Combien sont indemnisés les conseillers de l'Ordre des médecins ?

16/12/2019 Par L. C.
Dans un rapport publié le 9 décembre, la Cour des comptes épingle l'Ordre des médecins. Les Sages de la rue de Cambon constatent notamment des dérives en matière d'indemnités. Qu'en est-il?
 

Les membres de l'Ordre des médecins sont des bénévoles, mais il n'en demeure pas moins qu'ils peuvent être indemnisés. Et cette pratique est tout à fait légale.   Les différentes indemnités D'après le règlement de trésorerie de l'Ordre, adopté le 13 décembre 2018, il existe deux types d'indemnités, non-cumulables, dont les membres peuvent bénéficier. 

  • L'indemnité de responsabilité (fonction) : 

Comme pour les ordres des chirurgiens-dentistes, des sages-femmes, des pharmaciens, des infirmières, des masseurs-kinésithérapeutes et des pédicures-podologues, la loi prévoit que les membres élus de l'Ordre des médecins puissent être indemnisés. Le président et les membres du bureau d'un conseil départemental, territorial, régional, interrégional ou du Conseil national de l'Ordre peuvent ainsi bénéficier d'une indemnité "dont le montant est fixé en fonction des missions et de la charge de travail de chacun et révisable annuellement par le conseil intéressé lors de sa session plénière consacrée au budget".

  • L'indemnité de participation (présence) : 

Selon le code de la santé publique, ceux qui ne peuvent pas bénéficier de l'indemnité de responsabilité peuvent toutefois percevoir une indemnité lorsqu'ils siègent à une séance plénière, participent aux différentes commissions ou assurent une mission ponctuelle à la demande de leur conseil. 

  Quel montant ? Le montant annuel de ces indemnités ne peut pas excéder trois fois le plafond de la Sécurité sociale, soit 121 572€ par an, selon la loi. Et une demi-journée ne peut être indemnisée au-delà de 10% du plafond mensuel, soit 337€ en 2019. Une règle qui n'est pas respectée par tous les conseils…

En 2017, le rapport de la Cour des comptes note que les indemnités (10 millions d'euros) et les frais (4,1 millions d'euros) représentaient 17% du budget annuel réalisé de l'Ordre dans son ensemble. Dans le budget du Conseil national, les dépenses de communication et les indemnisations et frais des élus ont représenté plus du quart des dépenses réalisées la même année.  Les Sages pensent toutefois que "l'esprit de bénévolat réputé animer les fonctions ordinales est inégalement présent". Selon eux, certains membres touchent des indemnités bien plus importantes que d'autres. Une différence qui s'explique par le degré de responsabilités pour le président de l'Ordre, Patrick Bouet, interrogé par Egora.

Au Cnom, les 16 membres du bureau ont perçu plus d'un million d'euros d'indemnités en 2017, soit 68 000 euros par personne en moyenne. Parmi eux, six ont encaissé des indemnités forfaitaires représentant au total plus de 500 000 euros, soit environ 90 000 euros par membre.  

Celles-ci s'élèvent à 9 177 euros brut par mois pour le président du Conseil national et à 7 245 euros brut par mois pour le trésorier du Cnom. Les autres membres touchent une indemnité de présence de 483 euros brut par jour. Les indemnités ne donnent lieu "à aucun avantage social (maladie, retraite) et [sont] soumises à imposition", précise l'Ordre. Pour une même mission, les indemnités varient du simple au quintuple selon les conseils selon les Sages. Les indemnités d'assemblée plénière s'élèvent à 56 euros dans les Hauts-de-Seine, 136 euros dans le Nord, et 207 dans le Rhône. Autre fait relevé...

les indemnités sont parfois versées pour des motifs inadaptés. En Alsace, le président du conseil a reçu, en 2018, 320 euros pour se rendre aux vœux du préfet. Alors que dans d'autres territoires, les petits conseils n'ont pas les moyens de verser une indemnité forfaitaire aux élus de leur bureau.  Et alors que les Sages assurent que les pratiques d'indemnisation des élus ont augmenté de 28% depuis 2011, l'Ordre conteste. Il assure que le niveau des indemnités des conseillers nationaux n'a pas évolué depuis 2013. "C'est le nombre de journées indemnisées qui a augmenté", assure-t-il. L'instance justifie notamment cela par le renforcement de la collégialité dans le but de moderniser l'Ordre, avec, par exemple, plus de réunions.   Justification sur facture  Transport, repas, hébergement… Les conseillers peuvent aussi, en plus des indemnités, être remboursés de leurs frais lors d'un déplacement. À l'époque, les conseillers nationaux bénéficiaient d'un forfait de 250 euros (100 euros pour les médecins habitant à Paris ou en proche banlieue). Grâce à cela, la Cour des comptes indique que l'ancien président du Conseil national a perçu, entre 2010 et 2012, en plus de ses indemnités supérieures au plafond, des "forfaits sans nuitée". Sur ses trois dernières années de mandat, celles-ci ont conduit au dépassement annuel du plafond de la Sécu de plus de 78 000 euros. Et il n'était pas le seul…  Depuis 2018, le passage aux frais réels, sur justificatifs et plafonnés, a été instauré. Mais la Cour des comptes a tout de même constaté que les justifications des remboursements de frais sont "parfois incertaines, voire inexistantes".  Elle cite notamment le cas d'un élu national, membre de la commission de contrôle des comptes, qui s'est fait rembourser des nuitées dans la capitale dans l'appartement de l'un de ses enfants, sur présentation de factures de 200 euros par nuit établies par une société civile immobilière dont il était en réalité propriétaire. S'il contredit sur "la forme et le fond" le rapport de la Cour des comptes, le président de l'Ordre, Patrick Bouet, assure qu'il prendra en compte les recommandations si celles-ci sont bénéfiques pour l'instance. Il a par ailleurs déclaré dans notre interview exclusive qu'il allait faire participer deux personnalités qualifiées extérieures à la commission de contrôle des comptes.  

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