
Infirmière de coordination en maison de santé : comment la Cnam imagine cette nouvelle mission
Lors de la 6e séance des négos ACI-MSP ce jeudi matin, la Cnam a mis sur la table des "évolutions du modèle de rémunération" en jouant sur le cursus des indicateurs, et a détaillé les missions de l'infirmière de coordination en maison de santé et la refonte des protocoles pluriprofessionnels. Dans son document de travail, elle dit vouloir "identifier les principaux irritants" pour pouvoir arbitrer sur ces sujets.

Article initialement paru sur Concours pluripro
L'ambiance était "un peu plus lourde" ce jeudi matin, mais les échanges "constructifs", nous chuchotent certains syndicats, lors de la 6e séance des négociations visant à dessiner le prochain avenant 2 de l'ACI-MSP, dont les discussions ont démarré le 6 décembre dernier. Mais pour Luc Duquesnel, président des Généralistes-CSMF, "tout le monde a été marqué par le préambule de Thomas Fatôme, qui a dit qu'on arrivait à la fin des échanges et qu'il s'agissait aujourd'hui d'aborder les questions stratégiques… tout en menaçant que si ça s'éternise, il n'y aura plus un rond".
Ce jeudi, les organisations représentatives des professionnels de santé ont demandé "plus d'informations sur les diverses formes de gouvernance au sein des MSP et [à] être rassurées sur les risques de financiarisation du système". Car trois sujets étaient inscrits à l'ordre du jour : le modèle économique des MSP, le concept d'infirmière de coordination "et son rôle" au sein de la structure mais aussi "la refonte" des protocoles pluriprofessionnels, précise la Cnam, dans son document de travail que Concours pluripro a pu consulter. Des sujets pour lesquels elle voulait identifier "les principaux irritants", assure le document.
Si un premier modèle de rémunération avait été proposé par la Cnam lors des précédentes sessions – ce qui avait amené notamment la prise en compte de l’équipe au travers de nouveaux modulateurs, l'augmentation globale de 18 % des montants versés et un plafonnement maximum du montant que peut percevoir une MSP –, une deuxième option a été mise sur la table ce jeudi, cette fois sans plafonnement de ce montant maximum.

Dans cette version, la Cnam propose de "mieux" prendre en compte la pluriprofessionnalité en introduisant la file active de la MSP comme variable sur certains indicateurs, dont les missions de santé publique et la fonction de coordination. Elle introduit également de nouveaux indicateurs (notamment l'engagement environnemental et le taux de file active d'équipe parmi les patients en ALD) mais en supprime d'autres (comme les réunions de concertation pluriprofessionnelle).
La Cnam propose également d'ajouter un nouvel indicateur socle – les protocoles pluriprofessionnels dont l'indicateur "rénové" disposerait d'une valorisation de 2.000 euros – et de rééquilibrer le poids des indicateurs entre eux. C'est le cas notamment de l'indicateur Système d'information (SI) dont le montant est révisé et des Missions de santé publique qui connait une augmentation.
Selon Luc Duquesnel, "sous réserve des simulations", une bonne partie des syndicats autour de la table semblaient plutôt favorables au premier modèle présenté par la Cnam. "Mais on aimerait bien avoir une explication de texte, lance-t-il. Il nous manque très clairement l'estimation de l'impact de ces nouveaux modes de financement sur les différents types de MSP aujourd'hui. Donc difficile de dire 'oui' à un modèle. Et on ne veut pas découvrir, une fois la mise en œuvre de cet avenant, qu'il faut tout chambouler pour ne pas être perdant, ou devoir perdre en efficience ou en qualité de prise en charge. Avant de dire si je suis pour ou contre, je dois comprendre pourquoi."
Dans son document de travail, la Cnam propose d'introduire en maison de santé les infirmières de coordination dont la mission est de "renforcer la coordination autour des soins des patients pour faciliter la prise en charge par l’équipe de la MSP", afin notamment de "permettre un gain de temps médical, un gain d’efficience et un gain de qualité des soins et du service rendu aux patients de la MSP".
Au sein de la structure, l'infirmière de coordination devra donc coordonner les professionnels de santé, mettre en place des protocoles, le suivi des patients ou encore des programmes autour de 4 grandes missions :
- l'éducation thérapeutique : elle coordonne, avec les membres de l'équipe de la MSP, l'organisation des programmes d'ETP notamment centrés sur les prises en charge des pathologies chroniques. Objectif : développer des programmes adaptés et pertinents par rapport à la patientèle ;
- la prévention : elle coordonne les actions de prévention de la MSP et le suivi du patient, assure les liens avec les partenaires et le suivi des campagnes de vaccination et de dépistage en collaboration avec l'équipe de la maison de santé ;
- l'accompagnement et suivi des patients : elle assure la coordination de la prise en charge des patients (suivi renforcé des patients notamment complexes, aide au retour à domicile, liens ville-hôpital fluidifiés…) et facilite la mise en place des protocoles pluriprofessionnels au sein de la MSP ;
- les soins non programmés : elle organise et participe aux SNP comme tous les autres professionnels de santé, optimise le temps médical en organisant les préconsultations, déploie les protocoles nationaux SNP, organise et assure le suivi de la coordination de parcours, l'élaboration des plannings, et le suivi des indicateurs d’évaluation.
Pour permettre l'introduction de cette nouvelle fonction, l'Assurance maladie propose une aide à l'emploi d'une infirmière recrutée spécifiquement pour assurer ces missions au sein de la MSP. Celle-ci sera uniquement salariée de la maison de santé, sans aucune facturation d’actes possible et sans effection. Attention, prévient la Cnam dans son document de travail, cette aide "ne couvre pas la totalité des frais".
Opposé à la proposition initiale de la Cnam au début des négociations, le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) estime que cette nouvelle proposition est "plus équilibrée", précise John Pinte, son président : "On a expliqué à Thomas Fatôme qu'on comprenait l'intérêt de cette infirmière de coordination mais qu'on ne veut pas qu'elle soit en concurrence avec les infirmières libérales. Ce qui était le cas avant. Aujourd'hui, la proposition est plus cadrée et elle est davantage sur la coordination, et non le soin, ce qui est plus acceptable."
L'infirmière de coordination peut-elle être d'une autre profession ? S'il estime "légitime" la demande formulée par "les kinés et les sages-femmes" que ce nouveau métier ne soit pas limité aux infirmières, John Pinte avoue qu'à ses yeux, "l'infirmière est la plus compétente pour assurer cette coordination".
À la suite d'une demande de terrain formulée en 2023 afin de revaloriser les protocoles pluriprofessionnels (PPP), un atelier s'est tenu en mars dernier pour recueillir le retour d'expérience de maisons de santé en Loire Atlantique. Dans son document de travail, la Cnam précise que 16% des protocoles pluriprofessionnels valorisés en 2024 concernent les personnes âgées et que 47% touchent aux pathologies cardiovasculaires.
Rappelant qu'en 2050, il y aura 19 millions de personnes de 65 ans et plus (selon l'Insee), qu'1 personne âgée sur 5 a été hospitalisée en 2022 et que le SNDS comptait 45% d'assurés polymédiqués en 2024, la Cnam propose ainsi d'introduire dans l'ACI-MSP un plan PPP obligatoire dans le socle de la rémunération, décliné pour les 4 prochaines années : pour la 1e année, valorisation de la co-construction du plan avec l'Assurance maladie, puis valorisation de l'ajustement de la cible, de l'usage du système d'information partagé, des critère RCP, enrichissement données de l'Assurance maladie (2e année), mais aussi mesure de l'impact sur la base des indicateurs nationaux (3e année). Enfin, la 4e année verra la "mise en routine" et l'engagement sur un autre thème macro. Un deuxième plan PPP optionnel pourrait aussi être enclenché pendant 4 années.

