"La France est un désert psychiatrique, cela entraîne plus de passages à l'acte"
Quelques jours après le meurtre du Dr Rousseaux à Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), l'émotion est toujours intacte. Des questions commencent à émerger, notamment celle de la crise de la psychiatrie. Le meurtrier présumé du généraliste de 64 ans aurait en effet des antécédents psychotiques. Le Dr Jacqueline Goltman, psychiatre parisienne en exercice mixte et vice-présidente de l'UFML, était présente au rassemblement de médecins en hommage au Dr Rousseaux. Elle s'inquiète de l'état de la psychiatrie en France. L'Eure-et-Loir est en effet un désert psychiatrique.
Egora.fr : Vous étiez mardi au rassemblement à Chartres en hommage au Dr Rousseaux, qu'avez-vous ressenti en tant que médecin?
Dr Jacqueline Goltman : En effet, j'étais à Chartres avec une collègue généraliste. En premier lieu, j'ai ressenti beaucoup d'émotion. C'était une cérémonie très digne. Nous étions une centaine, maximum. Il y avait des confrères mais aussi des infirmiers, kinés ou pharmaciens. C'était une cérémonie silencieuse. Nous avions tous un brassard blanc. La femme du Dr Rousseaux était présente.
On ressent un certain effroi qu'un tel meurtre puisse arriver en France en 2017. On se dit que cela pourrait arriver à n'importe lequel d'entre nous. J'ai pu discuter avec le représentant des médecins de l'Eure-et-Loir et je lui ai demandé si ce patient était suivi en psychiatrie et s'il était facile dans le département de faire suivre un patient qui en aurait besoin à l'hôpital ou en ville. Il m'a répondu qu'avant c'était le cas, mais plus maintenant. Le département manque fortement de psychiatres et mes confrères d'Eure-et-Loir sont débordés et ne peuvent plus prendre en charge tous les patients psychiatriques. Ces derniers se tournent donc vers les généralistes.
Depuis quand date ce problème?
Ce problème date depuis 15 à 20 ans. Ce médecin m'a précisé qu'au niveau de l'Eure-et-Loir, il avait déjà alerté les pouvoirs publics sur la question de la sécurité. Il y a 15 ans, il avait même été reçu au ministère de la Santé sur le sujet. De mon point de vue, la situation s'aggrave dangereusement puisque la psychiatrie (libérale et publique) est de plus en plus sinistrée en France. Il y a de moins en moins de psychiatres libéraux. La spécialité n'est pas attractive. Quant à la psychiatrie publique, elle manque terriblement de moyens, de personnels bien formés, de lits… En 10 ans, on a supprimé un tiers des lits de l'hôpital psychiatrique.
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