Le médecin de famille, une "image d’Epinal" : les jeunes praticiens font leurs propositions pour améliorer l’accès aux soins sans coercition

13/04/2022 Par Marion Jort
Des associations et syndicats représentatifs des étudiants en médecine et des jeunes médecins ont décidé de s’allier pour formuler des propositions visant à améliorer l’accès aux soins dans les territoires, sans avoir à passer par la coercition.  

“A en croire les politiques, il suffirait d’utiliser la coercition pour répondre à la problématique d’accès aux soins de 8 millions de personnes” : dans une contribution dévoilée mardi 12 avril, l'Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf), l’InterSyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale (Isnar-IMG) et le Regroupement autonome des généralistes jeunes installés et remplaçants (ReAGJIR) s’associent pour formuler des solutions afin de lutter contre la problématique, qui a été au coeur des programmes des candidats à la présidentielle.   

Les carabins et jeunes praticiens protestent, en effet, contre les idées-reçues des responsables politiques qui, selon eux, oublient vite que “l’accès aux soins est pluridimensionnel” et que les zones sous-dotées sont à rapprocher de la raréfaction globale de l’offre des services publics, des fractures territoriales notamment. “Dans un contexte de pénurie de médecins, les obliger à aller dans les zones sous dotées revient à “déshabiller Pierre pour habiller Paul” et cela ne répond pas à “la pluridimensionnalité de l’accès aux soins”, estiment-ils.  

L’Anemf, l’Isnar-IMG et REaGJIR tentent, dans leur contribution, de comprendre les ressorts de ces “déserts”. Ils s’agacent d’ailleurs que certains continuent à idéaliser l’image du médecin de famille, “figure emblématique du village”, qu’ils qualifient “d’image d'Epinal régulièrement agitée devant 'l'ingratitude' de la nouvelle génération”. “C'est oublier que la médecine et ses pathologies se sont complexifiées au fil des années, que la file active de patients d'un médecin n'a eu de cesse de s'allonger et que les aires urbaines sont plus étendues que les bourgs de jadis.” “Occulter les aspirations des jeunes médecins n'est plus une réalité envisageable”, écrivent les associations et syndicats.  

Enfin, avant de formuler une série de propositions sur l’offre de soins et sur la demande, ils rappellent que les jeunes médecins ne rechignent pas à s’installer. Encore moins dans les espaces ruraux. D’après une enquête du syndicat des internes en médecine générale publiée en 2020, 36% des futurs MG prévoyaient de s’installer dans les trois ans après la fin de leur internat et 63% d’entre eux souhaitent s’orienter vers un exercice en zone semi-rurale, quand 20% réfléchissaient à s’installer en zone rurale contre 17% en zone urbaine. 

 

Des solutions pour les médecins 

Sur la question de l’offre de soins, ils proposent donc une quarantaine d’idées et solutions axées autour de la formation, de la maîtrise de stage, de l’enseignement, des incitations financières et sociales, du zonage et du soutien professionnel. Au cours des études de médecine, l’Anemf, l’Isnar-IMG et REaGJIR plaident, en effet, pour que les carabins soient sensibilisés au management et à la gestion, ainsi qu’aux démarches et aides à l’installation pour préparer leur future installation. Il faut aussi “mener une vraie politique d’orientation et d’accompagnement (financier et humain) en amont de l’entrée en études de médecine afin d’avoir des promotions d’étudiants représentatives des territoires et des différents milieux sociaux et donc susceptibles d’être intéressées par une large variété de types d’exercice”, selon eux. Outre le décloisonnement de la formation professionnelle, ils appellent à miser sur un accompagnement et une augmentation du nombre de maîtres de stage universitaires et la prise en charge des visites à domicile pour les internes.  

Au niveau des incitations financières, ils souhaitent développer les bourses ainsi que le contrat de début d’exercice. Pourquoi pas également miser sur la diversification de l’exercice professionnelle, écrivent-ils.  “Certaines études ont montré que les jeunes générations de médecins étaient plus attirées par un revenu prédictible et mixte. L’activité principale à l’acte ne convient plus aux jeunes médecins, ne répond pas aux besoins de la population et à l’exercice pluriprofessionnel. Le choix de paiement en fonction des préférences des jeunes médecins pourrait augmenter le recrutement et le maintien dans certaines spécialités, notamment clinique comme la médecine générale.”  

Comme certains de leurs aînés, les syndicats et associations misent sur une rémunération complémentaire si l’exercice se fait en zone sous dense. Il est par ailleurs primordial pour eux de soutenir et simplifier l’installation des jeunes médecins, par un guichet unique, le renforcement du contrat d’engagement de service public (CESP), le développement des MSP, des CPTS, des ESCAP). Ils appellent à la coopération et à la coordination en souhaitant développer des protocoles pluriprofessionnels, et en s’appuyant sur les assistants médicaux, les infirmières en pratique avancée (IPA) et les infirmières Asalée pour libérer du temps médical aux médecins.  

Pour soulager le quotidien des MG, l’Anemf, l’Isnar-IMG et ReAGJIR proposent aussi d’aider le remplacement en zone sous-dotée sur le plan organisationnel et de financement, de garantir la prise en charge financière du secrétariat. Enfin, élément essentiel à leurs yeux, il faut “repenser les territoires et bassins de vie”. “ L’environnement du territoire lui-même et la qualité de vie qui y est attendue sont aussi déterminants. La présence de services, d’infrastructures, d’opportunités professionnelles pour le conjoint, d’activités culturelles ou récréatives conditionne l’attractivité des territoires. Les territoires pourraient aussi aider humainement et financièrement les professionnels de santé dans leur exercice”. Sur le plan du zonage, ils entendent le définir en tenant compte de tous les professionnels de santé de premier recours actualisé tous les ans et augmenter le nombre de zones de revitalisation rurale (ZRR) et de zones franches urbaines (ZFU).  

 

Travailler sur la demande de soins 

“S’il est important d’agir sur l’offre de soins, il est également important d’agir sur la demande de soins qui augmente d’année en année avec le vieillissement de la population, l’augmentation des pathologies chroniques et l’impact de l’environnement sur la santé”, expliquent l’Anemf, l’Isnar-IMG et ReAGJIR. Une dizaine de propositions sont ainsi faites en ce sens, à commencer par la mise en place d’un module d’éducation à la santé pour sensibiliser la population aux motifs de consultations, de recours aux médecins, de demande de certificats. 

Dans la suite des contributions, ils suggèrent de limiter la rédaction des certificats superflus, d’augmenter le budget alloué à la prévention, de réduire les inégalités de santé, de diminuer le reste à charge et primes des complémentaires et de développer des contrats locaux de santé axés sur la prévention et l’éducation à la santé physique et mentale.  

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