Cancer : l’autre enjeu de la polyarthrite et de ses traitements

27/06/2023 Par R.L.
Rhumatologie
[EULAR 2023] Les patients atteints d’une polyarthrite rhumatoïde présentent une incidence cancéreuse de 20% supérieure à la population générale, selon une étude française présentée au congrès. Si les biothérapies ont peut-être joué un rôle dans la récente diminution du risque de cancers hématologiques, la vigilance reste de mise quant à certains de ces traitements.

  Chez les polyarthritiques, plusieurs travaux ont mis en évidence un risque accru de développer certains cancers, dont ceux liés au tabac et les lymphomes. Pour ces derniers, l’association serait liée à l’inflammation chronique inhérente à cette maladie. Se pose aussi la question de l’impact des traitements, en particulier les biothérapies, disponibles depuis les années 2000. Deux mécanismes pourraient s’opposer : d’une part, ces traitements diminuent l’inflammation, et pourraient atténuer le risque de cancers hématologiques ; d’autre part, leur effet immunosuppresseur pourrait freiner la réponse antitumorale, favorisant le risque cancéreux. Afin de trancher la question, le Dr Maxime Beydon, de l’Institut Pierre-Louis d’épidémiologie et de santé publique (iPLesp, Paris), et ses collègues ont mené une analyse croisée du Système national des données de santé (SNDS) et du registre des cancers Francim, comparant l’incidence cancéreuse chez plus de 257 000 polyarthritiques à celle de la population générale. Portant sur la période 2010-2020, l’étude confirme une incidence plus élevée tous cancers confondus (+20%), ainsi que pour ceux liés au tabac (+138% pour la vessie, +41% pour le poumon), le mélanome (+37%) et le cancer du col de l’utérus (+80%). Les médecins ont-ils bien conscience du surrisque auquel sont soumis leurs patients ? Selon Maxime Beydon, "les rhumatologues peuvent mieux faire" en matière de vigilance. Quant aux médecins généralistes, porteurs d’une approche plus globale de la santé, ils "ont tout leur rôle à jouer" afin d’inciter ces patients à se faire dépister, ajoute-t-il. Phénomène observé lors d’une étude suédoise*, l’incidence de cancer du sein (-9%) semble moindre qu’en population générale. De même, l’équipe note une incidence plus faible des cancers de l’endomètre et du pancréas. Ces effets protecteurs, qui restent à confirmer par d’autres travaux, pourraient être liés à des facteurs génétiques, prédisposant à la polyarthrite mais protégeant de certains cancers, avance Maxime Beydon.   Cancers hématologiques : une récente baisse d’incidence Sans surprise, les résultats confirment la forte surincidence de cancers hématologiques parmi les polyarthritiques, qui s’élève à +173% pour la maladie de Hodgkin. Toutefois, les chercheurs observent une baisse au cours de la période 2015-2020, par rapport à 2010-2015, très marquée pour les lymphomes folliculaires et ceux de la zone marginale. Selon Maxime Beydon, cette évolution favorable des cancers hématologiques pourrait être liée à l’avènement des biothérapies : "on contrôle désormais mieux la polyarthrite, ce qui a probablement un effet sur ce type de cancers". "Nous assistons à une baisse des lymphomes au fil du temps. A terme, ils pourraient atteindre le niveau observé dans la population générale", ajoute le Pr Xavier Mariette, chef du service de rhumatologie de l’hôpital Bicêtre (Le Kremlin-Bicêtre), et coordinateur de la fédération hospitalo-universitaire (FHU) CARE (Cancer & Autoimmune Diseases Relationships). Ce qui semble déjà le cas pour les lymphomes des zones marginales, dont l’incidence sur la période 2015 -2020 ne différait plus significativement de la population générale. Les tendances temporelles sont moins évidentes pour les tumeurs solides. Malgré une légère hausse d’incidence tous cancers confondus en 2015-2020 par rapport à 2010-2015, les résultats sont très variables d’un cancer à l’autre. Surtout, ces données en vie réelle ne permettent pas de trancher quant à l’impact des divers traitements, conventionnels ou biologiques. Notamment du fait de possibles biais de prescription, largement conditionnée par la sévérité de la maladie, l’âge et les antécédents du patient.   Biothérapies et cancer : le débat est loin d’être clos Un temps soupçonnés de surrisque cancéreux suite à une étude publiée en 2006**, les anti-TNF alpha ont depuis fait l’objet d’"études plutôt rassurantes", estime Xavier Mariette. "Cela a toujours été une préoccupation depuis que nous utilisons des agents biologiques puissants, donc très surveillés". Le retour à la vigilance semble de mise depuis la publication, en janvier 2022, de l’étude ORAL Surveillance, qui a jeté un trouble dans la communauté rhumatologique***. Lors de cette étude de tolérance post-commercialisation, menée sur 1 455 patients à risque cardiovasculaire, le tofacitinib, un anti-JAK, a été associé à une hausse de 33% du risque d’évènement cardiovasculaire majeur et de 48% du risque cancéreux, par rapport aux anti-TNF alpha. S’appuyant aussi sur les données observationnelles d’un autre anti-JAK, le baricitinib, l’Agence européenne du médicament (EMA) a recommandé, en octobre 2022, de ne plus utiliser la classe des anti-JAK, sauf en l’absence d’alternatives, chez les patients à risque (plus de 65 ans, fumeurs, risque cardiovasculaire ou cancéreux).   *Wadström et al., Annals of the Rheumatic Diseases. 11 mars 2020 **Bongartz et al., Jama. 17 mai 2006 ***Ytterberg et al., NEJM. 27 janvier 2022   Au sommaire de ce dossier :

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