
Catherine Vautrin, ce vendredi au Havre (crédit : Louise Claereboudt)
"Le généraliste n'est pas un prestataire de santé comme un autre" : au congrès MG France, Vautrin tente de rassurer une profession acculée
Le 10ème congrès de MG France s'est ouvert ce vendredi 6 juin, au Havre, en présence de la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin. L'occasion pour la présidente du syndicat, la Dre Agnès Giannotti, de faire part des préoccupations majeures des généralistes : financiarisation des soins primaires, propositions de loi coercitives, multiplication des délégations de tâches et des accès directs…

Catherine Vautrin, ce vendredi au Havre (crédit : Louise Claereboudt)
"Le médecin généraliste, pivot du système de soins. Ça nous fait rire parce que c'est un poncif qu'on entend et qu'on réentend de la part de gens qui font exactement le contraire", a taclé la Dre Agnès Giannotti, présidente de MG France, lors de l'ouverture du congrès du syndicat, ce vendredi au Havre, en présence de la ministre du Travail et de la Santé, Catherine Vautrin. "Nous savons que nous sommes le pivot du parcours de soins, la question n'est pas là", a-t-elle déclaré. "La question, c'est comment rendre la médecine générale traitante plus attractive pour que les jeunes aient envie de s'installer au Havre et ailleurs", a poursuivi la généraliste, sous les applaudissements des leaders des syndicats de jeunes praticiens et d'internes présents.
A l'heure où fleurissent les centres de soins non programmés et plateformes de téléconsultation, qui "sont en train de déséquilibrer l'offre" de soins, Agnès Giannotti n'a pas caché son inquiétude. "La financiarisation, dont nous avons vu les effets délétères sur les laboratoires d'analyses et la radiologie, arrive maintenant à vitesse grand V sur les soins primaires au travers de ces structures […] Et les propos que l'on entend sont dissonants. On entend de la part des élus et des tutelles des choses un peu discordantes", a-t-elle expliqué, tandis que Catherine Vautrin prenait des notes.
L'activité des infirmiers et des pharmaciens mord petit à petit sur la nôtre
"La profession s'interroge aussi sur sa place", a ajouté la généraliste du quartier de la Goutte d'Or (Paris). Pour tenter de libérer du temps médical, les pouvoirs publics ont, ces dernières années, multiplié les délégations de tâches et les accès directs aux autres professions de santé. "L'activité des infirmiers et des pharmaciens mord petit à petit sur la nôtre", a lancé Agnès Giannotti. "Nous nous interrogeons : quel est notre rôle ? Qu'est-ce que la société attend de nous ? Pour vous, un médecin généraliste traitant, il fait quoi ? Comment il s'articule ?", a interrogé la présidente de MG France, soulignant l'importance du défi qui se dresse devant la profession, celui de la prise en charge de la multimorbidité.
Louant un investissement sans faille - "nous assurons chaque jour un million de consultations et nous nous organisons au mieux pour répondre" à toutes les demandes, Agnès Giannotti a brossé le portrait d'une profession acculée, mais pas défaitiste, entre la proposition de loi Garot qui veut réguler l'installation des médecins et rétablir l'obligation de garde et le principe de solidarité territoriale du Gouvernement, qui veut leur imposer d'aller exercer "jusqu'à deux jours par mois" en dehors de leur cabinet dans un désert. "Solidarité et contrainte sont deux concepts qui nous paraissent tout à fait antinomiques", a rappelé la présidente de MG France.

Pour la généraliste, la mise en place du principe de solidarité territoriale du Gouvernement – intégré dans la proposition de loi Mouiller en cours d'examen au Parlement – "paraît mal engagée". D'abord, du fait de cette notion de contrainte – la mesure prévoit des sanctions financières en cas de refus des médecins –, "et surtout parce que c'est basé sur un zonage qui est faux, périmé, qui n'a pas pris en compte les départs des professionnels et qui ne sait pas faire la différence entre un médecin généraliste traitant et ceux qui ont d'autres activités", comme de la médecine esthétique, a avancé la président de MG France.
