
Après "20 ans d'attente", les députés votent à l'unanimité la proposition de loi visant à reconnaître le "rôle" et la "place" des infirmières
Prolongeant les débats au-delà de minuit, les députés ont adopté ce mardi la proposition de loi sur la profession infirmière, qui définit pour la première fois leurs missions, consacre les notions de "consultation" et de "diagnostic" infirmiers et étend le droit de prescription. Le texte, qui doit désormais être examiné par le Sénat, ouvre également un accès direct aux infirmières au-delà du rôle propre.

"Ce sera la première fois que le métier d'infirmière sera défini dans la loi et ce n'est pas trop tôt", a lancé le ministre de la Santé Yannick Neuder, lundi soir, alors que l'Assemblée nationale débutait l'examen en séance plénière de la proposition de loi "sur la profession d'infirmier". Porté notamment par Frédéric Valletoux (Horizons) et Nicole Dubré-Chirat (Ensemble pour la république), le texte a été adopté dans la nuit à l'unanimité des 142 votants. "Après plus de 20 ans d’attente, ce texte vient ainsi reconnaître le rôle essentiel que jouent les 640 000 infirmières et les infirmiers dans l’accès aux soins", a salué Frédéric Valletoux sur Linkedin.
Des missions socles
La proposition de loi fait sortir la profession du "carcan" du décret d'actes, dont la dernière actualisation remonte à 2004. "A l'heure actuelle, la loi ne définit pas ce qui fait l'essence de la profession d'infirmière, elle énumère les actes que les infirmières peuvent accomplir", dans "un système de soin régi par un monopole médical", a déploré Nicole Dubré-Chirat, la rapporteuse. "Restreindre l'action des près de 640 000 infirmières de ce pays jusqu'à les décourager et mettre en jeu l'attractivité de la filière au moment où nous avons tant besoin d'attirer vers ces professions les nouvelles générations serait une erreur et même une faute", a renchéri Frédéric Valletoux, appelant à "faire confiance à ces professionnels de santé" et à "continuer à faire émerger plus encore la notion d'équipe soignante pour améliorer autour des médecins traitants la qualité de soins".
La proposition de loi définit ainsi les missions socles de la profession infirmière : les soins, la prévention et le dépistage, l'orientation du patient et coordination du parcours de santé, la formation et la recherche. Par amendements, les députés ont ajouté la "conciliation médicamenteuse", la participation "aux soins de premiers recours" et insisté sur les "soins relationnels".
Le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical
Le texte acte la consultation infirmière, "qui se pratique plus ou moins formellement aujourd'hui" selon Nicole Dubré-Chirat, et consacre leur droit de prescription, "aujourd'hui trop limité". "Elle l'exerceront dans le cadre de leur rôle propre, a insisté la rapporteuse. Il ne s'agit en aucun cas de concurrencer le droit de prescription des médecins, notre PPL n'a pas du tout pour objectif d'empiéter sur le champ de compétences des médecins", a-t-elle défendu, alors que le député écologiste Henrick Davi redoute, lui, que "le principal objectif" de ce texte soit "de pallier le manque de médecins par l'augmentation des responsabilités des infirmières".
Un accès direct étendu
Les missions des infirmières s'exerceront "en coopération avec les autres professions, il n'est pas question d'ouvrir un front avec les médecins ou avec les autres professions paramédicales", a souligné Yannick Neuder. "Le diagnostic infirmier n'a aucunement vocation à se substituer au diagnostic médical, il s'agit de renforcer un métier et lui donner les moyens de l'exercer dans toute la latitude de son champ propre", a-t-il ajouté, tandis que le député et médecin Cyrille Isaac-Sybille (Les Démocrates) s'est de son côté inquiété de la "zone de flou entre l'exercice infirmier et l'exercice médical" que créé la notion de "diagnostic infirmier". "Le diagnostic c'est poser un nom par rapport à une pathologie devant des symptômes, c'est un art qui est difficile, qui demande beaucoup de connaissances. Mal nommer les choses, c'est ajouter de l'incertitude", a-t-il alerté.
Par amendement, le Gouvernement est venu étendre au-delà du rôle propre l'expérimentation d'un accès direct aux infirmières voté la semaine dernière en commission sous l'impulsion de Stéphanie Rist. L'expérimentation est prévue pour trois ans dans cinq départements, dans le cadre d'un établissement ou d'une structure d'exercice coordonné.
Le texte développe également la pratique avancée, en ouvrant trois nouveaux lieux d'exercice pour les IPA (santé scolaire, PMI, aide sociale à l'enfance) et en permettant aux infirmières spécialisées (Iade, Ibode, puéricultrice) d'y accéder.
Pas de 4e année
Les amendements en faveur de l'ajout d'une 4e année de formation ont en revanche été retoqués, a déploré le SNPI, tandis que la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) a manifesté son soulagement face à une mesure qui aurait remis en cause le système LMD (licence-master-doctorat), aurait créé "une année blanche" et augmenté le mal-être des étudiants alors que les terrains de stage et l'encadrement "manquent" déjà.
Dans un communiqué diffusé ce mardi 11 mars, l'Ordre national des infirmiers (ONI) a salué "l'esprit de responsabilité et d'unité qui a animé les députés". L'adoption du texte par l'Assemblée nationale "marque une première étape dans l’évolution de la profession et l’amélioration de la prise en charge des patients. Nous comptons désormais sur les sénateurs pour adopter ce texte rapidement", a déclaré sa présidente, Sylvaine Mazière Tauran, qui espère une entrée en vigueur des différents réglementaires d'application "d'ici le 31 janvier 2026".
La procédure accélérée a été enclenchée sur ce texte, a rappelé Yannick Neuder, qui vise une adoption "avant l'été" afin de pouvoir lancer des négociations conventionnelles dès septembre. Nicole Dubré-Chirat a quant elle rappelé que la deuxième étape serait l'actualisation des référentiels de formation et de compétences.
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