croissant des tâches administratives, concurrence de la recherche, hausse du numerus clausus… La pression sur la triple mission soins-recherche-formation des PU-PH s'est accentuée. Tandis que d'autres missions se sont ajoutées : management de service ou de pôle, fonctions de représentation, expertise auprès d'institutions publiques (ou de l'industrie pharmaceutique), voire activité libérale. "Au niveau individuel, l'exercice à haut niveau des trois missions est aujourd'hui présentée comme illusoire, la réalité pratique étant souvent celle d'une bispécialisation, voire d'une monospécialisation. Certains hospitalo-universitaires publient peu, voire pas du tout, et sont de fait des cliniciens-enseignants, quand d'autres ne font que de la recherche et quasiment plus de soins ni d'enseignement", relève la Cour. Cette hétérogénéité des pratiques, appréciée des PU-PH, "met cependant les établissements hospitaliers dans l’incapacité de quantifier le temps médical affecté à chacune des missions, à établir leurs coûts analytiques et à rapprocher de ces coûts des recettes MERRI". Pour les sages de la rue Cambon, "l'absence de définition des obligations de service" pour les PU-PH constitue donc un vide qu'il faut impérativement combler. Déplorant le non-respect de l'obligation pour les PU-PH d'établir un rapport sur leurs activités tous les 4 ans (décret du 24 février 1984), la Cour recommande de mettre une place "un suivi de l'activité" par le biais d'une contractualisation entre l'Université, le CHU et le praticien. Elle constituerait une "garantie pour des personnels soumis à des exigences croissantes" et donnerait "une visibilité pluriannuelle sur les missions à exercer et les résultats à atteindre". Les PU-PH seraient ainsi évalués "périodiquement", à l'instar de leurs confrères anglais. "En Grande-Bretagne, la British Medical Association (BMA) a formalisé, en février 2010, un mode de comptabilisation extrêmement précis du temps, y compris pour les professeurs de médecine dans le cadre d’un contrat annuel révisable qui répartit le temps de travail entre dix activités couvrant les missions cliniques et académiques", cite le rapport en exemple. La Cour recommande également de favoriser dans le domaine de la recherche l'émergence de cinq à dix CHU disposant d'une visibilité internationale en leur confiant une responsabilité de tête de réseau. Elle suggère par ailleurs de réformer les modalités d'allocation des crédits MERRI "afin de concentrer les moyens financiers dans les établissements performants et d'éviter le saupoudrage".   * 5666 PU-PH et MCU-PH titulaires, 3776 non titulaires et temporaires.

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