Fin de la liberté d'installation, urgences payantes et paiement au forfait : vos propositions santé au Grand débat

06/03/2019 Par Fanny Napolier

Qui a dit que les médecins n'auraient pas voix au chapitre dans le Grand débat national ? Alors que les thématiques de santé sont absentes des questions lancées par Emmanuel Macron, Egora a choisi de vous donner la parole.  Comment mieux rémunérer les soins primaires ? Comment libérer du temps médical ? Comment assurer sur tout le territoire un accès aux soins de qualité ? Vous avez été très nombreux à répondre à notre appel. Libéraux, hospitaliers, jeunes médecins, retraités actifs ou pas, vous fourmillez de propositions, d'idées, de pistes de réflexion pour faire avancer le débat. A quelques jours de la fin du Grand débat national, voilà un nouvel aperçu de vos propositions pour la santé.    

"Le lobby des médecins ne peut continuer à fuir les zones où les malades ont besoin d’eux"

Dr Martial Olivier-Koehret - Généraliste, libéral "Si j’étais ministre de la santé, je ferais primer l’intérêt du malade sur toute autre considération. Je n’aurais plus comme seuls interlocuteurs, les lobbys divers et les corporatismes professionnels. Si j’étais ministre de la santé, je lutterais contre l’argent qui règne sur la santé. Je ferais régner une autre logique, où chaque euro dépensé soit utile aux malades et mobilisé à bon escient. Je généraliserais les tarifications forfaitaires pour sortir de la course à l’acte et du paiement à l’acte inflationniste. Les paiements seraient acquis uniquement lorsque les recommandations de pratiques sont respectées. Les datas seraient utiliser systématiquement pour évaluer la pertinence des pratiques et les soins de chaque malade. Si j’étais ministre de la santé, je répéterais chaque jour que les déserts médicaux sont une urgence politique, mon urgence politique. Le marqueur exclusif sur lequel tout ministre doit être évalué et sanctionné en cas d’échec ou d’inaction. La population du tiers de notre pays, 12 millions de personnes, finance les soins et n’a plus accès à des soins de qualité. Le lobby des médecins ne peut continuer à fuir les zones où les malades ont besoin d’eux et en même temps refuser toutes évolutions. Les médecins se disent débordés mais la majeure partie de leur temps est consacrée à renouveler les ordonnances des malades chroniques, activité qui relève des pharmaciens. Les médecins se disent débordés et ne veulent plus faire de visites à domicile pour le suivi des personnes âgées, activité qui relève des infirmières en auto saisine. Les médecins se disent débordés et ne peuvent plus faire de gardes, leurs rendez-vous ne leur permettent plus de faire des soins non programmés, ces activités de premier recours relèvent des pharmaciens, des infirmières et des autres soignants. Si j’étais ministre de la santé, je m’étonnerais du manque de médecins dans le pays qui a le plus de médecins…. Je m’étonnerais que plus de la moitié des médecins formés ne délivrent pas de soins. Je m’étonnerais que l’on manque de médecins à certains endroits (moins 20% dans les départements difficiles) et pour certaines activités utiles à nos concitoyens. Je m’étonnerais que l’on crée des postes de médecins salariés qui vont emplir des imprimés dans de sombres bureaux. Si j’étais ministre de la santé, je créerais une instance de gouvernance où chaque emploi (tous les emplois) de médecin serait examiné pour être autorisé au regard de son utilité pour la population. Si j’étais ministre de la santé, j’organiserais une rémunération différenciée des médecins libéraux selon la zone d’exercice et la réalité des activités (suivi des nourrissons et des personnes âgées, gardes, visites à domicile, actes techniques, continuité des soins, etc..). Si j’étais ministre de la santé, j’engagerais les équipes de ville et d’hôpital à coopérer et je réduirais l’offre hospitalière aux malades qui relèvent de soins hospitaliers et non aux personnes âgées dont on ne sait quoi faire ou aux malades victime de la défausse ambulatoire. Si j’étais ministre de la santé, je réunirais les syndicats de médecins libéraux pour qu’ils expliquent ce qu’ils ont fait du monopole d’exercice ambulatoire, des prix garantis par la sécurité sociale pour mener une politique conventionnelle couteuse qui ne garantit plus les soins aux français. Comment ils sont devenus les fossoyeurs de la médecine libérale. Si j’étais ministre de la santé, j’engagerais un grand débat avec les médecins, les patients et les élus locaux pour définir ce qu’est un médecin… Les médecins sont désacralisés et tombés de leur piédestal. L’intelligence artificielle, les algorithmes, les objets connectés font déjà mieux que les médecins. Quelle place, quel rôle pour des médecins demains plus humains, plus disponibles, plus proches des malades, capables de décrypter les situations et les traitements, d’accompagner les malades pour qu’ils exercent la plénitude de leurs droits et décident leur santé ? Mais je ne suis pas ministre de la santé, Emmanuel Macron n’a cure de la progression des déserts médicaux et des inégalités de santé. Je ne suis pas ministre de la santé, je suis médecin généraliste dans un désert médical, j’effectue gardes et visites à domicile, je soigne tous les âges du nourrisson en sortie de maternité aux personnes en fin de vie. J’exerce la plénitude de mon métier de généraliste et j’en suis heureux."    

