Roumanie

"Diplôme en carton" ou vraie vocation ? La réintégration des Français partis étudier la médecine en Roumanie divise la profession

Les sénateurs examineront ce mardi 17 juin la proposition de loi de Yannick Neuder prévoyant le rapatriement des jeunes français partis étudier la médecine à l'étranger. Une mesure qui divise les lecteurs d'Egora.  

16/06/2025 Par Louise Claereboudt
Roumanie

Faciliter la réintégration des étudiants partis suivre des études de médecine en Europe dans le cursus de formation français : c'est l'une des mesures phrases de la proposition de loi visant à améliorer l'accès aux soins par la territorialisation et la formation, déposée par Yannick Neuder lorsqu'il était député et qui sera examinée ce mardi 17 juin au Sénat.

Si "aucune donnée officielle ne permet de mesurer précisément le phénomène" d'expatriation d'une partie des étudiants français dans d'autres pays européens, la Cour des comptes évalue à "environ 1600" le nombre de jeunes qui seraient concernés chaque année. Parmi les destinations privilégiées par ces derniers : l'Espagne, la Roumanie, la Belgique ou encore le Portugal. 

Actuellement, les étudiants partis suivre des études de médecine dans un autre État de l'Union européenne ont la possibilité de réintégrer le cursus français en premier, en deuxième ou en troisième cycle, mais "ils sont pourtant peu nombreux à le faire", lit-on dans une fiche synthétique, qui résume les points clés de cette proposition de loi. 

"En vertu du principe d'équivalence des diplômes européens, ils ont également la possibilité, après avoir obtenu un diplôme dans un autre État de l'UE, de s'inscrire auprès du conseil de l'Ordre des médecins pour exercer en France", ajoute-t-on. Et de préciser que le nombre de médecins diplômés à l'étranger exerçant en France "n'a cessé de progresser" au cours des dernières années.

Afin de "combattre la fuite de nos cerveaux français vers les services de soins étrangers et notamment européens", et d'améliorer l'accès aux soins dans l'Hexagone, Yannick Neuder propose que soient définies par décret en Conseil d'État les modalités de réintégration au cursus national des étudiants français en cours de formation dans un autre État de l'UE. Cette mesure, non pérenne, ne s'appliquerait qu'aux étudiants en cours d'études à la date de promulgation de la loi.

Egora a souhaité sonder ses lecteurs sur cette mesure. Sur notre plateforme de débat, nous vous avons demandé si vous êtes favorable au rapatriement des Français partis étudier la médecine en Roumanie, l'un des pays où les jeunes bacheliers se rendent en priorité pour y poursuivre des études de médecine. 53% des Egoranautes* ont répondu "oui", 41% y sont opposés et 6% sont "sans opinion". 

"Diplôme en carton"

Pour une majorité d'opposants à la mesure ayant déposé un argument sur notre plateforme, permettre à ces jeunes de réintégrer le cursus français constitue une forme d'injustice pour ceux qui ont emprunté la voie "traditionnelle" en France et ont échoué sans avoir la possibilité de s'expatrier pour tenter leur chance autrement. "J'ai vu trop de très bons étudiants être recalés de peu alors qu'ils seraient largement pris de nos jours. En conséquence je n'ai jamais vu d’un bon œil ceux qui contournent l'obstacle", estime H.H, spécialiste en radiodiagnostic et imagerie médicale. 

"La proposition du député Neuder est tout simplement d'effacer l'ardoise de l'échec", juge Blue G., gynécologue-obstétricien. "Disons-le, c'est un peu dégueulasse : dura lex, sed lex. On ne change pas une règle du jeu en plein cursus sous prétexte que ça arrange le ministère. Que le ministère assume et prenne ses responsabilités : un étudiant recalé est un étudiant recalé, s'il veut recruter plus large qu'il monte arbitrairement le nombre ou la moyenne des reçus, cela ne me semble pas compliqué. C'est trop facile de bricoler et de jouer avec les gens..."

"Si XX/XY est recalé en 1ère année de médecine en France et l'année suivante admis en 2ème année de médecine en Roumanie, pourquoi effacer l'échec en France et le rapatrier ? Au nom de quoi ? De quel principe d’équité entre candidats ? interroge également Jl. D. Si l'admission en 2ème année en France est trop dure… changez en les conditions pour tous les candidats. De toute manière une réforme de plus de ce cursus ne fera qu'augmenter la taille du millefeuille administratif sans garantir son efficacité… bien au contraire cela s'accompagnera de plus de stress pour les étudiants !"

Certains lecteurs craignent également un manque de compétences de la part de ces jeunes qui se sont expatriés. "Prenez des stagiaires qui ont été 'formés' là-bas et vous comprendrez ! Une CATASTROPHE !", lance Philippe F-D., généraliste. Un autre médecin, Guillaume J., n'hésite pas à parler de "diplôme en carton". "Quelle va être la prochaine brillante idée : faire venir des gourous d'Afrique ?", ironise Hugues T., chirurgien-dentiste.

