Anti-JAK en dermatologie : quelles perspectives dans la stratégie thérapeutique ?

07/01/2022 Par Marie Ruelleux-Dagorne
Dermatologie
Les anti-JAK occupent aujourd’hui une place grandissante en dermatologie. Une nouvelle classe thérapeutique enthousiasmante mais qui nécessite sagesse et pondération pour définir les futures stratégies d’utilisation et éviter les dérives de prescription et de la balance bénéfice-risque pour les patients, comme cela a été souligné lors des récentes Journées dermatologiques de Paris (30 novembre – 4 décembre 2021).  

Après des premiers travaux réalisés avec le tofacitinib dans le psoriasis en dermatologie il y a plus d’une quinzaine d’années, les anti-Janus Kinase (JAK) ont connu depuis lors un développement rapide dans des indications majeures, notamment en rhumatologie et en hématologie. Potentiellement nombreuses, les indications en dermatologie ne sont pas en reste notamment dans les maladies inflammatoires et d’origine immunitaire mais restent aujourd’hui à préciser. 

La voie de signalisation JAK-STAT (Janus Kinases-Signal Transducers and Activatorsof Transcription) est impliquée dans la réponse aux agents pathogènes, l’inflammation, la différenciation et prolifération cellulaires et I’oncogénèse. Il existe plusieurs niveaux de régulation afin d’en moduler finement l’activité́ et ces éléments commencent à être bien connus. Les Janus Kinases sont des protéines cytoplasmiques à activité tyrosine kinase, liées notamment à des récepteurs transmembranaires de cytokines de type I et II. La fixation de la cytokine sur le récepteur active la molécule JAK associée au récepteur, ce qui aboutit à l'activation de protéines d’aval appelées STAT (Signal Transducteurs and Activators of Transcription) qui migrent dans le noyau où elles modulent la transcription de gènes spécifiques.  

 

Un espoir pour le traitement de nombreuses pathologies inflammatoires  

Actuellement, l’indication phare est la dermatite atopique avec le baricitinib qui présente des effets thérapeutiques très favorables, mais aussi le psoriasis.  Dans la dermatite atopique, il s’agit d’une prescription de deuxième intention, initiée uniquement en milieu hospitalier compte-tenu des contre-indications et du manque de recul sur leur utilisation. Si certaines molécules sont indiquées dans le rhumatisme psoriasique, il n’existe pour l’instant pas d’AMM dans le psoriasis cutané.  

Par ailleurs, les anti JAK sont également prometteurs dans certaines maladies orphelines telles que la pelade (1) ou le vitiligo. Dans ce dernier cas, le ruxolitinib sous forme topique permet une repigmentation très intéressante. Une étude randomisée et contrôlée de phase 2 en double aveugle publiée dans The Lancet en 2020 (2) a montré que sur 4 dosages essayés, c’est avec le produit le plus élevé (dosé à 1,5% à raison de 2 fois par jour) que 58% des patients obtenaient une réponse d’au moins 50% d’efficacité à la semaine 52. La tolérance était par ailleurs excellente avec peu ou pas d’effet indésirable systémique. 

D’autres indications potentielles plus marginales commencent également à apparaître telles que...

le granulome annulaire, la sarcoïdose ou encore la maladie de Verneuil, mais toutes les maladies d’origine inflammatoire impliquant les voies de signalétiques inflammatoires sont potentiellement répondeuses à ces molécules.  

Cependant, même si ces molécules sont souvent efficaces dans toutes ces indications par voie générale et/ou locale, l’effet est suspensif avec réapparition fréquente des lésions à l’arrêt du traitement.  

 

Des effets adverses à anticiper  

Les effets secondaires observés avec les anti-JAK sont anticipables, pour le Pr Olivier Dereure (CHU de Montpellier). Ils sont liés au fait que les molécules anti-JAK interfèrent certes avec les voies d’inflammation mais aussi avec celles de la réponse immunitaire, anti-tumorale et anti-infectieuse. Avec la voie orale encore plus qu’avec la voie topique. Les effets indésirables semblent particulièrement fréquents avec les anti-JAK de première génération à spectre large. "Il faut être extrêmement vigilant sur la sélection a priori des patients selon leurs facteurs de risque individuels et sur la déclaration des effets indésirables", souligne le Pr Dereure. Et d’ajouter : "certains de ces effets indésirables sont liés au mécanisme d’action et d’autres non, comme des réactions allergiques (urticaires, angiœdèmes, toxidermies diverses) et d’autres effets indésirables non identifiés sur le plan gastro-entérologique, des céphalées …"  

Il est important aujourd’hui de bien préciser les indications des traitements anti-JAK et leur place dans les stratégies thérapeutiques et d’évaluer leurs effets indésirables ainsi que leurs modalités de surveillance. Des alertes ont été émises sur la survenue d’accidents thrombo-emboliques, de cardiopathies ischémiques et de maladies prolifératives avec une mise en cause du tofacitinib dans la survenue de cancer du poumon non à petites cellules (Black Box éditée par la FDA en 2021). Quelques publications sur la survenue de tumeurs cutanées épithéliales sont également rapportées mais nécessitent d’être confirmées.  

Limiter la durée de remplacement peut-il favoriser l'installation des médecins ?

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