Suicides de carabins : "Il faut enlever le pouvoir aux PU-PH" pour libérer la parole

Une fois par mois, l’interne en médecine générale et star des réseaux sociaux Et ça se dit Médecin livre, pour Egora, sa carte blanche sur un sujet qui fait l’actualité. Aujourd’hui, c’est sur l’inaction des autorités vis-à-vis de la détresse mentale des étudiants en santé, après le suicide de quatre internes depuis le début d’année, qu’il a voulu pousser un coup de gueule. "Il faut réagir" et vite, sans demi-mesures, plaide-t-il.  

“Le week-end dernier, nous avons eu l’opportunité [avec d'autres internes ou étudiants en santé, NDLR] de faire un live sur Instagram avec le porte-parole du Gouvernement car nous sommes soignants et nous avons de grosses communautés sur les réseaux-sociaux. L’idée, c’était de parler de l’état de l’hôpital, la vaccination, de la crise sanitaire, du couvre-feu… Beaucoup de sujets. Toutes les personnes qui nous suivent pouvaient aussi poser leurs questions : il y en a eu sur les études de santé, sur le harcèlement à l’hôpital, sur les conditions de travail. Je faisais le lien et je relançais lorsque la réponse de Gabriel Attal ne me satisfaisait pas complètement.  

La première question que j’ai posé au porte-parole du Gouvernement, c’est sur le suicide des internes. Il y a quelques semaines, un interne en médecine générale s’est suicidé à Reims. Dans cette ville, c’est le deuxième en moins d’un an. J’ai donc interpellé Gabriel Attal sur les conditions de travail, car le cadre légal est présent… Nous, les internes, nous ne sommes pas supposés faire plus de 48 heures par semaine, c’est la loi. Mais ce n’est pas du tout respecté. C’est la même chose pour les étudiants infirmiers. Beaucoup sont amenés à consommer des anxiolytiques, car c’est un métier très stressant.  

Gabriel Attal a eu l’air très à l’écoute et nous a répondu que des structures étaient en place pour aider les carabins. Mais ce n’est pas une réponse satisfaisante. On le sait, que ces structures sont en place… Sauf qu’elles sont complètement inefficaces. Ces structures sont gérées par des personnes de l’hôpital, il y a donc un risque que l’anonymat soit levé ou que ça se passe mal. C’est d’autant plus un risque pour...

les internes quand on sait qu’il y a des postes d’assistants à la clé. Ça peut bousiller une carrière et je pense que c’est parce qu’il y a des personnes à l'hôpital qui ont tous les pouvoirs, que l’omerta perdure.  

Le système n'est pas fait pour aider les internes, il est fait pour pouvoir exploiter les gens. On manque de pouvoir, on a peu de leviers donc on saupoudre de petites solutions… On a par exemple parlé avec Gabriel Attal du Centre national d’appui (CNA, NDLR), mais ce n’est pas suffisant. Il y a un référent CNA local, mais souvent c’est un PU-PH. Sauf qu’on ne peut pas aller se plaindre de notre PU-PH… à un PU-PH. Les internes ont peur pour leur carrière, c’est toujours pareil. Gabriel Attal nous a dit qu’on pouvait réfléchir à modifier la structure pour que des personnes de l’extérieur puissent intervenir mais rien ne change en attendant.  

Pour moi, il faut enlever le pouvoir aux PU-PH. A partir du moment où ils n’ont plus la capacité de nommer des internes à des postes, la parole va se libérer. Car l’interne qui voudra dénoncer son PU-PH pourra le faire sans problème. Il faut une décentralisation des pouvoirs : ces personnes sont chercheurs, enseignants, chefs de service, managers… ce n’est pas possible. Humainement, pour pouvoir bien assurer toutes ces fonctions, il en faut moins. Et surtout, arrêter de les rendre intouchables.  

Depuis quelques semaines, les étudiants en médecine et les syndicats prennent la parole. J’espère que cette fois nous serons entendus. Je suis de nature optimiste mais à chaque nouveau suicide, on se dit que les choses vont changer et puis, l’émotion passe et rien ne bouge, jusqu’au prochain. Il faut réagir !  

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