"Je divise la durée de certaines consultations par deux grâce à mon assistante médicale "

16/10/2020 Par S. B.
Exercer la médecine générale en se concentrant sur la relation avec le patient et en déléguant la paperasse administrative, c'est bien le rêve de la plupart des médecins de famille. C'est désormais une réalité pour le Dr Nicole Mezonnet, installée à Remungol en Bretagne. La praticienne emploie depuis un an une assistante médicale. Elle détaille pour Egora les avantages de ce système qui a facilité son exercice.
 

  Egora.fr : Qu'est-ce qui vous a motivée à embaucher une assistante médicale ? Dr Nicole Mezonnet : Il me trottait dans la tête depuis quelque temps d'augmenter mon secrétariat présentiel. Je travaillais avec une secrétaire deux après-midi par semaine pour ma comptabilité et mes scans et avec un secrétariat déporté pour la gestion des rendez-vous. Puis il y a eu deux départs en retraite non remplacés de médecins généralistes de la commune d'à côté. Ils étaient trois. Le dernier s'est retrouvé tout seul. Nous avons donc décidé, chacun dans nos cabinets, de nous associer. A nos deux communes, nous avions donc 9.000 patients à gérer. Il a fallu augmenter le nombre de patients vus par jour, alors que nous étions déjà à saturation. Mon confrère a arrêté le "sans rendez-vous". Quant à moi qui travaillais déjà sur rendez-vous, il a fallu que j'augmente la cadence. D'où l'idée d'une assistante médicale pour gérer la facturation, prendre la tension, le poids, la taille… En trois semaines, j'avais trouvé mon assistante et j'ai obtenu la subvention de la sécu.   Comment avez-vous recruté votre assistante médicale ? Quelle est sa formation ? Les assistantes médicales sont tenues de faire une formation en trois ans. Elle est inscrite à l'IFSI de Pontivy qui s'est positionné pour la formation des assistantes médicales. Mais le cahier des charges de la formation n'est toujours pas sorti et avec le Covid, tout a été suspendu. Je pense qu'il va y avoir un report. Elle a un bagage de secrétariat puisqu'elle était secrétaire d'État-major dans l'armée. Il s'agit d'une de mes patientes.

  Elle travaille avec vous depuis un an, sans formation. Comment faites-vous ? Je l'ai formée. On a mis en place une vingtaine de protocoles que l'on a signé toutes les deux et qui lui permettent de prendre des décisions au téléphone en fonction des appels. C'est un organigramme avec oui et non en fonction des réponses des patients. Elle sait donc s'il faut me passer la communication, transférer au 15 ou prendre un rendez-vous, et dans quel délai. Une fois que les patients sont en cabinet, elle gère les feuilles de soin, l'encaissement… Et en fonction du motif de consultation, elle va avoir un certain nombre d'examens à faire, comme la prise de poids, de tension ou de taille, l'acuité visuelle. Pour les certificats de sport, elle réalise un électrocardiogramme, geste auquel je l'ai formée. Sur certaines consultations, comme les certificats de sport par exemple, elle me diminue mon temps d'examen de 50%. Du coup j'ai réduit mes créneaux de consultation.   Comment avez-vous organisé sa formation ? Au départ, elle a tourné avec moi. Pendant une bonne semaine, elle m'a regardé faire...

Puis après elle faisait devant moi et je validais. On s'est donné deux mois pour commencer à augmenter la cadence. Nous avons rédigé une fiche de poste mais celle-ci pourra être évolutive en fonction de la formation qu'elle reccevra. Il est question qu'elle soit formée à la vaccination par exemple. Si c'est le cas, elle fera alors toutes les vaccinations et ça sera encore du temps gagné pour moi.   N'y a-t-il pas une problématique de secret médical qui se pose ? Elle est liée au secret professionnel, qui n'est pas le secret médical certes, mais qui est tout aussi important. D'autre part, comme toute secrétaire médicale, elle a accès aux dossiers médicaux mais elle n'est pas censée les lire. Et je constate que les patients lui disent des choses qu'ils n'osent pas me dire. Nous sommes à la campagne, le médecin a encore cette aura, qu'elle n'a pas. On l'appelle Angèle, beaucoup la tutoient. Quand les patients lui disent des choses que je ne sais pas, elle me le met dans le dossier. Cela me permet de tendre des perches aux patients ! Certains disent que c'est plus facile de parler à Angèle qu'à moi. Globalement les patients sont contents.   Comment votre assistante médicale est-elle installée ? J'ai deux salles d'examen. Elle m'installe quelqu'un dans une salle d'examen pendant que j'en vois un dans l'autre dans les cas où je suis seule. Quand je travaille avec un interne, nous avons chacun une salle et Angèle installe les patients à tour de rôle. Elle a aussi un secrétariat avec sa propre carte CPE.   Quelles subventions avez-vous reçues de la Sécurité sociale ? La première année j'ai perçu 18.000 euros, ce qui correspond à 50% d'un équivalent temps plein. Cette année, donc la deuxième, je vais percevoir 12.000 euros puis 9.000 euros les trois prochaines années. C'est une subvention sur cinq ans. Je rémunère mon assistante médicale 2.000 euros nets pour un temps plein de 35 heures.   Avez-vous pu estimer le temps que vous avez gagné depuis son arrivée ? Financièrement, est-ce rentable ? Pour l'instant, c'est gagnant pour moi parce que...

