Après ses propos controversés sur les médecins libéraux, Frédéric Valletoux s'explique

Egora.fr : Lors de votre discours inaugural de Santexpo, vous avez déclaré que "la France manque de médecins qui prennent en charge des malades". Qu'avez-vous voulu dire par là ?
Frédéric Valletoux : J'ai regardé les statistiques de l'Ordre des médecins et notamment le rapport 2020. Ces statistiques montrent qu'entre 2007 et 2020, le nombre de médecins actifs a légèrement augmenté – de 4000. A la question "la France manque-t-elle de médecins?", j'ai dit "non, pas tant que ça". On manque de médecins, oui, mais on en a globalement plus qu'il y a 15 ans : 4000, ce n'est pas Byzance, mais ce n'est pas la Bérézina non plus. J'ai effectivement fait le constat, comme d'autres observateurs, que l'on manque de médecins qui soient dans l'exercice médical, en ville comme à l'hôpital, car malheureusement, ces dernières années, nombre de médecins et d'autres professionnels se sont détournés du soin immédiat pour aller vers d'autres formes d'exercices professionnels.
Je dis des choses qui peuvent être discutées, je ne détiens aucune vérité. A la FHF, on essaie de mettre dans le débat public un certain nombre de sujets pour faire progresser les choses. Mais je me heurte souvent à une interprétation assez caricaturale des propos que je tiens. On extrait un mot, un bout de phrase et je vois certains, une minorité, s'exciter dessus sur les réseaux sociaux. Après mon discours, par exemple, j'ai lu sur les réseaux sociaux que j'aurais traité les médecins de "feignasses". C'est évidemment une interprétation excessive de mon discours, que vous avez sous les yeux et dont je ne me suis pas tellement écarté.
A la FHF, à aucun moment, on n'impose une vision ; on dit quel est notre regard sur la situation pour essayer de trouver des solutions. Tout ce que l'on dit peut-être discuté, si ça reste dans le champ du débat serein, respectueux, et pas de la caricature pour exciter et invectiver.
Comprenez-vous tout de même que certains de vos propos aient pu susciter de vives réactions au sein des médecins libéraux, au risque d'alimenter la tension entre la ville et l'hôpital ?
Moi je suis maire. Et je ne suis pas maire de la dernière pluie, je suis maire depuis 15 ans. Je vois monter, aussi bien dans ma ville que dans d'autres territoires (et j'en parle avec énormément de maires) l'angoisse des Français sur cette question de l'accès aux soins, qui n'est pas qu'une question de la médecine de ville mais de l'ensemble des professionnels. Et je fais partie de ceux qui pensent que c'est d'abord à nous, toutes les parties prenantes du système de santé, de construire des solutions. Je pense qu'il n'y a aucun débat qui doit être tabou, aussi bien sur l'hôpital -il y a beaucoup de choses à améliorer : le déroulement des carrières, l'attractivité, le fonctionnement…- que sur la ville.
Mais pour certains, ces propos laissent à penser que la médecine de ville est responsable de la situation…
A aucun moment dans ce discours, je pointe la responsabilité de la médecine de ville. La FHF est la première à dire depuis des années -c'était d'ailleurs l'introduction de notre plateforme de propositions en 2017- qu'il faut remettre de la cohérence dans notre système de santé, qui est aujourd'hui "cul par-dessus tête". La porte d'entrée dans notre système de santé doit être le médecin généraliste. Evidemment l'hôpital est en crise, mais la médecine de ville...
D'accord, pas d'accord ?
Débattez-en avec vos confrères.