"S'ils ont fait le sacrifice de s'expatrier pendant plusieurs années c’est qu'ils avaient une réelle vocation" 

La mesure est toutefois approuvée par une frange importante du lectorat d'Egora (43%), pour qui, au contraire, "les étudiants français partis étudier en Roumanie sont majoritairement d'excellents éléments", défend Anne S. "J'ai personnellement opté pour cette voie, au vu des résultats de mon enfant au Pass** de décembre, confie Yanick T. Depuis qu'il a choisi de partir il est dans les premiers de sa promotion et je n'en tire que du bonheur car je peux dire que chaque jour je vérifie tout ce que mon fils apprend.”

Cet Egoranaute ajoute : "Il travaille sur les livres des collèges des enseignants français dans toutes les matières, sur les plateformes de préparation aux EDN, etc., en plus de tout ce qui est à son programme et théorique et hospitalier. Il est très équilibré car il a toute son autonomie avec une vie qui est moins chère, donc que des avantages", explique ce papa, qui appelle à aider ces jeunes partis s'expatrier à revenir "avant qu'ils ne soient définitivement perdus pour la France qui en a tellement besoin". "Ne pas le faire, c'est répondre à un orgueil mal placé et sans fondement."

A ceux qui crient à l'injustice, Frédéric B., médecin du sport, répond  : "les technocrates ont imposé un numerus clausus imbécile, hors de toutes considérations sur l'augmentation de la population, son vieillissement et l'évidence d'une hyper spécialisation de très nombreux médecins". Résultat : "De nombreux jeunes Français motivés ont été recalés aux épreuves hyper sélectives". "On rapatrie des médecins à diplôme extra-européen pour exercer à l'hôpital et on ne rapatrierait pas des Français qui ont été maltraités […] et qu'on a fait rater à peu de points", s'indigne Corinne O.

"S'ils ont fait le sacrifice de s'expatrier pendant plusieurs années c'est qu’ils avaient une réelle vocation", tient enfin à souligner Marie-Madeleine C, biologiste médicale. Ce qu'ont également loué d'autres lecteurs. 

 

*528 votants, tous professionnels de santé authentifiés.
**Parcours d'accès spécifique santé (Pass) 

Photo de profil de Didier  Massol
105 points
il y a 6 mois
Oui, mais c’est l’Europe !😁 Un diplôme européen vaut un diplôme français, malheureusement ! Quand j’ai commencé à exercer, il fallait un supplément de quelques années en suisse pour avoir un diplôme mondial ! Par contre, parcoursup a beaucoup contribué à une fuite des étudiants motivés mais refusés ! Le problème est complexe. Peut on entrer dans la loi ou la constitution que pour exercer la médecine en France il faille un diplôme spécial ? Pas sûr du tout !! Et comment reconnaître ceux qui ont vraiment la vocation et la foi de ceux qui ne font ces études que pour le titre et la position sociale ? Je suis bien content d’être retraité et de ne pas avoir à choisir dans ce genre de problème ! Par contre, le fait que cette question se pose nous interroge quand même sur le vraie valeur de l’Europe. Si tout était fait pour les citoyens, on n’aurait pas ce genre de questionnement !
Photo de profil de C P
9 points
Psychiatrie
il y a 6 mois
Ergotons sans fin...nombre d'hôpitaux périphériques ne fonctionnent que grâce à la présence de médecin roumains... Les patients du département ont la au moins la chance d'être soignés...probablement aussi bien que dans le département de la métropole la plus proche (une des plus grandes villes de France...top 3) où les médecins d'élites formés dans nos facs françaises (meilleur hôpital de France), exercent pour partie une médecine de confort ou ne prennent plus de nouveau patient comme indiqué sur leur répondeur...
Photo de profil de PIERRE BERTON
1,7 k points
Débatteur Passionné
Autre spécialité médicale
il y a 6 mois
Je propose une solution toute simple: un examen de contrôle d'une base minimale de connaissances médicales écrit organisé sous l'égide de Bruxelles pour tous les candidats à l'exercice. L'UE dispose déjà d'assez de traducteurs des différentes langues parlées au sein de l'Union. Un accord sur ce niveau minimal de connaissances ne saurait être déclaré techniquement impossible car à défaut ce serait à terme l'échec de la construction de la Communauté européenne en matière de Santé publique. Hors de question de faire dépendre la réussite de la population respective des états membres, copies rendues initialement anonymes, correction des copies par IA et algorithme, enfin validation du succès pour les candidats reçus mais originellement hors UE à la discrétion souveraine de chaque état-membre. Fin de toute magouille et injustice, rassurance des populations et des confrères et sentiment d'appartenir vraiment à une Europe une et indivisible naissant. On peut rêver? Eh bien, rêvons.
 
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