"Nous devons réfléchir au dogme de la liberté d'installation"

Généraliste, libéral, 55-65 ans "Maillage territorial ; inciter remplaçants à s'installer ; sensibiliser jeunes médecins à travailler zones sous dotées ; penser intérêt général ; arrêter gaspillage argent public par politiques qui souhaitent se dédouaner d'un autisme collectif ; préserver hôpital service public ; égalité soins pour tous ; attention privatisation médecine à 2 vitesses ; urgence solutions horizon 2025 quand ancienne génération sera en retraite ; la télémédecine ne va pas tout régler ; situation critique prise en charge de nos ainés en Ephad ; moyens financiers pour créer postes soignants ; arrêtons maitrise comptable ; santé accessible à tous y compris en zone rurale ; le plan 2022 sante ne répond a aucune de ces priorités ; attention au burn-out voire suicides professions médicales ;  inquiétude croissante des patients pour accès aux soins primaires ; réfléchir sur dogme de la liberté installation ; la sante est un droit pour tous ; études médicales financées par Etat ; régulation imposée chez pharmaciens, infirmiers, pourquoi pas chez les médecins ?"  

"Des infirmiers diplômés pour les consultations courantes"

Généraliste, libéral, 55-65 ans "Modifier l'accueil et la prise en charge des patients en ville. 1- Les consultations courantes et simples (gastro grippe, cystite, certains renouvellements...) prises en charge par des infirmiers diplômés pour cela (bac+5). Le médecin arrive en deuxième ligne si mise en évidence d'une consultation complexe par la consultation d'accueil ou programmation de suivi ou de bilan pour pathologie complexe. La rémunération de la consultation simple peut être diminuée (moins de 25€) et permettre une meilleure rémunération de la consultation complexe à laquelle on peut attribuer plus de temps.  2- Rendre attractif la profession de médecins généralistes pour les jeunes praticiens en passant à un salariat. Actuellement trop de charges (environ 50%) et pas assez de sécurité ou souplesse (en cas de maladie, désir de formation, repos, loisirs ...)  3- prévoir des maisons médicales qui regroupent tout cela."  

