“Une alternative crédible à la financiarisation” : quand Asalée défend son modèle
À l’issue d’une conférence de presse du conseil d’administration d’Asalée, qui est revenu sur les rapports parfois tendus avec les tutelles, la présidente de l’association, la généraliste Margot Bayart a alerté sur les risques de financiarisation qui guetteraient les soins primaires. Elle voit dans le modèle qu’elle défend une contre-proposition.
Mettre en lumière un “combat complexe entre un modèle innovant d’organisation des soins primaires porté par les professionnels de santé et les contraintes imposées par les tutelles publiques et financières”. Tel était l’objectif de la conférence de presse donnée le 10 novembre dernier par le conseil d’administration d’Asalée (Action de santé publique en équipe), une association loi 1901 née en 2004, engagée dans la coordination des soins primaires.
Médecins administrateurs, infirmières invitées, prestataires d’Isas ingénierie social. Plusieurs personnes, liées à l’association, ont partagé leur expérience des “enjeux, conflits et obstacles” rencontrés dans la relation aux tutelles (Cnam, DSS, CPAM 79) les six dernières années. Soit depuis 2019, date d’une modification législative qui a permis le financement, par l’Assurance maladie, des dispositifs favorisant la coopération interprofessionnelle, a rappelé Laurent Quessard, vice-président d’Asalée. Jusqu’à 2025, année de publication du rapport de l’Igas sommant Asalée de revoir son fonctionnement.
“Ce qui était visé, c’était la gouvernance” aux mains des soignants
“Pourquoi tout cet acharnement ?”, des tutelles à l’égard d’Asalée, lance la Dre Margot Bayart, sa présidente depuis septembre 2024, après que différents participants ont témoigné de leur vécu de plusieurs accrocs. La généraliste tarnaise fait aussi la réponse. Pour elle, “la question n’était pas de couler Asalée”, car, met-elle en avant, ce que fait l’association via la coopération médecins/infirmières - l’ETP, la prise en charge des pathologies chroniques - est “particulièrement intéressant” et constitue une “vraie richesse”.
“Ce qui était visé, juge-t-elle, c’était la gouvernance”, aux mains des soignants (le CA est constitué de généralistes, et des infirmières invitées permanentes). Elle évoque une tentative de récupération de celle-ci - et déplore au passage la disparition progressive du MG -, ainsi qu’une “tentative de vol” des actifs produits par les soignants. Elle dresse un parallèle avec France Santé. La mise en place de ce réseau ne serait, formule-t-elle, “ni plus ni moins qu’une procédure de fusion-acquisition des soins primaires”, visant à placer les structures dédiées sous une gouvernance technocratique et financière.
Pour la médecin, “ce qui se passe est extrêmement grave”. Il y aurait d’abord une fusion, “c’est-à-dire qu’on met sous la bannière France Santé l’ensemble des dispositifs d’exercice coordonné, équipe de soins primaires, maison de santé, communauté professionnelle territoriale de santé, pharmacie d’officine avec cabine de téléconsultation et les quelques dispositifs à droite à gauche qui rentreront là-dedans”.
Elle poursuit : via “la rhétorique du déficit et de la catastrophe annoncée, on fait introduire, dans le cadre de l’immobilier en particulier, des groupes financiers, et on va vers la financiarisation de l’offre du système de soins primaires. Dans le même chenal que ce qui a été vécu pour les cliniques, les Ehpad, les radiologues, les biologistes.” Pour Margot Bayart, “l’heure est grave”.
Faire reconnaître le “préjudice” subi
Pour se défendre, l’association s’est entourée de “six cabinets d’avocats”, note Amaury Derville, directeur associé d’Isas ingénierie santé social. Elle s’emploie à la “dénonciation juridique” : “On a continué à dénoncer les illégalités, les irrégularités, faux et usages de faux”, pose le Dr Bayart. “On a réuni tous les éléments et déposé l’ensemble des pièces au Défenseur des droits”, poursuit-elle.
Elle souhaite que soit reconnu le “préjudice” de ces accusations, qui ont “fait perdre un temps considérable à l’accès aux soins”, entraîné “une gabegie de moyens”. Mais aussi que soit reconnue la “mise en précarité” d’Asalée. Elle “compte bien obtenir des dommages et intérêts", parce que “2 000 infirmières ont tremblé”. “Maintenant, ça y est, dit-elle, je pense qu’on a à peu près récupéré la confiance.”
La présidente table aussi sur la “mobilisation collective”. Alors que la stratégie face aux attaques repose sur une solidarité entre médecins, infirmiers, ingénieurs, juristes, patients, Margot Bayart compte aller plus loin, en faisant évoluer l’organisation “vers une société coopérative d’intérêt collectif”, pour faire “évoluer la gouvernance”. Que celle-ci soit partagée entre MG, mais aussi infirmières, salariés, patients. L’association mobilise aussi les citoyens, par le biais d’un film, notamment. Elle appelle enfin à la solidarité avec les syndicats et d’autres secteurs, pour défendre un modèle de soins humain et non financier.
Asalée projette une montée en puissance des effectifs - 8 000 ETP (x4) - d’ici 2028. Elle fait valoir “un potentiel d’économie annuelle de 18 à 30 milliards d’euros, grâce à une meilleure organisation et coordination des soins”, un résultat obtenu via une méta-analyse (+200 documents collectés, utilisation de l’IA). Pour l’organisation, “cela démontre que des solutions non lucratives et centrées sur le soin peuvent être économiquement viables et bénéfiques à grande échelle”. Elle avance “offrir une alternative crédible à la financiarisation des soins primaires”, et se positionne comme “un acteur de résistance et de contre-proposition”.
La sélection de la rédaction
Comptez vous fermer vos cabinets entre le 5 et le 15 janvier?
Claire FAUCHERY
Oui
Oui et il nous faut un mouvement fort, restons unis pour l'avenir de la profession, le devenir des plus jeunes qui ne s'installero... Lire plus