Troubles de l'érection, éjaculation précoce, andropause… ils ont trouvé comment surmonter "la honte et la peur" des hommes
Pour limiter l'errance thérapeutique des hommes confrontés à des problèmes sexuels, Simon Burellier et Olivier Algoud ont créé en 2019 Charles.co, une plateforme de téléconsultation dédiée. L’objectif : lever "les problèmes d’accès à des médecins spécialisés, de honte et de peur". Aujourd’hui, plus de 250 000 hommes ont déjà été suivis par ce dispositif.
74% des hommes présentant une dysfonction érectile ne consultent pas un professionnel de santé, révélait une enquête Ifop en 2019. Plusieurs causes sont évoquées comme "la peur d’en parler, la honte, le fait de ne pas savoir à qui s’adresser, le faible nombre de spécialistes", souligne le Dr Gilbert Bou Jaoudé, médecin sexologue. Lui, est un expert du sujet. S’il a choisi la médecine générale pour spécialité, il confie ne l’avoir "quasiment jamais pratiquée". Intéressé dans un premier temps par la fertilité, il obtient un diplôme universitaire en andrologie puis en médecine sexuelle. "Je me suis rendu compte qu’il y avait un énorme manque de connaissances sur ce sujet et je trouve que la médecine délaissait ce domaine. On voyait beaucoup la sexualité sous un angle psychiatrique et psychologique et pas assez sous un angle médical", confie-t-il.
En 2018, le médecin croise la route de deux entrepreneurs, qui ont un projet en tête : lancer une plateforme sur la santé. Cette même année, un arrêté ainsi qu’un décret sont publiés, permettant de "libéraliser la téléconsultation", se souvient Simon Burellier, l’un des entrepreneurs. "Le Dr Bou Jaoudé nous disait que dans la médecine sexuelle masculine, il y a un vrai sujet avec le numérique et la téléconsultation parce qu’il n’y a pas beaucoup de médecins spécialisés et donc beaucoup de régions qui ont un accès difficile à ces médecins-là", se rappelle-t-il.
"Premier contact"
Les cofondateurs lancent alors, en juin 2019, une plateforme de téléconsultation nommée Charles.co qui ambitionne d'inventer "un nouveau format". "A la base, les patients qui consultent pour ces problématiques-là vont soit chez le généraliste pour un autre motif et évoquent le sujet en cinq minutes en disant ‘tiens j’ai aussi ce problème-là’. Ou alors, ce sont des consultations de 45 minutes en cabinet où là, pour le coup, c’est plus long et difficile pour le patient, explique Simon Burellier. On s’est dit qu’il y avait peut-être un format de 15-20 minutes à trouver." Il précise également que pour les patients, "Charles.co, c’est souvent le premier contact avec la médecine sexuelle depuis longtemps".
Pour le médecin sexologue, le fait de téléconsulter et donc de ne pas voir physiquement le patient n’est pas forcément un inconvénient dans sa pratique. «En médecine sexuelle, la plupart du temps, le diagnostic se fait à l’interrogatoire. C’est une problématique pour laquelle l’aspect dématérialisé est adapté. Quelqu’un qui dit, j’ai un problème d’érection, d’éjaculation rapide, il n’y a pas d’examen à faire pour prouver qu’il a cette maladie-là", assure le Dr Bou Jaoudé. Pour les cas où le patient a besoin d’un examen physique ou de se rendre aux urgences, la plateforme "réoriente" directement le patient, grâce à des "filtres de préconsultation". Il s’agit par exemple de fiches que le patient doit lire avant le rendez-vous, ou encore un questionnaire à remplir suivant les symptômes qui l’amènent.
Même si la téléconsultation ne pourra jamais se substituer à un rendez-vous en cabinet, le médecin sexologue estime que "le côté dématérialisé apporte tout de même quelque chose en plus". "Les personnes disent qu’elles sont plus à l’aise en téléconsultation, plus détendues, ce qui permet de rentrer plus rapidement dans le sujet. Comme elles sont chez elle, leur état de stress est moins élevé, et nous on le ressent dans les consultations. Sur le plan médical, elles ont aussi leur document sous la main."
