Isotrétinoïne : pourquoi de nouvelles règles de prescription plus strictes ?
Le printemps 2021 a été marqué par de nouvelles recommandations émises par l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) concernant la prescription d’Isotrétinoïne par voie orale, seul traitement curatif potentiel des acnés sévères présentant un risque cicatriciel et un impact important sur la qualité de vie. L’objectif est de renforcer la sécurité d’utilisation de ce rétinoïde, motivé notamment par le risque réel de tératogénicité et le potentiel risque psychiatrique. Désormais, deux consultations pré-traitement, une contraception renforcée et un suivi mensuel pour tous viennent étoffer les règles de prescription déjà en place.
Véritable révolution thérapeutique dans les années 80, l’isotrétinoïne présente un taux de guérison de l’ordre de 85 à 90% de l’acné sévère après une cure de 4 à 6 mois.
En pratique, l’isotrétinoÏne est prescrite en deuxième intention, après échec des traitements topiques et des cyclines et nécessite un consentement écrit des jeunes patients et de leurs tuteurs le cas échéant. La Société Française de Dermatologie (SFD) recommande sa prescription d’emblée en cas d’acné très sévère. Enfin, si le renouvellement peut être réalisé par le médecin généraliste, l’initiation de traitement est faite par le dermatologue. "Une mesure qui permet d’apprécier la sévérité de l’acné, d’évaluer le risque d’acné fulminans et d’effets secondaires qu’il faut savoir anticiper et gérer", précise le Pr Beylot-Barry (CHU de Bordeaux, vice-présidente de Centre de Preuves en Dermatologie pour la SFD).
Tératogénicité, risque psycho-comportemental, sècheresse cutanéo-muqueuse quasi-constante (survient dans 95% des cas) s’inscrivent dans les effets secondaires identifiés.
La tératogénicité de l’isotrétinoïne : une préoccupation majeure
Et un risque bien connu. En effet, le syndrome malformatif induit par l'isotrétinoïne a été décrit en 1985 dans The New England Journal of Medicine à partir d’une série prospective de 21 nouveau-nés malformés issus de 154 grossesses exposées entre J7 et J24 post-conceptionnel (Lammer et al, 1985). Les auteurs estimaient un risque multiplié par 25 en cas d’exposition fœtale à l’isotrétinoïne.
Pour le Pr Beylot-Barry, "il y a une contre-indication formelle de grossesse. Il est nécessaire d’établir un plan de prévention de grossesse avec un carnet-patient, de signer un accord de soin avec les parents si la jeune fille est mineure et d’instaurer une contraception. C’est non négociable y compris quand l’adolescente n’a pas de rapport sexuel".
La contraception doit être initiée un mois avant le début du traitement, pendant, et jusqu’à un mois après. Des tests de grossesse doivent aussi être réalisés avant le début du traitement et 5 semaines après en raison de l’effet rémanent de l’isotrétinoïne. La prescription est renouvelée tous les mois et la délivrance par le pharmacien doit se faire au maximum 7 jours après la prescription. "Pourtant, chaque année en France, plus d’une trentaine de grossesses sous isotrétinoïne sont encore déclarées à la pharmacovigilance", déplore le Pr Beylot-Barry.
Le programme de prévention et de surveillance spécifique des grossesses a conduit l’ANSM à instaurer la prescription...
d’une contraception d'urgence et de préservatifs de façon systématique en cas de contraception orale (œstro-progestative ou progestative), considérée comme moins fiable qu’un DIU (Dispositif Intra-Utérin) ou un implant. Une recommandation nouvelle dans la pratique des dermatologues.
Un potentiel risque psychiatrique à l’étude
Toujours débattu en 2021, le risque psychiatrique a fait l’objet d’un fort relai dans les médias notamment après le cas d’adolescents sans antécédent particulier qui commettaient des suicides alors qu’ils étaient traité par isotrétinoïne.
Des mesures de prévention et d’information liées aux risques potentiels d’événements psychiatriques ont été menées régulièrement et renforcées par les agences et autorités sanitaires : ajout dans le RCP des précautions liées à plusieurs troubles psychiatriques comme les conduites suicidaires, communiqués de l’ANSM pointant la nécessité d’une vigilance particulière vis à vis des patients présentant des antécédents psychiatriques, ajout d’un feuillet dans le carnet patient et proposition d'auto-questionnaires pour le dépistage des troubles dépressifs. "Ce sujet est au cœur d’une préoccupation mondiale", souligne le Dr Catherine Droitcourt (CHU de Rennes). En pratique, il est souvent difficile de faire la part entre l’origine médicamenteuse, l’acné́ elle-même et les troubles psychologiques liés à l’adolescence. S’il n’a pas été relevé́ d’augmentation d’incidence des dépressions et des idées suicidaires à l’échelle populationnelle, un impact individuel avec un risque de décompensation psychique ne peut être exclu, nécessitant de rester fortement à l’écoute des patients. En effet, certaines chronologies suggèrent un effet du traitement, comme l’apparition de nouveaux troubles juste après l’initiation. Une vigilance extrême doit donc être posée au cas par cas et les dermatologues ne doivent pas hésiter à requérir de l’aide auprès d’un psychiatre référent. En revanche, attention à ne pas sous-traiter les patients présentant des acnés sévères sous prétexte qu’ils ont des antécédents psychiatriques. Les troubles de l’attention et de la mémoire doivent eux aussi alerter.
Une double consultation est désormais nécessaire avant toute initiation de traitement. Une consultation dite d’information suivie d’une consultation de prescription, et ce afin de laisser un délai de réflexion suffisant au patient. Une recommandation qui change finalement peu les pratiques.
Enfin, l’ANSM préconise un suivi médical mensuel de tous les patients, y compris masculins, afin de s’assurer de la bonne tolérance du traitement au long cours (tératogènes, psychiatriques ou autres). En effet, jusque-là, seules les jeunes filles et les femmes en âge d’avoir des enfants bénéficiaient d’une visite médicale mensuelle dans le cadre du plan de prévention des grossesses.
Les actions supplémentaires proposées par la SFD
La diffusion de l’information et l’amélioration de la communication entre professionnels représentent donc des enjeux importants et des actions en ce sens doivent être menées. Pour la SFD, il est nécessaire de développer des outils de communication entre professionnels de santé (courrier type, création de réseaux associant généralistes, gynécologues, psychiatres, ophtalmologues, pharmaciens...).
"Il serait aussi souhaitable comme cela a été souligné lors des rencontres avec l’ANSM, de renforcer les outils d’information (leaflets, QR code sur les boîtes de médicaments renvoyant à des notices explicatives...) afin d’aider au mieux les patients avec des conseils pratiques dans la gestion des effets secondaires potentiels. Un projet d’information des pharmaciens, souvent premier interlocuteur des patients, est également en cours", précise la vice-présidente.
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