"Policier de la Sécu", "employé des entreprises" : ce médecin ne supporte plus ces rôles attribués aux généralistes

24/11/2022 Par Paracetamed
Témoignage
“Si aujourd’hui vous voulez faire de moi un contrôleur, ne vous étonnez pas que je me méfie et que je m’oppose.” Sur Twitter, Paracetamed, généraliste depuis six mois, regrette que les demandes de soins de ses patients soient de plus en plus administratives, quitte à réduire le rôle du médecin traitant à un “agent de l’Etat”, un “policier de la Sécu” ou un “employé des entreprises”. “Je prends soin, j’écoute, j’accompagne, j’explique, je prescris (parfois), mais surtout je travaille toujours avec le patient pour le patient”, tient à rappeler cet internaute dans un long billet d’humeur, que nous reproduisons intégralement.

   

"Dans l’imaginaire collectif, mon rôle se limite à : -soigner des rhumes,  -prescrire des examens, des médicaments et des arrêts de travail,  -rédiger des certificats,  -délivrer des courriers pour les spécialistes. Comment je le sais ? Je le comprends quand un patient vient me voir “pour un arrêt” ou “juste pour une ordonnance de [insérer médicament ou examen]”. Je le comprends aussi quand un employeur exige d’un employé tel document, que la sécu exige d’un usager tel papier, ou encore quand l’école, l’université ou le club de sport exige tel certificat. Toute ces demandes trouvent leur justification par un attribut qui leur est alloué arbitrairement : “médicales”. Mais qui a décrété que ces demandes sont médicales ?  Certains documents ont été rendus exigibles par le code de la Santé publique suite à des décisions politiques évoluant au gré de l’actualité et d’autres sont ouvertement exigés par n’importe quelle organisation sans aucune base législative ou réglementaire. Le point commun étant que les médecins d’aujourd’hui n’ont absolument par leur mot à dire sur ce qui relève du médical ou pas… Personnellement, comme la majorité de mes confrères, je n’ai pas fait 9 ans d’études pour remplir des papiers visant à délivrer des autorisations du haut de mon autorité médicale, je l’ai fait pour prendre soin. Je ne suis pas un policier de la sécu chargé de dire non à mes patients au nom de l’Assurance maladie. Mon rôle n’est pas de contrôler le budget de la sécu en faisant la chasse aux dépenses quitte à refuser une prescription médicale de transport ou à négocier pour réduire la durée d’un arrêt de travail. Je ne suis pas non plus un surveillant médical scolaire chargé de vérifier le bien-fondé des absences des élèves et étudiants. Mon rôle n’est pas d’attester qu’un enfant est malade, il est de le soigner. 

Si on me dit avoir mal ou avoir eu des symptômes, je me fie à ce qui est dit, je n’ai pas d’autre moyen d’agir. Je ne suis pas le contrôleur médical des employeurs chargé de cautionner l’aptitude et de rationner les temps d’arrêts. Si un employé doit rester chez lui pour s’occuper de son enfant, pourquoi devrait-il consulter un médecin?  Mon rôle n’est pas de répondre aux exigences des entreprises, je ne suis pas leur employé. J’agis pour le patient et dans son intérêt à lui uniquement. Je ne suis pas la caution d’assurance des fédérations et clubs sportifs chargé d’assumer la responsabilité des risques liés à l’activité sportive. Mon rôle n’est pas de me plier aux exigences de ces organisations privées. Je ne suis pas leur employé. Je ne suis pas l’agent médical de l’Etat chargé de cocher des cases dans de multiples dossiers interminables pour évaluer les aides financières dont pourraient bénéficier les usagers.    “Que de temps perdu” Mon rôle n’est pas de répondre à tous ces longs questionnaires mal formulés, à re-remplir à la moindre virgule de travers Ils n’ont rien de médicaux car standardisés à outrance, n’évaluant pas les spécificités propres à la situation de chaque personne. Que de temps de soin perdu par toutes ces demandes ! A l’heure où tout le monde parle d’accès aux soins, en tant que médecin généraliste, j’aimerais appeler à réfléchir à une vraie définition du soin dans ce système administratif kafkaïen surmédicalisé. Je ne suis pas un administratif chargé de distribuer prescriptions et certificats en tout genre. Je suis médecin, je suis soignant, mon intérêt unique est centré sur celui du patient. On vient me voir quand quelque chose ne va pas ou pour éviter que quelque chose n’aille pas.  Je prends soin, j’écoute, j’accompagne, j’explique, je prescris (parfois), mais surtout je travaille toujours avec le patient pour le patient. Or ces demandes imposées aux usagers ne sont pas exigées pour prendre soin, mais bien pour encadrer un accès aux droits limité par les financements disponibles.  Elles n’ont rien de médicales ! Si aujourd’hui vous voulez faire de moi un contrôleur, ne vous étonnez pas que je me méfie et que je m’oppose. Comment créer une relation de confiance dans ces conditions ?  Si vous voulez faire de moi un distributeur automatique, ne vous étonnez pas que je perde mon humanité. Comment prendre soin dans ces conditions ?"

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