"Couvrir tout le parcours de soin"
Une fois la téléconsultation effectuée, le médecin peut prescrire des traitements à récupérer en pharmacie ou des thérapies digitales. "Ça peut être des programmes de trois mois à suivre, des exercices de périnée à faire…", détaille Simon Burellier. Pour ce qui est des prescriptions, Charles.co propose aussi un service de livraison, afin d’obtenir les produits directement chez soi plutôt que d’aller en pharmacie. "On a essayé de couvrir tout le parcours de soin", assume le cofondateur. La plateforme possède aussi un support patient qui consiste en une "équipe de trois personnes dédiées à l’avant et à l’après-téléconsultation, poursuit-il. Ça peut aller de ‘j’ai perdu mon code’, à des question pratiques, des peurs… Cette équipe permet à la fois aux patients d’avoir un soutien permanent et d’avoir des informations. Et ça permet également aux médecins de se concentrer sur leur travail."
Si la plateforme s’adresse à tous les hommes, ceux qui consultent le plus sont "les patients qui ont la cinquantaine et qui commencent à avoir des troubles de l’érection lié à l’âge. Ceux qui ont moins de 30-35 ans et qui ont une éjaculation précoce, et enfin les patients jeunes qui ont des dysfonctions érectiles avec pour origine l’anxiété, l’angoisse de performance, ou un stress lors des rapports", détaille le médecin sexologue.
Des médecins indépendants
Face à eux, une "quarantaine de médecins" avec des spécialités différentes mais tous formés à la médecine sexuelle. "On peut avoir des urologues, des psychiatres, des généralistes…", ajoute Simon Burellier. Le concept de Charles.co c’est que "les médecins font ce qu’ils veulent, ils sont indépendants, ils ne sont pas salariés", précise-t-il. Un médecin peut donc consulter en plus de son exercice libéral, ou bien ne consulter que sur la plateforme. Le Dr Bou Jaoudé a, par exemple, choisi de garder son activité libérale. "Aujourd’hui, je suis à 20% en cabinet et à 80% sur Charles.co", estime-t-il.
Son activité sur la plateforme ne se limite pas qu’à la téléconsultation. C’est lui par exemple qui écrit les fiches que doivent lire les patients en amont de la consultation. Il prend également part aux réunions entre médecins de la plateforme sur les nouveautés médicales ou sur des cas patients plus difficile. C’est aussi lui la vedette de la chaîne YouTube Charles.co, qui comptabilise aujourd’hui 1,2 million d’abonnés. "L’objectif est de donner une information fiable, moderne, intéressante, parfois drôle mais toujours vraie et gratuite", indique Simon Burellier. "Il y a beaucoup de personnes qui me demandaient comment savoir si on doit consulter ou pas selon tel ou tel symptôme, eh bien j’ai fait une vidéo à ce sujet. Ce sont des conseils de la vie de tous les jours", raconte fièrement le médecin. L’objectif était de "devenir une référence en termes de santé sexuelle masculine et pas seulement de faire une plateforme de téléconsultation".
Et depuis quelques mois, les cofondateurs se sont lancés un nouveau défi. Dorénavant sur Charles.co, les hommes ne viennent plus consulter uniquement pour des problématiques sexuelles, mais aussi pour des problèmes de poids, de cheveux ou encore de sommeil. "On s’intéresse principalement aux domaines non remboursés, parce que sinon un système existe déjà, et on n’apporterait pas forcément grand-chose, estime Simon Burellier. Par exemple, pour la chute de cheveux, c’est un domaine non remboursé qui concerne beaucoup d’hommes, avec un accès difficile à un dermatologue."
Qu’en est-il des femmes ? "Il y a déjà une médicalisation forte et remboursée avec le recours au gynécologue pour les femmes. Chez les hommes, il y a effectivement des andrologues, mais ce n’est pas aussi répandu que les gynécologues. Avec Charles.co, les soins ne sont pas remboursés [il faut compter 35 euros la téléconsultation de 15-20 minutes] et les médicaments non plus. Donc on voulait plus se concentrer sur la santé sexuelle masculine où il y a vraiment une errance thérapeutique et des personnes qui ne sont pas traités", explique Simon Burellier.
En 2021, les cofondateurs lancent tout de même Mia.co, une plateforme presque identique à Charles.co, mais dédiée aux femmes. L’engouement autour d’elle n’est cependant pas aussi important.
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