« La sclérose en plaques (SEP) touche environ 100 000 personnes en France », indique le Pr Pierre Clavelou, neurologue au CHU de Clermont-Ferrand. Depuis une quinzaine d’années le nombre de cas est en augmentation dans les pays industrialisés. Ce qui pourrait être en partie lié à l’amélioration du diagnostic par IRM, mais aussi à une meilleure information des patients et des médecins permettant de déceler des formes plus précoces de SEP. « Cet accroissement concerne les femmes plus que les hommes et aujourd’hui 3 SEP rémittentes sur 4 sont observées chez elles contre 2 sur 3 auparavant ». Les formes progressives atteignent, en revanche, les 2 sexes dans les mêmes proportions. Quatre-vingt-cinq pour cent des SEP sont rémittentes et se manifestent par des poussées ; la moitié d’entre elles évolueront, en une quinzaine d’années en l’absence de traitement, vers des formes secondairement progressives. Quinze pour cent environ des SEP sont d’emblée progressives, et se traduisent par des difficultés croissantes à la marche. On peut aussi rencontrer quelques syndromes cliniques isolés, qui ne se manifesteront que par un épisode clinique au cours de la vie, et des formes très peu évolutives, se caractérisant pas un très faible niveau de handicap après 20 ou 30 ans de maladie. Cette maladie auto-immune associe susceptibilité génétique et facteurs environnementaux. La théorie hygiéniste est souvent évoquée pour expliquer sa plus grande fréquence apparente depuis les débuts de l’ère industrielle et « le fait que par exemple, aux Antilles, les cas de SEP féminins aient été détectés plus tardivement qu’en Métropole ». « Il faut conseiller aux patient(e)s d’arrêter de fumer car le tabagisme apparait comme un facteur potentiellement aggravant du niveau de handicap ». L’impact de la géographie, de l’ensoleillement a été questionné « car la maladie est d’autant plus fréquente qu’on s’éloigne de l’Équateur ». La théorie virale, longtemps mise en avant, avec l’idée que, par exemple, des lymphocytes s’attaquent à la gaine de myéline en raison de similarités de structure entre celle-ci et les particules virales, reste à expliciter. « En fait, il y a beaucoup d’inconnues et probablement, un ensemble de mécanismes intervient », estime le Pr Clavelou. Un pronostic amélioré en cas de prise en charge précoce « Grâce à l’arrivée des traitements et à une meilleure prise en charge du handicap, l’écart d’espérance de vie en France avec la population générale n’est plus que de 7 ans aujourd’hui contre plus de 15 ans il y a 20 ans ». On sait aussi, avec un recul de 20 ans aujourd’hui, que le niveau de handicap peut être réduit,...
après 5 ans de traitement, dans les formes rémittentes nouvellement diagnostiquées. D’où l’importance de les prendre en charge précocement. Plus d’une dizaine de médicaments immunomodulateurs ou immunosuppresseurs peuvent être utilisés, et de nombreux autres font l’objet d’essais thérapeutiques. Le choix, qui fera l’objet d’une décision partagée avec le malade, sera fonction de la forme de la maladie, la fréquence des poussées, la réponse au traitement sur les poussées et l’imagerie et sa tolérance, l’âge du patient, ses préférences, le désir de grossesse. « Certains patients préfèrent prendre du tériflunomide, ou du diméthylfumarate car il s’agit de comprimés quotidiens, même s’ils peuvent être responsables d’effets secondaires, notamment digestifs, plus ou moins faciles à gérer, et requièrent une surveillance biologique attentive. D’autres, par peur d’oublier les comprimés, préfèrent des traitements sous forme d’injections, qui sont sous-cutanées ou intramusculaires dans le cas des interférons bêta 1a ou 1b, ou de l’acétate de glatiramère ». Certains agents immunosuppresseurs comme le fingolimod oral ou le natalizumab IV, un inhibiteur sélectif des molécules d’adhésion, ont un profil d’efficacité un peu meilleur, mais au prix d’une tolérance