Attention, prévient l'Assurance maladie, ce plan PPP "décrit l’organisation interne" de l’équipe de la MSP pour mettre en place une prise en charge pluriprofessionnelle coordonnée. "Les différents PPP du plan doivent être cohérents avec les parcours organisés par la CPTS", ajoute-t-elle.
De l'autre côté de la table, les annonces du jour "rassurent" mais "il y a encore beaucoup de chemin à faire", admet Agnès Giannotti, présidente de MG France, contactée par Concours pluripro. Notamment, ajoute John Pinte, sur le poids de la file active pluripro dans la rémunération de la maison de santé : "On nous a présenté un nouveau modèle mais qui reste très théorique, sans données sur le poids de chaque item… Il faut qu'on trouve le bon équilibre."
Guillaume Rall, président du Syndicat national des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs, note pour sa part, comme "positive", "la volonté de réformer le mode de financement", mais il reste "beaucoup de questions en suspens, notamment sur la manière de moduler ce financement". D'autant qu'à ses yeux, "cette négociation doit sécuriser ce mode d'exercice en renforçant la réglementation sur la gouvernance afin d'éviter les effets d'une financiarisation du système de santé".
Il est rentré "épuisé" de cette séance, s'amuse Patrick Vuattoux, coprésident d'AVECsanté, mais confie être ravi de voir cette "reconnaissance de la collaboration pluriprofessionnelle"… Seul petit regret : le fait que la file active partagée soit cantonnée aux patients en ALD, "on aurait faire plus", glisse-t-il : "Si on veut vraiment donner cette impulsion aux équipes, il faut aller au-delà de la file acte d'équipe ALD, c'est une vraie question…"
Installé à ses côtés dans leurs locaux d'AVECsanté, dans le 9e arrondissement de Paris, Pascal Gendry revient sur les 4 axes définis pour l'infirmière de coordination – "une vraie demande des MSP" – des "missions essentielles dans une organisation de soins primaires et qui ne sont pas réalisées, ou du moins de la même manière, en monopro", assure-t-il. Tous deux attendent "un geste assez important" de la Cnam sur le modèle économique de ce nouveau métier, tout en rappelant que jusqu'à présent, les chiffres n'ont encore été abordés.
Sur les protocoles pluriprofessionnels, les coprésidents d'AVECsanté, installés en maison de santé en Mayenne et à Besançon, rappellent qu'ils sont là "pour répondre à des problèmes identifiés par les équipes… C'est un outil intéressant pour rendre cohérente une offre pluripro, mais ils doivent servir et ne pas rester au fond d'un tiroir ! On sent que la Cnam a mis un peu d'eau dans son vin, qu'elle n'est pas fermée à la spécificité de certaines populations ou prises en charge… Ces protocoles pluriprofessionnels, c'est un peu la patte de l'artiste, c'est là où les équipes peuvent faire preuve d'innovation, tant sur des problématiques locales que nationales."
Pour l'heure, la date de la prochaine session n'a pas encore été définie. "Ce sera début juillet, j'imagine", glisse Agnès Giannotti.
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