Fresques, chansons, tonus : les carabins racontent tout le folklore des salles de garde

13/05/2017 Par F. Na.

Les salles de garde ont un folklore bien à elles, dont une partie est dévoilée dans la nouvelle édition du Petit Livre Rouge de la Salle de Garde. A l'heure où l'on parle de soigner les soignants, où la profession se féminise, les salles de garde évoluent tout en gardant leurs traditions et leurs fonctions, assure Côme Bureau, interne à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP) et président de l'Association des salles de garde.

    Egora.fr : Vous avez actualisé et réédité Le Petit Livre Rouge de la Salle de Garde. A qui est destiné ce livre ? Côme Bureau : Historiquement, la tradition des salles de garde se transmettait plutôt oralement. Nos prédécesseurs avaient voulu faire un support pour conserver ce patrimoine, cette histoire. Le milieu médical et paramédical est assez attaché aux salles de garde et à l'internat, et même des médecins installés sont contents de garder des souvenirs de cette période. Nous, on est aussi attachés à l'aspect historique mais aussi à l'évolution des traditions depuis deux siècles. La précédente édition datait de 2010. Le livre était un peu vieillot, et nous était très fréquemment demandé. D'où la réédition.

Fresque de la salle de garde de l'Hôtel-Dieu (AP-HP) - Toutes les photos viennent du site www.leplaisirdesdieux.fr

  Comment expliquez-vous l'attachement, voire la nostalgie des médecins pour ces salles de gardes ? C'est très complexe. Il y a déjà une dimension historique. C'est une structure qui a plusieurs siècles. On ne sait pas très bien comment ça a commencé, mais depuis qu'il y a des médecins dans les hôpitaux la nuit, depuis que l'internat existe, il y a cet esprit de corps. Un peu comme à l'armée, aux beaux-arts… On a besoin d'un endroit où les gens se retrouvent, échangent. C'est un lieu qui n'est pas tenu secret, puisqu'il est connu de l'administration, mais dont l'accès est réservé au corps médical de l'hôpital. Quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit, les étudiants savent qu'ils auront un lieu à eux.   Une bonne salle de garde permet-elle de former de meilleurs médecins ? C'est un des éléments. A Saint-Louis, où je suis interne, la salle de garde est pleine au service du midi. Les seniors viennent avec leurs internes, les chefs de clinique… Tout le monde est là. La salle de garde fonctionne très bien. Il y a un vrai lien avec les cuisiniers, donc les administratifs. Les cuisiniers sont là depuis longtemps, ils sont contents de participer à cette vie et à ces traditions. C'est un bel endroit d'échange parce que les gens sont contents de s'y retrouver. C'est important d'avoir un lieu, fait pour le corps médical, pour qu'il se détende… Et c'est tout le but des règles de salles de garde, qui sont souvent du second voire du seizième degré, mais qui cherchent à empêcher les médecins de parler de sujets médicaux quand ils mangent. Au contraire, on essaye d'ouvrir la discussion et de favoriser les échanges sympathiques.  

Fresque de la salle de garde de l'hôpital de Saint-Cloud
 

Ce qui est intéressant maintenant, c'est qu'on est dans une démarche de soigner les soignants. La salle de garde peut être un des éléments de soutien au corps médical. Par exemple, après les attentats, on a vu que le corps médical lui-même avait du mal à demander de l'aide… Comme souvent, ça a pu se faire entre médecins, et la salle de garde représente un peu cette structure familière et rassurante.   Sont-elles menacées ? Ça fait des années qu'on dit que les salles de garde meurent. Mais quand on regarde les livres de 1920, on y disait déjà que les salles de garde étaient mieux avant et qu'elles allaient mourir… C'est vrai qu'on se bat parfois avec l'administration pour les conserver. Après la loi HPST, les directeurs d'hôpitaux sont devenus des administratifs et j'avoue qu'il y a eu une période un peu compliquée, car ces gens n'avaient pas connu les salles de garde. Ils se disaient que c'était un lieu complexe, où ils ne bénéficiaient pas forcément du pouvoir qu'ils avaient ailleurs… Pour eux, ce sont des locaux qui pourraient servir à autre chose, c'est une partie des cuisines qu'on envoie ailleurs qu'au self... L'un des intérêts de ce livre, c'est d'ailleurs de présenter nos structures aux directeurs qui ne comprennent pas, sans cacher leurs aspects folkloriques.

Fresque de la salle de garde l'hôpital Saint-Antoine (AP-HP)
 

Ce qui les met en danger, ce sont aussi les nouveaux hôpitaux. Par exemple, l'hôpital Henri-Mondor n'a pas de salle de garde. Il n'est pas tout neuf, mais il a été construit sans salle de garde. Pour les nouveaux hôpitaux, la salle de garde n'est pas forcément prise en compte dans les plans. Il faut bien avoir en tête que la salle de garde a évolué. Comme le milieu médical, elle s'est féminisée. Ce n'est plus un lieu agressif. Si c'est un lieu hostile, les gens n'y vont pas… Et c'est très bien. On est passés d'une structure qui était centrale dans l'hôpital - si les gens n'y allaient pas, ils n'avaient pas de sociabilité -, à un endroit agréable où les gens vont parce qu'ils en ont envie. Et dans ce contexte-là, on se rend compte que les gens y tiennent.   Quel est votre meilleur souvenir de salle de garde ? Je me souviens de notre tonus de sortie à la Salpêtrière. Quand on arrive à avoir les gens de l'hôpital, qui fréquentent la salle de garde tous les jours le midi, qu'on arrive à avoir des seniors, des PH, des universitaires, qu'on arrive à faire un repas dans les règles, en suivant la tradition, qu'on écrit des chansons, des poèmes… C'est assez fort. On mélange plein de choses, et on retrouve l'ensemble des aspects qu'on cherche dans une salle de garde et pour passer un bon moment.   Pour commander la nouvelle édition du Petit Livre Rouge de la Salle de Garde : bureau@leplaisirdesdieux.fr

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