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Ne plus rembourser les prescriptions des médecins non conventionnés : la petite musique qui monte

En deux semaines, deux rapports censés "éclairer les discussions" du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 ont proposé de dérembourser les médicaments, soins et arrêts maladie prescrits par les médecins de secteur 3.  

03/07/2025 Par Aveline Marques
Assurance maladie / Mutuelles Economie
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La Cour des comptes n'a pas l'apanage des propositions choc qui bousculent l'exercice médical. Le rapport rendu mercredi par les trois Hauts Conseils*, saisis par le Premier ministre pour proposer des pistes de "redressement de la Sécurité sociale", n'est pas en reste. Il faut dire que l'enjeu est de taille : le retour à l'équilibre "de la seule assurance maladie" à l'horizon 2029 implique un effort de 35 milliards d'euros, calculent ces trois instances indépendantes ; "3.5 à 4 milliards d'euros sont nécessaires chaque année pour tenir un Ondam** à 2.9%, 22 milliards sont nécessaires pour ramener l'assurance maladie à l'équilibre et les établissements de santé à leur situation antérieure".

Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a, de son côté, identifié près de 200 leviers permettant d'agir sur le volume des soins, sur leur prix et coût ainsi que sur le périmètre de prise en charge. Au menu, des priorités largement partagées : pertinence, prévention, gradation des soins…

Dans nombre de pays la prescription médicamenteuse fait l’objet d’un contrôle plus important

Afin d'améliorer la pertinence, le rapport plaide entre autres pour le renforcement des "contraintes qui limitent la liberté de pratique des professionnels et la liberté d'usage du système par les patients", telles que les demandes d'accord préalable ou les dispositifs d'accompagnement à la prescription. "Dans nombre de pays la prescription médicamenteuse fait l’objet d’un contrôle plus important par les payeurs, relève le HCAAM. Les médicaments sont classés en plusieurs catégories en fonction des risques qu’ils présentent, risques financiers liés à leur coût mais aussi risques de mésusage, et pour certains la prise en charge financière peut être conditionnée au respect de conditions de prescription qui peuvent être contrôlées soit a posteriori, à charge pour le praticien de tenir ces éléments à disposition, soit a priori (accord préalable). Ces procédures ont longtemps été génératrices de surcharges administratives mal vécues par les professionnels, mais aujourd’hui l’ordonnance numérique peut permettre de les intégrer de manière beaucoup plus fluide dans le fonctionnement du système", argue-t-il.

"Assécher" le secteur 3

Pour éviter des hospitalisations ou des recours aux urgences inutiles, le HCCAM suggère de "renforcer la médicalisation des Ehpad", d'étendre les horaires de la PDSA (dès 18h30 et le samedi matin), d'"organiser la prise en charge des soins non programmés de l’ensemble des spécialités par l’intermédiaire du SAS" ou encore d'"inciter fortement voire contraindre à la régulation préalable avant toute admission aux urgences". "L'enjeu financier est majeur : si l'on évitait, par une prise en charge adéquate, 20% de l'ensemble des passages aux urgences, plus d'un milliard d'euros d'économies directes pourraient être réalisées, et près de deux milliards si l'on prend en compte les transports sanitaires associés et les hospitalisations consécutives pour les personnes âgées."

A l'instar de la Cnam dans son rapport Charges et produits, le HCAAM appelle à "des mesures tarifaires ciblées" pour "réduire les rentes". Et propose à son tour de ne plus rembourser les prescriptions des médecins non conventionnés, "qu’il s’agisse des prescriptions de produits (médicaments, dispositifs médicaux), d’actes (examens de biologie, actes paramédicaux) ou encore d’arrêts maladie". "Une telle mesure, en réduisant très fortement l’intérêt au patient de recourir à ce secteur non conventionné, a pour objectif assumé d’'assécher' ce secteur", dont le développement "finirait par créer un appel d'air pour les professionnels". "Dans un contexte de pénurie de temps médical, une situation locale de faiblesse relative de l’offre conventionnée pourrait offrir plus d’espace pour le secteur non conventionné. Un point de non-retour et d’emballement peut vite être atteint, à partir duquel l’importance prise par le secteur non conventionné priverait vite les professionnels conventionnés de l’avantage concurrentiel que constitue la prise en charge de leurs prestations. Une telle évolution signerait la fin de la socialisation par l’assurance maladie des soins courants", alerte le Haut Conseil.

Dérembourser les cures thermales

Autres pistes : dérembourser les médicaments à 15% et les cures thermales, ou encore exclure du champ des contrats responsables et solidaires des complémentaires santé les pratiques non conventionnelles sans bénéfice démontré, telle que l'ostéopathie.

Le rapport examine enfin plusieurs scenarios d'évolution du régime des ALD (double niveau, introduction d'un ticket modérateur spécifique…) voire sa suppression (remplacement par un bouquet sanitaire), et d'articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaires (assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée ; décroisement des domaines d'intervention…). 

 

*Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et Haut Conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HFCEA).

