
Entre "désaffection" et "travail invisible", la profession infirmière n'a "plus le temps d'attendre"
Alors que la proposition de loi infirmière doit être débattue ce lundi soir en séance publique à l'Assemblée nationale, l'Ordre infirmier appelle solennellement les parlementaires à reconnaître le rôle et les missions socles des IDE. Une "urgence" pour l'instance qui constate des "fragilités" dans la démographie de la profession dans un bilan dévoilé ce jour.

"Ce 10 mars est une date importante pour nous." Alors que la proposition de loi infirmière, déposée par Frédéric Valletoux, doit être discutée en séance publique à l'Assemblée nationale en fin de journée, l'Ordre infirmier a souligné l'"urgence" de reconnaître et de valoriser la profession, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue plus tôt dans la matinée. En effet, alors que les besoins en santé pourraient augmenter "de près de 55% d'ici 2040", selon ses projections, du fait du vieillissement de la population et de l'accroissement des maladies chroniques, l'instance ordinale relève, dans son dernier bilan démographique présenté à cette occasion, "une certaine désaffection", causée par un "manque d'attractivité et de reconnaissance" ainsi que par "des conditions de travail exigeantes". En témoignent les abandons aussi bien en cours de formation que durant la carrière.
Si les 565 553 IDE inscrites au tableau de l'Ordre au 1er mars 2025 sont présentes "dans l'ensemble des territoires" et constituent un "pilier indispensable de l’accès aux soins des Français", l'instance observe, par ailleurs, des "tendances de fond qui pourraient mener à une fragilisation de ce service rendu à la population". Son bilan démographique met ainsi au jour des zones moins bien couvertes par les soins infirmiers, notamment les zones périphériques des métropoles (Pays de la Loire, Ile-de-France…) ; mais aussi un vieillissement de ses effectifs (près de 25 000 infirmières inscrites au tableau ont 60 ans et plus). L'augmentation du nombre d'infirmières libérales sur le territoire cache également une "répartition disparate", du fait probablement de l'absence de mise à jour du zonage infirmier.
"Cette loi infirmière, c'est vraiment une réponse nécessaire. […] Là nous avons une opportunité de refonder cette organisation des soins en donnant aux infirmières une juste place, une place qu'elles ont dans un grand nombre de pays, en termes d'accès aux soins et de capacité à prendre en charge les patients", a défendu la présidente de l'ONI ce lundi matin, évoquant une réelle "attente" de la profession. Sylvaine Mazière-Tauran appelle notamment à "reconnaître tout le travail invisible porté par la profession et notamment de leur reconnaître une plus grande autonomie". Cela doit passer par "la reconnaissance des soins relationnels", "des soins préventifs" et "des soins curatifs et palliatifs", a-t-elle indiqué.
On n'empiète pas sur la consultation médicale et le diagnostic médical
L'Ordre infirmier soutient ainsi un accès direct à la prise en charge infirmière. Si la loi Rist adoptée en mai 2023 a permis d'ouvrir la voie à cette mesure pour la prise en charge des plaies, la profession est toujours en attente de texte réglementaire. "On souhaite que [cette nouvelle] PPL renforce cette notion d'accès direct à la prise en charge infirmière, notamment dans son rôle propre, avec notamment les diagnostics infirmiers et la consultation infirmière", a listé Sylvaine Mazière-Tauran, évoquant également l'importance de préciser dans la loi le rôle d’orientation des patients par les infirmières. "Tout cela s'inscrit bien sûr dans un exercice coordonné. Les infirmiers ne sont pas seuls, mais ils sont au plus près des patients", a-t-elle ajouté.
Fin février, l'Ordre des médecins a fait part de ses craintes auprès de Frédéric Valletoux, dans un courrier qu'Egora a pu consulter : "On ne peut pas mettre sur le même plan législatif le diagnostic médical et le traitement médical avec la consultation infirmière, le diagnostic infirmier et les prescriptions que les infirmiers peuvent réaliser", écrivait le président du Cnom. "Je rappelle que la notion de diagnostic infirmier existe depuis plusieurs dizaines d'années, est utilisée dans le monde entier par l'ensemble des professionnels de santé, a fait l'objet d'une nomenclature internationale et a fait ses preuves. On n'empiète pas sur la consultation médicale et le diagnostic médical. Nous avons nos propres outils. Il faut arrêter de mettre en dualité les choses", s'est, de son côté, agacée la présidente de l'ONI pour qui il est essentiel d'inscrire dans la loi "le fait que ça ne constitue pas un exercice illégal de la médecine" afin de "sécuriser" l'exercice des IDE.
En commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale, la semaine dernière, les députés ont validé ce texte et proposé une expérimentation, "pour une durée de trois ans et dans cinq départements", d'un accès direct aux infirmières dans le cadre de leurs missions socles, qui sera possible dans les établissements comme en ville, dans le cadre des structures d'exercice coordonné (équipes de soins, CPTS, maisons de santé, etc.). "Il faut que ce texte passe, on n'a plus le temps d'attendre", a martelé la présidente de l'ONI, appelant les parlementaires à entendre la profession et à considérer l'évolution des besoins de santé au regard de la démographie infirmière. "Il ne faut pas reproduire les erreurs faites sur la démographie médicale et attendre d'être devant le mur."
Aussi, l'Ordre infirmier souhaite que la loi infirmière puisse être applicable dès le 31 janvier 2026, ce qui suppose la mise en place d'une procédure anticipée. "La profession infirmière a souffert de façon extrêmement significative de l'instabilité politique de ces dernières années. Cela fait deux ans qu'on va d'incident en incident qui, à chaque fois, mettent un coup d'arrêt à l'évolution de notre profession…" Quoi qu'il en soit, cette proposition de loi n'est, pour Sylvaine Mazière-Tauran, qu'une "première étape". "Mais c'est un premier pas indispensable. Ce texte a vocation à donner un cadre pour [nos] missions."
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