Plus de stages à l'hôpital pour les futurs généralistes : les syndicats disent "non" au Doyen des doyens

11/05/2022 Par Marion Jort
Les syndicats de médecins et d'étudiants s’élèvent contre la proposition du Doyen des doyens, faite sur Egora, de profiter de l’ajout d’une quatrième année d’internat dans la formation des internes en médecine générale pour revoir la maquette et y ajouter plus de stages à l’hôpital.  

 

La polémique enfle autour de la proposition du Doyen des doyens de revoir la maquette du DES* de médecine générale et de, pourquoi pas, en profiter pour y ajouter plus de stages à l’hôpital. Interrogé par Egora sur l’ajout d’une quatrième année d’internat dans la formation des futurs généralistes, le Pr Samuel déclarait en effet : “Peut-être que la maquette, telle qu’elle a été conçue, a trop insisté sur les stages en ambulatoire et je pense que cela peut être une bonne chose d’y rajouter un stage à l’hôpital. C’est quelque chose qui doit être réfléchi avec les coordinateurs et les internes.”  

Si ces propos ont provoqué la colère de l’InterSyndicale nationale autonome et représentative des internes de médecine générale notamment, le Syndicat des médecins libéraux, lui aussi, a tenu à adresser un “carton rouge” au Doyen pour ce qu’il considère être “des propos anti-libéraux”. “Pour le SML, ce positionnement traduit l’état d’esprit hospitalo-centré des doyens de médecine et témoigne du mépris des enseignants hospitalo-universitaires pour la médecine libérale, en partie responsables de la crise des vocations à l’installation et des déserts médicaux qui en découlent”, fait savoir l’organisation du Dr Philippe Vermesch. Le syndicat se satisfait, au contraire, “que les stages en cabinets de ville soient prisés par les étudiants en médecine” et “veut y voir un signal très positif pour l’avenir de la médecine de ville”. “Ce n’est pas en freinant l’accès à la ville que le manque de soignants hospitaliers sera résolu.”

De son côté, Jeunes Médecins ironise sur “une riche idée”. “Qui d’autre que des généralistes – pour la plupart libéraux – sont les plus à même de former ces praticiens à la spécificité de leur futur exercice ? Comment gérer les complexités administratives et organisationnelles spécifiques à l’exercice de la médecine générale – libérale le plus souvent – et dont l’hôpital ignore de facto évidemment tout ?”, écrit son président, le Dr Emanuel Loeb, dans un communiqué. Il regrette que cette proposition du Pr Samuel “fasse porter aux futurs médecins généralistes la responsabilité des inactions et des fautes politiques passées, et que ces derniers soient systématiquement la variable d’ajustement, tant sur la durée de leur formation, son contenu ‘hospitalier’ ainsi que sur les conditions de leur future installation”.   Pour MG France, augmenter le nombre d’enseignants en médecine générale pour faciliter l’accueil et l’encadrement des nombreux étudiants issus de l’ouverture du numerus clausus “doit être la priorité de nos facultés”. Le syndicat de médecins généralistes affirme que cette jeune spécialité s’apprend “majoritairement dans son environnement professionnel”. “Les stages hospitaliers doivent apporter une plus-value à la formation des internes et non pallier le manque de personnel médical dont souffrent aujourd'hui beaucoup d’hôpitaux”, considère encore MG France. “Recentrer leur formation sur un internat hospitalier serait un formidable bond en arrière qui nous ramènerait à la situation du siècle dernier”, prévient-il encore. Le Syndicat national des enseignants de médecine générale (SNEMG) affirme, lui, “que ce n’est pas le rôle des internes de MG d’être la variable d’ajustement des services en difficulté”. “Nous avons malheureusement de trop nombreux exemples où parfois nous sommes contraints de fermer ces stages faute d’encadrement efficient et du fait d’une grande souffrance des étudiants”, écrit le Dr Philippe Serayet, président du syndicat. Le médecin rappelle aussi que la “médecine générale est frappée de plein fouet par la crise démographique” et qu’il est “curieux de se plaindre” de la dynamique qui consiste à rendre plus attractive la filière. “Nous déplorons ces prises de position hospitalo-centrées, défendant un déséquilibre du système de santé dont a historiquement pâti la formation en médecine générale et plus largement les usagers”, écrit-il encore.  Ces propos ne sont pas les seuls à avoir fait réagir. Sur la question de la régulation des médecins, option à laquelle le Pr Samuel n’est pas fermé, le SML tient par ailleurs à rappeler qu’il y est “fermement opposé”. Le syndicat “recommande au président des doyens de se concentrer plutôt sur l’augmentation des places dans les facs de médecine. Le nombre de places nouvellement créées depuis la mise en œuvre du numerus apertus en septembre dernier est symbolique”.  

