
Ne plus rembourser les prescriptions des médecins non conventionnés : la petite musique qui monte
En deux semaines, deux rapports censés "éclairer les discussions" du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2026 ont proposé de dérembourser les médicaments, soins et arrêts maladie prescrits par les médecins de secteur 3.

La Cour des comptes n'a pas l'apanage des propositions choc qui bousculent l'exercice médical. Le rapport rendu mercredi par les trois Hauts Conseils*, saisis par le Premier ministre pour proposer des pistes de "redressement de la Sécurité sociale", n'est pas en reste. Il faut dire que l'enjeu est de taille : le retour à l'équilibre "de la seule assurance maladie" à l'horizon 2029 implique un effort de 35 milliards d'euros, calculent ces trois instances indépendantes ; "3.5 à 4 milliards d'euros sont nécessaires chaque année pour tenir un Ondam** à 2.9%, 22 milliards sont nécessaires pour ramener l'assurance maladie à l'équilibre et les établissements de santé à leur situation antérieure".
Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a, de son côté, identifié près de 200 leviers permettant d'agir sur le volume des soins, sur leur prix et coût ainsi que sur le périmètre de prise en charge. Au menu, des priorités largement partagées : pertinence, prévention, gradation des soins…
Dans nombre de pays la prescription médicamenteuse fait l’objet d’un contrôle plus important
Afin d'améliorer la pertinence, le rapport plaide entre autres pour le renforcement des "contraintes qui limitent la liberté de pratique des professionnels et la liberté d'usage du système par les patients", telles que les demandes d'accord préalable ou les dispositifs d'accompagnement à la prescription. "Dans nombre de pays la prescription médicamenteuse fait l’objet d’un contrôle plus important par les payeurs, relève le HCAAM. Les médicaments sont classés en plusieurs catégories en fonction des risques qu’ils présentent, risques financiers liés à leur coût mais aussi risques de mésusage, et pour certains la prise en charge financière peut être conditionnée au respect de conditions de prescription qui peuvent être contrôlées soit a posteriori, à charge pour le praticien de tenir ces éléments à disposition, soit a priori (accord préalable). Ces procédures ont longtemps été génératrices de surcharges administratives mal vécues par les professionnels, mais aujourd’hui l’ordonnance numérique peut permettre de les intégrer de manière beaucoup plus fluide dans le fonctionnement du système", argue-t-il.
"Assécher" le secteur 3
Pour éviter des hospitalisations ou des recours aux urgences inutiles, le HCCAM suggère de "renforcer la médicalisation des Ehpad", d'étendre les horaires de la PDSA (dès 18h30 et le samedi matin), d'"organiser la prise en charge des soins non programmés de l’ensemble des spécialités par l’intermédiaire du SAS" ou encore d'"inciter fortement voire contraindre à la régulation préalable avant toute admission aux urgences". "L'enjeu financier est majeur : si l'on évitait, par une prise en charge adéquate, 20% de l'ensemble des passages aux urgences, plus d'un milliard d'euros d'économies directes pourraient être réalisées, et près de deux milliards si l'on prend en compte les transports sanitaires associés et les hospitalisations consécutives pour les personnes âgées."
A l'instar de la Cnam dans son rapport Charges et produits, le HCAAM appelle à "des mesures tarifaires ciblées" pour "réduire les rentes". Et propose à son tour de ne plus rembourser les prescriptions des médecins non conventionnés, "qu’il s’agisse des prescriptions de produits (médicaments, dispositifs médicaux), d’actes (examens de biologie, actes paramédicaux) ou encore d’arrêts maladie". "Une telle mesure, en réduisant très fortement l’intérêt au patient de recourir à ce secteur non conventionné, a pour objectif assumé d’'assécher' ce secteur", dont le développement "finirait par créer un appel d'air pour les professionnels". "Dans un contexte de pénurie de temps médical, une situation locale de faiblesse relative de l’offre conventionnée pourrait offrir plus d’espace pour le secteur non conventionné. Un point de non-retour et d’emballement peut vite être atteint, à partir duquel l’importance prise par le secteur non conventionné priverait vite les professionnels conventionnés de l’avantage concurrentiel que constitue la prise en charge de leurs prestations. Une telle évolution signerait la fin de la socialisation par l’assurance maladie des soins courants", alerte le Haut Conseil.
Dérembourser les cures thermales
Autres pistes : dérembourser les médicaments à 15% et les cures thermales, ou encore exclure du champ des contrats responsables et solidaires des complémentaires santé les pratiques non conventionnelles sans bénéfice démontré, telle que l'ostéopathie.
Le rapport examine enfin plusieurs scenarios d'évolution du régime des ALD (double niveau, introduction d'un ticket modérateur spécifique…) voire sa suppression (remplacement par un bouquet sanitaire), et d'articulation entre assurance maladie obligatoire et complémentaires (assurance complémentaire obligatoire, universelle et mutualisée ; décroisement des domaines d'intervention…).
*Haut Conseil du financement de la protection sociale (HCFiPS), Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) et Haut Conseil de la famille de l'enfance et de l'âge (HFCEA).
**Objectif national des dépenses d'assurance maladie.
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