Les gynéco-obstétriciens, fortement ébranlés par les polémiques sur les violences obstétricales, souhaitent développer le dialogue et les concertations pour améliorer la qualité des soins.
Manque d’information, gestes non préparés et brutaux, interventions inutiles, humiliations… Depuis plusieurs mois, une polémique est née dans les médias et les réseaux sociaux sur l’existence de ce que l’on a nommé "violences obstétricales", et qui a fortement ébranlé la communauté des gynéco-obstétriciens. Plusieurs livres ("Les brutes en blanc" de M. Wincler; "Le livre noir de la gynécologie" de M. Déchalotte) publiés récemment, ont ainsi décrit des accouchements difficiles et hyperdouloureux, des touchés vaginaux non annoncés, des épisiotomies imposés, aboutissant à un profond traumatisme de la patiente et de ses proches. Loin de vouloir se défiler face à ce que certains ont appelé "gynéco-bashing", les professionnels de la naissance ont dans leur ensemble cherché à comprendre les raisons de ce phénomène. Ainsi, dans un article paru le 20 novembre dans La Revue du Praticien (Vol 67. Novembre 2017), quatre personnalités éminentes de la gynéco-obstétrique, d’horizons variés, se sont unies pour afficher leur volonté de relever le défi de "promouvoir la bientraitance pour éradiquer la maltraitance dans les soins": le Pr Alexandra Benachi (hôpital Antoine-Béclère, Clamart, 94, vice-présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français ou Cngof), le Dr Ghada Hatem (fondatrice de la Maison des femmes, Saint-Denis, 93), le Dr Jean Thévenot (Toulouse, président Cdom 31, vice-président du Cngof), et le Pr Israël Nisand (Strasbourg, président du Cngof). Pour ces spécialistes, il n’est pas question de "nier ou traiter par le mépris ces accusations" : "Ce serait indigne de professionnels attentifs à la qualité des soins qu’ils dispensent" précisent-ils. "Traiter de cette question de fond" Ces quatre gynécologues sont rejoints dans leurs positions par la Société française de médecine périnatale (Sfmp) qui afirme qu’elle "ne doute pas de l’authenticité des témoignages recueillis et de l’existence de pratiques inadaptées" mais ajoute qu’elles "sont minoritaires", et que "la majorité des 785 000 femmes qui accouchent en France chaque année sont satisfaites des soins reçus et ne se retrouvent probablement pas dans ces témoignages". Cependant, ces spécialistes s’accordent aussi sur le fait qu’il est nécessaire de "traiter de cette question de fond" et "de cesser ces échanges conflictuels" qui se font au détriment des patientes en premier lieu avec un risque de perte de confiance vis à vis des soignants, de méconnaissance des risques réels liés à la grossesse et à l’accouchement et de refus de soins adaptés pourtant justifiés. De la maladresse à la violence Dans La Revue du Praticien, les quatre gynéco-obstétriciens tentent d’analyser les différents cas de figure qui peuvent se présenter. Outre les cas exceptionnels de maltraitance volontaire -qui résultent de personnalités pathologiques, qui peuvent exister dans tous les domaines-, la maltraitance peut être liée à un manque de compétence ou d’ignorance dans la relation médecin-patient : "cette maltraitance va de la maladresse des mots lors des soins donnés par les plus jeunes, même s’ils sont le plus souvent, dans notre système de soins, encadrés par les plus seniors, jusqu’à la violence parfois triviale de certains seniors médecins ou sages-femmes exerçant une médecine dépersonnalisée et ayant perdu le respect du patient" expliquent les auteurs. La formation initiale et continue doit certainement être améliorée dans ce sens. La maltraitance peut aussi correspondre à un ressenti de la patiente "alors que l’acte médical a été réalisé dans les règles de l’art et que la prise en charge a été objectivement adaptée" précisent les quatre spécialistes, en particulier lorsque l’accouchement a nécessité de soins spécialisés et dans l’urgence. Cela peut engendrer un stress post-traumatique, qui "doit être débriefée avec la patiente et son conjoint le lendemain et/ou à distance". Enfin les quatre praticiens insistent sur la maltraitance institutionnelle, générée par des conditions de travail difficiles. Aujourd’hui la gynécologie fait face à une crise. Les petites maternités de proximité ferment. Et dans les grandes structures, souvent, "les moyens ne suivent pas l’augmentation de l’activité" expliquent les spécialistes. "Dans ces services, les patientes et les médecins sont également maltraités". Dans ces conditions difficiles, par manque de temps et de moyens humains, les patientes ont de plus en plus l’impression d’être mal prises en charge, et cela s’ajoute aux difficultés des soignants, qui peuvent craquer : allant d’un burn out, à l’arrêt d’activité ou même à l’extrême, au suicide. "Médecine défensive" La Sfmp confirme que le risque est aussi pour les soignants, et la profession dans son ensemble avec "un sentiment d’injustice en particulier pour les plus jeunes […] aboutissant à la pratique d’une "médecine défensive" et à une perte d’attractivité d’une profession déjà en difficulté sur le plan démographique en raison en particulier de sa pénibilité et du risque médico-légal permanent". Au, contraire, l’édition 2016 de l’enquête nationale périnatalité (ENP) révèle ainsi un meilleur suivi des recommandations au moment de l'accouchement qui se traduit notamment par un taux d'épisiotomie qui diminue de 27% en 2010 à 20% en 2016. La prise en charge des femmes au moment de l'accouchement va vers une approche moins médicalisée avec un recours à l'oxytocine moins fréquent en cours de travail. Un des enseignements de cette polémique est donc la nécessité de transparence sur les risques de la grossesse et l’accouchement, qui doit être mieux préparé au cours de la grossesse et lors des consultations prénatales…
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