  Ses déclarations sur le temps de travail : un point de crispation avec les étudiants en médecine  “Je suis étonné qu’on parle de temps de travail ‘’raisonnable’”, constate de son côté le président de l’InterSydicale nationale des internes. Pour Gaetan Casanova, le constat est pourtant connu de tous : “la réponse qu’on attend, c’est donc que le temps de travail doit être scrupuleusement respecté. On souhaite que les stages qui ne respectent pas les demi-journées de formation et dépassent le cadre légal, se voient retirer l’agrément”, affirme-t-il. Le président du syndicat rappelle par ailleurs qu’un engagement fort avait été pris par le prédécesseur du Pr Samuel sur le sujet. “Les doyens, comme les directeurs d’établissement, ont signé un document sur lequel ils ont pris des engagements à propos du temps de travail. Ils doivent notamment mettre en place un système qui permet de s’assurer du respect et de l’évaluation fidèle du décompte”, explique-t-il. Une position appuyée par Maxence Rouliat, vice-président chargé des perspectives professionnelles à l’Association nationale des étudiants en médecine de France (Anemf). “De la même manière qu’on observe les médecins affirmer qu’ils veulent une vie à côté de leur travail, les étudiants veulent vivre en parallèle de leurs études”, développe le jeune homme. “On a changé de Doyen en début d’année et on aimerait que le Pr Samuel réaffirme les engagements pris par la Conférence sur le temps de travail l’an dernier. Idem pour le principe de tolérance zéro sur les violences subies par les étudiants”, ajoute-t-il. L’Anemf, qui est par ailleurs contre la proposition de rajouter des stages hospitaliers dans le DES de médecine générale, rappelant qu’il s’agit d’une spécialité "éminemment libérale”, souhaite aussi insister sur le fait que tous les stages ne sont pas des stages hospitaliers, au CHU. L'association craint également que la spécialité ne souffre d'un défaut d'attractivité aux prochains ECN, du fait des incertitudes qui planent autour de la formation (durée de l'internat, types de stages). Elle s'oppose à un changement brutal de la maquette pour la rentrée prochaine et appelle à ce que "la ligne rouge" ne "soit pas dépassée".    

*Diplôme d’études spécialisées .

Vignette
Vignette

La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

A Rem

A Rem

Non

Une fois par an en sortie d’hospitalisation ou critère strict. Il n’y a ici aucune revalorisation réelle au vu des cotations exist... Lire plus

0 commentaire





La sélection de la rédaction

"En 10 secondes le diagnostic est fait" : l'échographie par les généralistes, une solution pour faciliter l...
21/02/2024
42
Portrait
"Je suis loin d’avoir lavé mon honneur mais j’ai rétabli l’histoire" : les confidences d’Agnès Buzyn, ministre...
22/12/2023
35
"Se poser dans une bulle, ça fait du bien" : en immersion dans cette unité cachée qui soigne les soignants...
05/01/2024
15
Santé publique
Ce qui se cache derrière la hausse inquiétante de l'infertilité
13/03/2024
17
"Ils ont une peur primaire de la psychiatrie" : pourquoi les étudiants en médecine délaissent cette spécialité
27/02/2024
28
"C'est assez intense" : reportage dans un centre de formation des assistants médicaux
01/03/2024
9