"Remplaçons le paiement à l'acte par un forfait de 100€ annuels en tiers payant"

Dr JF Massé, La Rochelle - Généraliste, libéral, plus de 65 ans "Propositions concernant les systèmes de soins et de santé : 1- S'assurer que tous les assurés sociaux soient systématiquement informés une fois par an, en avril, de l’ensemble exhaustif des dépenses de santé qu'ils ont induites l’année civile précédente. En y dissociant : a) le détail des soins et leur coût global,  

b)  la part directement payée au fournisseur des soins par la CPAM, 

c) la part payée par l’assuré et remboursée à l'assuré par la CPAM,

d) la part payée par l’assuré, non remboursée par la CPAM mais remboursée à l'assuré par sa mutuelle s'il y a lieu, 

e) la part restant à sa charge même en ayant une mutuelle.  2- Pour ce qui concerne les soins primaires assurés par les médecins généralistes conventionnés secteur 1 auprès des personnes dont ils sont le médecin traitant : remplacer le paiement à l’acte systématique par la possibilité (choisie) d’une rémunération forfaitaire, en tiers payant, de 100 € (en 2020) par an et par personne, quels que soient son âge et sa pathologie. Somme réglée en deux fois, soit en juin et décembre, soit au prorata en fonction de la date de la signature du contrat et / ou de l’installation. Ce forfait impose au MG traitant auprès de chaque assuré contractuel deux consultations de synthèse par an et deux consultations non programmées complémentaires si besoin. Toute demande supplémentaire à l'initiative du patient ou du médecin sera facturée 20 € (en 2020) avec prise en charge en tiers payant de 50% par la CPAM. Ainsi une personne sans mutuelle qui solliciterait son médecin 4 fois dans l'année (en plus des 4 consultations prises en charge par le forfait médecin traitant) devrait payer 40 €. Cette organisation pourra facilement libérer du temps médecin et du temps formation. Pour les personnes nécessitant un déplacement à domicile (ou en EHPAD) le forfait annuel sera de 180 € (en 2020) avec, de la même façon, deux temps de synthèse annuels et deux visites complémentaires si besoin. Toute visite supplémentaire à la demande du patient, de son entourage ou du médecin lui-même sera facturée 30€ (+ indemnités kilométriques) avec prise en charge en tiers payant par la CPAM de 20€ (+ indemnités km), le reste à charge du patient étant de 10 € par visite possiblement pris en charge par sa mutuelle s’il y a lieu. Ces mesures restent complémentaires des modalités d’application des ROSP actuels.  3- Pour ce qui est de l'accès aux soins en milieu rural : développer des maisons de santé pluridisciplinaires avec immobilier appartenant aux ARS, distantes les unes des autres d’au plus 30 km, en favorisant un principe de location très modérée et imposer à toutes les professions de soins primaires (médecins généralistes, infirmiers, kinésithérapeutes, chirurgiens-dentistes, orthophonistes, psychologues cliniciens conventionnés) d'y passer au moins une année dans la décennie qui suit la réception de leur diplôme d'état correspondant, pour le valider définitivement. Pour ce qui concerne les médecins généralistes, le contrat médecin traitant serait signé avec la structure (SCP) et non avec un praticien. C’est la structure qui devra honorer le contrat (et réciproquement pour les patients), comme s’il s’agissait d’un même praticien.   4- Considérations générales sur les soins primaires :  a) Le forfait déplacement à domicile et les indemnités km des infirmières, des kinésithérapeutes et des orthophonistes seront alignés sur ceux des médecins généralistes.  b)   Les psychologues cliniciens qui le souhaiteront seront associés aux professionnels de santé de soins primaires conventionnés et la prise en charge de leurs soins sera alors intégrée, selon des modalités à préciser, à la nomenclature des actes pris en charge par la CNAM."  

"Le vrai prix d'une consultation est 50 euros"

Généraliste, salarié, plus de 65 ans "Le cœur du problème c'est l'argent : le vrai prix d'une consultation est 50 euros. Avec cela on arrête le baratin : Rosp, assistant sanitaire, prime à l'informatisation, etc…  Avec cette somme les médecins engagent une secrétaire qui fait la paperasserie, peuvent travailler en ville, s'installer en campagne surtout si on défiscalise etc. La sécu organisme payeur aurait évidemment un droit de regard. Comment on paye ? Par une analyse rigoureuse des ordonnances, des examens d'imagerie de biologie où il y a un extraordinaire gâchis."  

