"Je peux me regarder dans la glace tous les matins" : conspuée par ses pairs, la députée Stéphanie Rist se confie

Mardi 7 mars. Malgré un vent glacial, des centaines de milliers de Français foulent les rues de la capitale rejetant le projet présidentiel de réforme des retraites. Aux abords de l’Assemblée nationale, un dispositif de sécurité a été dépêché : quelques camionnettes de police encerclent le palais qui fait face à la Seine, boueuse. On entend au loin les contestataires qui ne s’approchent pas. Ce jour-là, c’est au Sénat que cela se joue. Les députés, qui ont déjà validé le texte en première lecture quelques jours plus tôt, sont quant à eux occupés par les traditionnelles questions au Gouvernement.
Après avoir quitté l’hémicycle, Stéphanie Rist nous reçoit dans son bureau situé dans l’une des ailes moins empruntées du palais Bourbon. La lumière naturelle y est peu présente, les fenêtres basses bloquent leur entrée. Une tasse à la main, elle semble pressée. Il faut dire que la députée Renaissance de la 1ère circonscription du Loiret a de quoi faire. En tant que rapporteure générale de la commission des Affaires sociales de l’Assemblée, elle porte le projet de réforme des retraites contre lequel, dehors, les manifestants s’insurgent. "Je crois qu’il y a du monde", lâche-t-elle, presqu’impassible.
Projetée sur le devant de la scène, elle est devenue en quelques semaines l’une des cibles privilégiées de ceux qui récusent la politique du Gouvernement. Régulièrement lynchée sur les réseaux sociaux. Le 13 mars, après le vote du Sénat, c’est une photo d’elle postée sur son compte Twitter qui a fait bondir les internautes. Deux jours avant la très attendue commission mixte paritaire (CMP)*, on la voit assise derrière un bureau du CHR d’Orléans, où la rhumatologue exerce encore tous les lundis matin. Il n’en fallait pas plus pour que la foudre s’abatte sur elle. On crie à "la mise en scène", à la manœuvre politique.
Ce matin, comme toutes les semaines, en consultation au @CHR_Orleans avant une semaine importante à l’Assemblée nationale avec la Commission Mixte Paritaire dont je suis membre et le vote définitif pour réformer notre système de retraites. pic.twitter.com/enDtYHLPUV
— Stéphanie RIST (@stephanie_rist) March 13, 2023
Parmi ses détracteurs, de nombreux médecins en colère. "Chère consœur, pour la photo du placement de produit réforme des retraites en pleine consultation, vous avez juste oublié de sortir la mine du stylo. Confraternellement", tacle une praticienne. "J'imagine la tête de vos confrères quand ils verront cette jolie mise en scène. Votre métier de député en est un, inutile de faire semblant de faire encore de la médecine pour les caméras, c'est désobligeant pour les autres", écrit une consœur. Ou encore : "Arrêtez ces singeries de politique et retournez vraiment sur le terrain, on a besoin de soignants."
"Veut-on encore une médecine libérale demain ?"
Un mur bétonné s’est dressé entre les médecins – notamment libéraux – et la députée depuis qu’elle a proposé une loi visant à améliorer l’accès aux soins "par la confiance aux professionnels de santé", à l’automne, peu après le budget de la Sécu. Eux y voient plutôt de la défiance. Car Stéphanie Rist porte à bout de bras l’accès direct aux paramédicaux (IPA, kinés et orthophonistes). Une ligne rouge pour les syndicats de médecins, qui n’ont eu de cesse d’interpeller leur consœur, espérant une prise de conscience. En vain. "Je ne pense pas du tout contourner le médecin traitant avec cette proposition de loi. Je dis juste qu’il ne sera peut-être pas vu en premier mais restera au centre [du parcours] puisqu’il va être, d’une part, informé et, d’autre part, parce que les malades vont aller le voir dans un second temps", maintient-elle.
La députée du Loiret – "un territoire vraiment en difficulté" – en est convaincue : pour prendre en charge la population vieillissante et atteinte de pathologies chroniques, il faut "libérer du temps médecin" en confiant davantage de tâches aux autres soignants. Une certitude qui l’habite depuis qu’elle est praticienne hospitalière et plus encore à partir du moment où elle a pris des fonctions administratives (d’abord cheffe de service puis cheffe de pôle, vice-présidente de CME ou encore responsable du GHT sur la partie projet médical). "J’ai eu la chance de travailler avec des infirmières dans mon service. On a travaillé très tôt sur l’éducation thérapeutique, mais aussi sur les protocoles de coopération. Très vite, on s’est rendu compte que c’était un moyen d’améliorer l’accès aux soins et, surtout, la qualité de prise en charge de nos malades."
Elue haut la main députée La République en Marche ! en 2017 alors qu’elle était quasi novice en la matière – puis réélue en juin 2022 sous l’étiquette Ensemble !, la mère de trois enfants a souhaité "poursuivre cet engagement" en politique avec un seul but : "améliorer l’accès aux soins". "Ce que vous essayez de faire quand vous faites de la politique, c’est écouter les gens, leurs problèmes et essayer d’améliorer les problèmes. C’est pareil en médecine : vous faites un diagnostic, analyse la parlementaire au regard abyssal. Mais en politique, il y a moins de sciences qui vous disent exactement ce qu’il faut faire et quel est le bon traitement." Une nuance essentielle.
Portée par le devoir suprême d’avancer, Stéphanie Rist déplore une incompréhension envers sa PPL. Une occasion manquée, même. "La place de la médecine libérale, qui est un vrai sujet, est malheureusement un peu mis de côté par la caricature qu’on va faire une médecine à deux vitesses, animée par des infirmières qui auront fait trois semaines de stage’", estime-t-elle, balayant du revers de la main la floppée de "fausses infos qui circulent". Pour elle, l’échec des négociations conventionnelles en dit long sur...
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