Tatouages : recrudescence des infections

19/06/2017 Par Dr Philippe Massol
Santé publique

Les pratiques et les produits déficients sont susceptibles d’entraîner des effets indésirables : inflammations, allergies, infections notamment à mycobactéries atypiques. Et le détatouage tourne souvent au cauchemar !

Le tatouage n’est plus une pratique marginale en France : 14 % des Français auraient déjà sauté le pas, dont 20 % des moins de 35 ans ; éphémères, semi-permanents, permanents ou même irréversibles, ils s’adressent à des zones variées et à des surfaces corporelles de plus en plus grandes, voire au corps entier. En France, le nombre de boutiques dédiées au tatouage et au piercing serait passé de 400 environ en 1990 à près de 4000 en 2013. Lors d’une séance de l’Académie de pharmacie intitulée "Décoration du corps humain et risque pour la santé", le Dr Nicolas Kluger, qui a ouvert récemment la première consultation "tatouage" à l’AP-HP, a rappelé les complications de cette pratique. Si aujourd'hui, en France, le matériel stérilisé à usage unique a presque complètement écarté le risque d'hépatites B ou C qui était important dans les années 1980, la plaie sur la peau après tatouage met au moins un mois à cicatriser, avec des risques d’infections locales ou bactériennes, toutefois peu fréquentes. "Le plus souvent, on observe des réactions "allergiques", notamment à une couleur spécifique et parfois très longtemps après", souligne le Dr Kluger. Le Dr Isabelle Catoni (Neuilly-sur-Seine) ajoute que "nous rencontrons actuellement une recrudescence d’infections à mycobactéries atypiques survenant lors du tatouage, des allergies aux encres (en particulier rouges) qui peuvent prendre l’aspect d’un simple eczéma ou de granulomes devant faire rechercher une sarcoïdose". Et un tatouage peut cacher un mélanome. Les produits de tatouage, dont ceux utilisés pour le maquillage permanent, font l’objet d’une réglementation spécifique dans le Code de la santé publique. Certains produits de tatouage sont destinés au "tatouage temporaire" ; ils relèvent alors de la réglementation des produits cosmétiques. "Mais, malgré les mises en garde de la DGCCRF et de l’ANSM, on déplore chaque été des accidents liés à l’utilisation de certains produits à base de henné non conformes à cette réglementation", a précisé le Pr Patrick Fallet (Paris), qui souligne "qu’il n’existe pas de diplôme spécifique pour les tatoueurs", les  "pierceurs", les "stylistes ongulaires". "En revanche, un tatoueur, un pierceur ou une personne effectuant un maquillage permanent doivent avoir suivi une formation aux conditions d’hygiène et de salubrité d’une durée minimale de 21 heures réparties sur 3 jours consécutifs en deux modules de formation (théorique et pratique). Cette formation ne peut être délivrée que par un organisme habilité à la dispenser". Avec cette formation "hygiène et salubrité", ces professionnels doivent aussi se déclarer à la préfecture et respecter les règles relatives aux déchets à risque infectieux (DASRI). Les tatoueurs peuvent utiliser un dermographe pour tatouer, mais ils ne peuvent avoir recours à un électrodermographe pour "détatouer" car l’emploi de ce matériel est réservé aux médecins depuis un arrêté de 1962. Or, l’’engouement actuel pour les tatouages entraine aussi une demande grandissante de détatouage. En 2016, environ 20% des tatoués se sont fait détatoués… "Les indications du détatouage par laser sont soumises à de nombreux paramètres dépendants de la technique (encres, profondeur, couleur) et du patient (réaction de la peau à l’onde de choc)", indique le Dr Catoni. "La meilleure indication est le tatouage noir ou bleu, amateur ou professionnel, de grande ou petite taille, mais dont le dessin est superficiel. Le tatouage s’efface alors en une à trois séances sans laisser de trace. Si le tatouage est noir, monochrome, mais très profond ou trop dense, nous préférons refuser le traitement car il nécessite un trop grand nombre de séances, au résultat incertain. Pour les tatouages polychromes, certaines couleurs ne s’effacent pas, comme le turquoise ou l’orangé par exemple. Les tatouages rituels du Maghreb s’effacent en général en une à trois séances ; en revanche, ceux d’Afrique Noire ne peuvent être traités qu’avec le laser QS 1064 nm et nécessitent cinq séances ou plus. On prévient l’œdème avec des antihistaminiques et l’hypochromie avec des fluences plus faibles et des délais plus espacés entre chaque séance". Pour les tatouages cosmétiques, les dermatologues utilisent le laser Erbium seul ou associé au CO2 fractionné car le pigment ferrique présent dans l’encre change de couleur sous l’impact du laser QS. "Nous ne savons toujours pas prévoir le nombre exact de séances nécessaires pour effacer les tatouages ; de même, nous ne savons pas non plus, même après un nombre suffisant de séances, si le résultat sera un effacement total ou seulement partiel", témoigne Isabelle Catoni. Face à ces pratiques susceptibles d’entraîner des effets indésirables, l’Académie nationale de Pharmacie recommande qu’une information appropriée soit mise à la disposition des personnes (en particulier des jeunes) ayant l’intention de recourir à ces techniques. Cette information pourrait être portée notamment par les médecins (généralistes, médecins scolaires, spécialistes…) à la faveur des consultations, campagnes d’information et de dépistage. Elle recommande aussi que les usagers et les professionnels soient avertis des dangers de l’utilisation d’internet susceptible d’une part, de proposer des produits de qualité non contrôlée, voire dangereux ou d’autre part, de promouvoir des pratiques à risques de décoration du corps humain. Elle milite pour que l’arsenal réglementaire soit complété le cas échéant pour couvrir l’ensemble des pratiques souvent rapidement évolutives et rappelle que tout effet indésirable lié aux pratiques de décoration soit signalé.

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