Une profession acculée aussi du fait du lancement d'une nouvelle campagne MSO-MSAP ciblant les médecins sur-prescripteurs d'arrêts maladie, a poursuivi la syndicaliste. "La profession a été traumatisée par la campagne qui a eu lieu il y a deux ans, où des collègues se sont vu clouer au pilori par des algorithmes informatiques […] Une nouvelle campagne est lancée, nous n'avons pas été associés. Et visiblement le ciblage statistique discutable recommence. MG France s'opposera à ce que les généralistes soient des boucs émissaires de l'augmentation des indemnités journalières, quand nous savons que le coût est imputable à des raisons structurelles pour la majorité."
Il n'y a pas des spécialistes de certaines pathologies d'un côté et le fourre-tout de l'autre qui serait le médecin généraliste
Après un discours ponctué de grands applaudissements et de "bravo !", la présidente du syndicat a cédé sa place à Catherine Vautrin. "J'ai bien compris que j'étais priée de ne pas faire de poncif sur le rôle pivot du médecin généraliste", a plaisanté la ministre, sous le regard d'Edouard Philippe, maire du Havre et ancien Premier ministre, tenant à être présente pour répondre aux "préoccupations" des généralistes. D'abord sur la menace de la financiarisation, la ministre a rappelé que "la téléconsultation n'est pas la réponse que nous cherchons à mettre en place dans notre pays". "Nous ne souhaitons pas non plus avoir un exercice uniquement dédié aux soins non programmés, et qui soit déconnecté du suivi du patient", a-t-elle affirmé.
"Le médecin généraliste n'est pas qu'un prestataire de santé comme un autre, ce n'est pas un maillon logistique d'une chaîne de prise en charge, a-t-elle martelé. Ce que je souhaite conserver, c'est bien sûr cette présence humaine, cette capacité à poser la bonne question au bon moment, à détecter ce qui n'est pas dit, à voir ce que des algorithmes ne verront jamais." Catherine Vautrin s'est montrée "préoccupée" par "la situation de défiance vis-à-vis de l'Assurance maladie et du ministère". "J'entends ce que vous me dites et évidemment les accès directs à d'autres professionnels de santé ne sont à certains moments qu'une réponse, et en aucun cas la solution."
"Je veux réaffirmer que la médecine générale est une spécialité à part entière, a-t-elle déclaré, le ton solennel. Il n'y a pas des spécialistes de certaines pathologies d'un côté , et le fourre-tout de l'autre qui serait le médecin généraliste."
La ministre a dit également "comprendre" la situation délicate dans laquelle se trouvent les généralistes, qui font face à des "injonctions contradictoires" : "prendre plus de patients mais garder sa qualité de vie, être disponible mais ne pas être surmené, être rémunéré à hauteur de ses compétences mais dans un cadre budgétaire contraint…" "Pour autant, je pense que nous avons une capacité à trouver des réponses", a-t-elle assuré. Elle a ainsi défendu le principe de solidarité territoriale. "Il n'est pas question qu['un médecin] du Havre aille faire deux jours par mois dans le Lot-et-Garonne, l'idée c'est de regarder la proximité territoriale", a-t-elle précisé, rappelant, au passage, son opposition à la régulation de l'installation.
"Nous cherchons à avoir des médecins qui soient des médecins riverains de ces territoires qui puissent aller deux jours par mois de façon à ce qu'on arrive à avoir sur l'ensemble du territoire des réponses de santé pour nos concitoyens", a ajouté la ministre lors d'un micro tendu à la presse, précisant qu'il s'agira d'abord d'"une très forte incitation", mais sans se prononcer sur les modalités de l'obligation qui pourrait être mise en œuvre dans le cas où l'incitation ne fonctionnerait pas.
Sur le zonage, la ministre a précisé qu'elle avait envoyé aux agences régionales de santé "une carte qui prenait en compte l'âge moyen des généralistes, des habitants, pour déterminer intercommunalité par intercommunalité les déserts médicaux et avoir une approche la plus réaliste possible". Catherine Vautrin s'est également dit "très attachée au travail qu'on peut mener avec les infirmiers". Et d'ajouter : "Je sais aussi combien on a, avec les pharmaciens, une capacité à avoir des prises en charge mieux articulées." La ministre veut également miser sur les assistants médicaux et affirmé être "consciente" de la problématique des locaux, "un élément extrêmement important".
"Vous êtes les vigies du système", a conclu la ministre de la Santé, appelant les médecins à travailler avec les pouvoirs publics, devant un auditoire de plus de 200 généralistes.
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