potentielle moins bonne, notamment du fait du risque d’infections opportunistes (en particulier de leucoencéphalopathie multifocale progressive ou LEMP pour le natalizumab) et, pour le fingolimod, d’une toxicité cardiaque. Plus récemment, l’ocrélizumab, un anticorps monoclonal anti-CD20, administrable comme le natalizumab sous forme de perfusion IV, est venu compléter le rituximab, déjà utilisé. Bien que très actif, l’alemtuzumab, un anticorps dirigé contre la glycoprotéine CD52 située à la surface des lymphocytes, est moins employé « car il expose à la survenue de maladies auto-immunes et d’infections sévères ». Pour de multiples raisons, notamment des données de tolérance au long cours considérées comme insuffisantes, la cladribine, un analogue nucléosidique oral à activité immunosuppressive n’a, par ailleurs, pas obtenu de remboursement en France, même si elle dispose d’une indication dans les formes très actives de SEP. Tenir compte du désir de grossesse Chez les femmes jeunes (maladie à prépondérance féminine, la SEP est diagnostiquée en moyenne à l’âge de 30 ans), il faudra prendre en considération le souhait d’avoir un enfant car les interférons ou l’acétate de glatiramère sont sans danger, tandis que les immunosuppresseurs oraux (fingolimod, tériflunomide, diméthylfumarate) sont formellement contre-indiqués. « Dans des formes très actives de la maladie, on peut maintenir le natalizumab pendant la grossesse pour éviter un rebond ensuite ; mais on arrêtera en général ce médicament dans le mois qui précède l’accouchement, car il peut être à l’origine de modifications... hématologiques transitoires chez le nouveau-né ». En raison du climat œstro-progestatif, les poussées sont cependant moins nombreuses pendant la grossesse. « A tous les stades de la maladie, il importe de ne pas baisser les bras et le couple médecin traitant-neurologue a une place essentielle », insiste le Pr Clavelou. « Il faudra être proactif et savoir que la maladie peut être responsable de difficultés urologiques, sexuelles, d’une intense fatigue, de troubles attentionnels, de spasticité invalidante, d’une souffrance psychologique parfois en rapport avec des difficultés de couple, de travail ». Le médecin s’appuiera sur les réseaux ville-hôpital, construira son réseau de correspondants urologues, sexologues, médecins physiques et de réadaptation, kinésithérapeutes, psychologues, pour aider le malade. L’objectif recherché sera « de bâtir une alliance thérapeutique chez ces patients souvent très informés sur leur maladie grâce aux sites d’associations comme la Ligue française contre la sclérose en plaques (LFSEP), l’ARSEP, l’AFSEP, l’UNISEP*, qu’il faut d’ailleurs leur conseiller de consulter ». De nouveaux traitements en cours de développement porteurs d’espoir Les essais conduits avec les médicaments des formes rémittentes ont déçu dans les formes progressives de SEP. « Néanmoins, on a actuellement quelques espoirs comme l’ocrélizumab, un anticorps anti-CD20 qui a obtenu une AMM pour le traitement des SEP primaires progressives même si le niveau de preuves n’a pas été jugé suffisant pour obtenir un remboursement ». Le siponimod, qui est comme le fingolimod un inhibiteur sélectif du récepteur de sphingosine 1-phosphate, semble aussi avoir une action dans certaines SEP secondairement progressives. « Un des défis des dix prochaines années sera d’identifier, quels sont les malades répondeurs à ces nouvelles thérapeutiques ou aux autres qui vont être développées », conclut le Pr Clavelou. Le Pr Clavelou déclare participer ou avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Biogen, Merck, Novartis, Roche, Sanofi. * Fondation pour l’aide à la recherche sur la sclérose en plaques (ARSEP) ; Association française des sclérosés en plaques (AFSEP) ; Union associative pour lutter contre la sclérose en plaques (UNISEP)
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