**Objectif national des dépenses d'assurance maladie. 

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1 débatteur en ligne1 en ligne
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Débatteur Passionné
Médecins (CNOM)
il y a 5 mois
Je ne m'étendrait pas sur cette stupidité qui consisterait à ne plus rembourser les examens, soins et arrêts de travail prescrits par les médecins en secteur 3... Annihiler ainsi le seul espoir de nos futurs médecins d'avoir un jour exercice libéral digne de ce nom ne pourra effectivement qu'inciter les futurs bacheliers ne pas s'engager dans la filière médicale. Dérembourser les cures thermales ??? La belle affaire ! Les élus des régions thermales vont monter au créneau pour défendre leurs administrés car le thermalisme ne fait pas vivre que les établissement thermaux. Que deviendront des villes comme Vichy, Dax, Vittel pour ne citer que les plus connues, si on les prive du jour au lendemain de l'afflux saisonnier des curistes. Imaginez qu'on empêche les amateurs de sports divers de se rendre dans les stations de ski, les estivants de se rendre sur les plages...
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117 points
Médecine légale et expertises médicales
il y a 5 mois
C'est le propre du politique d'aujourd'hui: Mettre en avant l'arbre qui cache la forêt! Nos "représentants du peuple" ont perdu tout sens de leur fonction MAIS ont parfaitement compris notre société actuelle: communiquer n'importe quoi pour bien manipuler les populations! Comme le dit un autre commentaire, les médecins de ce secteur sont une poignée qui ne représente rien en termes de dépenses MAIS si cette donnée n'est pas révélée, la manipulation est là! PAR CONTRE, si on veut trouver de l'argent, il y a des actions importantes et plus ou moins faciles à mettre en place; cela demande juste de parler de...la forêt! Aujourd'hui, qui parle du cout des hospitalisations des personnes âgées liés aux salades avec les génériques ou avec les ordonnances à rallonge de cette même population ? Qui parle du cout des médicaments "donnés" aux hôpitaux pour orienter la prescription à la sortie de l'hôpital ? Qui parle de tous les médicaments anticancéreux qui ne donnent pas de résultats sur la survie globale mais qui ont toujours une AMM et qui permettent aux hôpitaux de faire un business et une activité sordide ? Qui parle de ces examens, radiologies qui sont refaits à l'hôpital ou au changement d'établissement ? Qui parle de tous ces passages aux urgences pour des patients pressés (je ne parle pas de ceux qui n'ont pas d'autres possibilités mais des 80% qui n'ont rien à faire aux urgences) ? Qui parle de ce que nous coute l'absence de travail sur l'observance quand on sait que celle-ci est très mauvaise (bonne observance à moins de 50% à 1 an pour des tas de pathologies chroniques) et qu'une pathologie chronique mal traitée c'est des complications qui finissent... à l'hôpital ? Qui parle du fait que les déserts médicaux sont bien souvent des déserts tout court et que c'est la faute du politique si on a des déserts ? Qui parle du fait que l'hospitalocentrisme de notre pays nous coute une fortune pour rien ? Qui parle du fait que l'absence de travail sur la médecine générale fait que nous n'avons plus ce premier niveau de la prise en charge en capacité de faire TOUT son travail (prévention, observance...très consommateur de temps et non payé pour le faire) par manque de bras et donc de temps ? ....Alors ? c'est simple et beaucoup de journalistes sont les complices (pour le buzz) de ces politiques abr... : A chaque fois que vous voyez une ânerie sortie par un politique, posez-vous la question : Quelle est la foret que souhaite protéger le politique !
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Débatteur Passionné
Anesthésie-réanimation
il y a 5 mois
Hum! Je dois reconnaitre que je suis ... Partagé. Il y a d'abord un vrai débat sur le recours aux urgences hospitalières, la prérégulation par le 15 ou autre (mais risque de confusion des N°) mais qui nécessite (cette prérégulation) la participation effective des médecins généralistes à la PDS. Cela repose forcément sur la "disponibilité" de ces médecins et sur une négociation tarifaire des actes et consultations de la PDS. Bien qu'il soit dit qu'elle est assurée très majoritairement, ce n'est pas le vécu (le ressenti) des malades et c'est loin d'être réglé dans les zones "sous denses" qu'on appelle aussi déserts qui mitent le territoire! C'est donc aussi intimement lié à la démographie médicale problème durable parce que non anticipé. Le recours au 15 est pour moi une fausse bonne idée car le risque est d'allonger le temps du "décroché" ce qui pénalise l'urgence vitale au profit de l'urgence "CCMU" 1 voire 2 ce qui est un non sens. Il y a ensuite une attaque frontale contre le secteur non conventionné. Ma foi, même s'il y avait un "saut de compétence" je ne suis pas favorable à cette rémunération "hors convention" (c'est politique j'en conviens mais c'est ma position). En revanche je suis aussi contre ces coups de menton à la Trump, qui promettent le pire pour obtenir une négociation. De part et d'autre on pourrait se considérer comme des gens intelligents et discuter sereinement des enjeux et limites acceptables et des économies souhaitables si elles sont significatives! Un compromis, pour les secteurs comme pour la PDS pourrait peut être, être trouvé, au moins de façon transitoire pour retrouver un ratio médecins/population dans les territoires qui permette un recours aux soins sans ces contraintes folles (de part et d'autre). Bien évidemment la place de la prévention devrait être vraiment privilégiée, qui est la seule voie pertinente d'économies. Son "inconvénient majeur" est que elle table sur le long terme et qu'aucun politique n'a le courage de ne pas promettre pour demain matin les résultats de ses promesses. Oui c'est un investissement qui n'est "rentable" que sur 10 à 30 ans. On préfère actuellement encore et depuis les années 2000 diminuer l'offre pour diminuer les coûts: sinistre blague qui n'a aucun "bord politique" puisque chaque camp persiste à fermer des hôpitaux, des services ou des lits, garder un numérus apertus ou faire semblant de le supprimer arguant qu'on manque de formateurs, de maitres de stages... Et la faute à qui svp? Tous ont contribué. Tout ça ne fait pas un programme politique mais il va bien falloir sortir des postures directives et punitives comme des corporatismes non constructifs et égocentrés. La nostalgie d'une médecine modèle avec une protection sociale exemplaire ne suffit pas.
 
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