Mon plaidoyer pour la médecine générale

28/06/2018 Par Doc Galava Balit
Billet de blog

[Rediff] - La semaine dernière, nous avons publié le billet de blog du Dr Mathias Wargon, chef de service des urgences, vantant les mérites de sa spécialité aux futurs internes. La blogueuse Galava Blalit, médecin généraliste, a souhaité exercer un "droit de réponse". Pour elle, la "meilleure des spécialités", c'est bien la sienne. Voici pourquoi.

Le médecin est généraliste parce qu’il soigne tout le monde, du nouveau-né au centenaire, du plus pauvre au plus riche, de celui qui fait confiance, parce qu’il ne comprend rien à la médecine, à celui qui est allé voir sur internet et qui discute toutes les décisions, avec tous les intermédiaires entre ces extrêmes. Il est généraliste parce qu’il reçoit toutes les plaintes des patients, et qu’il ne peut jamais dire la phrase magique qui dédouane les autres spécialistes:  "Ce n’est pas de mon ressort". Tout est de son ressort et c’est là que les difficultés commencent. C’est là aussi que le métier devient intéressant. Il faut écouter la plainte, il faut la prendre au sérieux, il faut examiner (et donc être très clinicien) et il faut réfléchir. Je garde en souvenir de mon interne ce constat :  à l’hôpital, on lance le bilan et on réfléchit après; en médecine générale on réfléchit d’abord, on lance le bilan après. La formule est un peu lapidaire, mais assez vraie. Avec ces plaintes qui, une fois sur deux, ne ressemblent à rien de ce qu’il a appris, le (la) médecin généraliste doit trouver un fil, une logique. Alors il faut de la patience, beaucoup de patience, et beaucoup de connaissances médicales aussi, pour écouter la plainte qui se dit plus ou moins clairement, avec les mots du patient. Tout peut être psy et tout peut être organique, la vigilance doit être permanente et l’apprentissage n’est jamais fini. Rester à l’affût des nouvelles recommandations ( Ah! Les constantes modifications du calendrier vaccinal ou des indications des statines !). Garder l’esprit critique, même face à l’hôpital ou aux spécialistes, qui ne sont pas à l’abri des erreurs, ni des effets de mode. Tout cela fait de la MG un métier très stimulant intellectuellement. Et encore. Prendre une décision en situation d’incertitude, une fois sur deux sans diagnostic précis en médecine générale, les études le prouvent, mais avec un résultat de consultation :  du genre "fièvre d’allure virale bénigne", ou  au contraire "mal de ventre avec des éléments inquiétants". Le métier de généraliste est celui d’un équilibriste, et le travail ressemble parfois à un jeu de piste, où les fausses pistes et les énigmes à résoudre se succèdent. Evaluer la gravité. Savoir si  la situation est gérable par le seul généraliste,  ou pas. Savoir par exemple décider d’une hospitalisation en urgence sur quelques éléments cliniques purs, même sans diagnostic. Il n’est pas si facile de faire la différence entre pneumonie et bronchite virale, sur des éléments cliniques par exemple. Il n’est pas si facile de repérer la maladie rare, au milieu des autres plus banales :  l’insuffisance surrénale chronique, la tuberculose  ou la sclérodermie pour reprendre des histoires vécues. Donner les clés au patient pour qu’il re-consulte à temps ( mais pas trop souvent quand même). Ecouter, orienter, les revoir après la consultation chez le spécialiste, les revoir après l’hôpital. Les patients reviennent toujours au point de départ de leur parcours de soin, qu’ils aillent mieux ou au contraire que leur état de santé se dégrade, et ce point de départ est bien souvent chez nous. Voir les patients lors des drames humains. Le conjoint dont la femme est accidentée, le père dont le fils a été incarcéré, j’en passe. Etre cette grande oreille qui ne juge jamais. Il faut une bonne dose d’énergie pour entendre toutes ces plaintes sans se noyer et sans se durcir. Le médecin est là dans la durée, presque tous les jours et pendant longtemps. Au fil de ces années, au fil de ce partage, au fil de ce cheminement avec les personnes qu’il soigne, se crée avec le MG un étrange lien de confiance. Parce  qu’il(elle) a su avant tous les autres que le test de grossesse était positif,  dans la joie ou dans les larmes selon les cas, parce qu’il a entendu les souffrances des couples et des familles, parce qu’il a partagé des rires, parce qu’il a adouci les petites douleurs des vaccins ou des examens des tympans, parce qu’il a soigné quatre générations de la même famille, parce qu’il a annoncé les mauvaises nouvelles,  parfois parce qu’il est allé à domicile, ou parce qu’il a fait le bon diagnostic. La rencontre avec les patients exigeants, consommateurs de soins, ou agressifs, est difficile et nous n’y sommes pas préparés, mais la plupart sont très attachés à leur généraliste. Ils nous ont choisis ! Et lorsque le courant ne passe pas, très sagement ils se tournent vers un autre médecin. Ceux qui consultent dans la durée sont ceux qui se sentent bien avec notre manière de faire, et d’ailleurs, même si cela nous met un peu mal à l’aise, nous recevons beaucoup de cadeaux ou de petites attentions de leur part. La médecine générale change. Elle se vit en équipe, en relais, parfois en maisons de santé pluri-professionelles. De plus, elle est adossée au département de médecine générale de l’université. Les groupes d’échanges de pratiques sont les lieux où nous pouvons décrire les déroulements de nos consultations, comme dans la vraie vie. Les sociétés savantes de médecine générale complètent ce travail d’élaboration de la discipline. Le statut de libéral a ses contraintes, mais il laisse une grande part de liberté dans l’organisation de son emploi du temps : combien de jours ou d’heures travaillées par semaine cette année ? L’année prochaine je pourrais changer. Combien de vacances ? Etc. Et un espace de créativité …. La France découvre tardivement que les médecins généralistes sont des maillons indispensables du système de soin, c’est le moment de s’affirmer.

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