"Faire payer l'accès aux urgences non vitales des CHU"

Généraliste, libéral, 55-65 ans "1° revaloriser financièrement l'exercice médical libéral pour le rendre attractif en ne remboursant pas tout et n'importe quoi.... 2° dans le même esprit, faire payer l'accès aux urgences non vitales des CHU (diminution de la saturation assurée...) 3° libérer du temps médical en supprimant pas mal de "certifalacons" en faisant juste appliquer la réglementation (en particulier pour la pratique sportive, bénéfique en général, même s'il y a des cas particuliers...)"  

"Si j’étais ministre je ferais la révolution"

Spécialiste, hospitalier, plus de 65 ans "Bonjour Si j’étais ministre je ferais la révolution. Au niveau des études tout d’abord. Pour ceux qui sont dans la filière scientifique au lycée, des stages obligatoires dans les hôpitaux, les centres de recherche et différents services sociaux. Pour la fac pas de filière commune avec toutes les orientations possibles mais des passages de l’une à l’autre facilités. Pour le nombre d’étudiants médecins, il est fixé annuellement en fonction des besoins des territoires, informations données par les instances politiques départementales. Stages dans les services dès la troisième année, suppression des matières qui ont un vague rapport avec la médecine. Faire une très nette différence entre ceux qui veulent une carrière hospitalière et les autres. Revenir sur un principe de choix personnel pour devenir spécialiste, concours en fonction toujours des besoins établis par les instances départementales. Reprendre le principe des CES pour mettre des étudiants dans les hôpitaux périphériques. Pour l’installation, supprimer la liberté d’installation sans l’accord des tutelles, fin des secteurs deux mais revalorisation des actes à discuter avec un revenu fixé en fonction des services rendus à la population pour les généralistes. Pour les spécialités chirurgicales, doubles avis obligatoires sur certaines interventions. Interdiction faite au généraliste de demander des examens radiologiques type IRM ou scanner, mais rendre obligatoires pendant les études de spécialistes l'apprentissage de l’échographie. Favoriser son apprentissage pour les médecins travaillant dans des zones désertiques. Réouvrir les dispensaires, les maisons médicales et les urgences leurs ressemblent beaucoup. Faire une distinction entre urgences debout et couchée. Étudier le principe d’une participation financière pour la bobologie. Si on réduit le nombre d’hôpitaux il faut organiser des services d’hôtellerie à proximité directe pour l’accueil des familles et des patients éloignés. Formation continue obligatoire pour tous. Possibilité de modification d’installation pour ceux qui étaient dans des déserts puisqu’il y aurait une certaine contrainte à les remplir. Dans les hôpitaux revenir au temps partiel même pour les généralistes et les spécialités avec des frais de matériel important, et favoriser l’activité libérale avec grosse redevance ou définir une rémunération au service rendu. L’idée étant qu’il y a trop d’examens inutiles, bio, radios etc… lorsqu’on a des machines il faut les amortir. En gros il n’y a pas trop de médecins, ils ne sont pas tous au bon endroit, ils se font une concurrence dans les villes qui entraîne des surcoûts pour l’assurance maladie sans amélioration de la qualité de vie Quant à savoir qui paye quoi, il me semble que les différentes taxes existantes devraient revenir dans les caisses de l’AM. Il faudrait en faire de nouvelles sur la teneur en sucre en sel des produits industriels. Inventer un bonus-malus pour les mutuelles et assurances afin de favoriser les bons comportements des usagers, comme la prévention, les vaccinations l’exercice les visites systématiques pour dépistage précoce etc. Voilà un échantillon"  

"Pensez à la santé des médecins qui vous soignent"

Généraliste, hospitalier, moins de 35 ans "J'interdirais les gardes de 24h à l'hôpital pour les urgentistes et les chirurgiens. J'obligerais légalement à faire des gardes de 12h maximum consécutives. Pensez à la santé des médecins qui vous soignent à l'hôpital. Faire 24h d'affilée pour un urgentiste ou un chirurgien est inhumain. Interdire également de travailler plus de 48 h par semaine. Faire des "shift" comme dans les pays Anglo-saxons."    

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