j'ai la subvention. A terme, ça ne sera pas gagnant ou alors il faut que je me réorganise différemment pour monter encore en puissance. Par contre je gagne un temps fou sur le plan administratif. Tous les protocoles de soins, je les établis certes, mais je ne m'occupe plus de leur gestion. Je n'ai plus à courir à droite, à gauche pour récupérer des dossiers ou des comptes rendus par téléphone. Elle s'en occupe. Je ne fais plus non plus les arrêts de travail. Je lui dis de mettre X jours pour telle pathologie et elle s'en occupe directement sur internet avec sa propre carte CPE. J'ai encore quelques activités administratives en lien avec le service médical de la sécu ou de la MSA par exemple, mais je ne cours plus avec les secrétariats. Si j'ai besoin d'un rendez-vous rapide en cardio, elle appelle le secrétariat et organise. Ce temps gagné va me permettre d'augmenter mes plages de rendez-vous. Si je fais trois ou quatre heures de consultations en plus par semaine, ça peut me suffire à devenir rentable. Elle travaille avec moi le matin jusqu'en début d'après-midi. Je constate que le matin je vois 4,5 voire 5 patients à l'heure alors que l'après-midi je n'en vois que 3,8.   Finalement vous avez le mode d'exercice dont rêvent les généralistes ? Oui, c'est agréable de ne pas être seule. Quand j'ai besoin de me poser avec un patient qui ne va pas bien psychologiquement, je prends le temps de le faire, sans inquiétude. Je sais que les patients suivants vont quand même être accueillis. Ne plus gérer la paperasse est également très confortable. Cette expérience est très positive pour moi. Si c'était à refaire, je n'hésiterais pas.    

"J'adore ce que je fais et je ne changerais pour rien au monde" : Angèle Sautreuil, assistante médicale du Dr Nicole Mezonnet
"Ce métier était totalement inconnu pour moi. Je ne fais pas partie du corps médical, je suis une ancienne militaire. J'ai 15 ans de carrière administrative derrière moi. C'est le Dr Mezonnet qui m'a formée à la partie médicale. J'apprends encore et je trouve cette expérience exceptionnelle. Cela me permet d'avoir un contact avec la patientèle mais aussi de découvrir diverses pathologies en fonction des gens et de leurs vécus. C'est vraiment une expérience très complète. J'adore ce que je fais et pour rien au monde je ne changerais.
Concrètement, je gère les patients par téléphone et lorsqu'ils sont au cabinet, je m'occupe de faire les préconsultations. On pose les choses, on voit pourquoi ils sont là. On voit s'il y a eu des problèmes lors de la dernière consultation. Je m'occupe des prises de constantes, taille, poids, tension. Si je m'aperçois qu'il y a des douleurs par exemple au niveau de cœur, je me permets de lancer un électrocardiogramme pour faire gagner du temps au Dr Mezonnet. Je m'occupe aussi des arrêts de travail, des demandes d'ALD, des encaissements ou encore des bons de transport...
Certains patients se confient. Des fois, avec le stress ils ont du mal à s'exprimer face au médecin. J'essaye d'établir une relation de confiance avec eux. S'ils veulent me parler je les laisse faire, et s'ils sont plus timides, on y va doucement. Progressivement, je me rends compte qu'au fil des mois ça se débloque. Des fois ils ont peur de mal s'exprimer devant le médecin, donc je fais le relai entre les deux et je mets parfois l'accent sur des petits points qui auraient pu être omis.
 
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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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