Budget de la Sécu à l'Assemblée : ce qui risque de vous tomber dessus

23/10/2018 Par Catherine le Borgne
Politique de santé
L'Assemblée nationale a entamé ce mardi l'examen du projet de budget de la Sécurité sociale pour 2019. Selon Agnès Buzyn, ce deuxième projet de budget de l'ère Macron se donne l'ambition d'"investir pour réorganiser le système de santé" et "protéger les plus fragiles". Doté d'un Ondam de 2,5 %, la "maladie" hérite de moyens de régulation renforcés. Les médecins libéraux redoutent le retour de la maîtrise comptable et le démantèlement de leur champ d'activités.

Il s'agit d'un texte de plus de 50 articles et d'un millier d'amendements, qui sera débattu toute la semaine. Un vote solennel est attendu pour le mardi 30 octobre. Ce deuxième budget de l'ère Macron est présenté en équilibre, et même en léger excédent, ce qui représente une première depuis 18 ans. Ceci, pour la branche maladie, au prix d'un effort de 3,8 milliards d'euros d'économies demandé au monde de la santé sur l'évolution prévisible des dépenses, et d'une économie sur les prestations sociales de 1,8 milliard, impactant notamment les familles et les retraités. Ces derniers devant subir, après la ponction de la CSG, une moindre revalorisation des pensions par rapport à l'inflation. Un amendement déposé par des députés LREM prévoit cependant que la hausse de 1,7 point de CSG serait annulée pour les retraités touchant moins de 1.600 euros par mois et augmentée au-delà de 3.000 euros. Néanmoins, la "maladie" bénéficie d'un Ondam bonifié de 400 millions d'euros, à 2,5 %, pour permettre notamment, de financer la réforme.

Pour Agnès Buzyn, ce PLFSS a une "double ambition" : "investir pour réorganiser notre système de santé" et "protéger les plus fragiles, notamment en améliorant le recours aux soins et la réponse aux besoins de santé". Parmi les mesures phares : la suppression des cotisations salariales sur les heures supplémentaires ou l'extension de la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) qui doit permettre aux plus vulnérables d'avoir "une couverture pour moins de 1 euro par jour". Et même moins pour les jeunes, les étudiants et certains retraités. "Il s'agit d'une mesure sociale de grand ampleur", a défendu mardi matin Olivier Véran, le rapporteur général (LREM) du PLFSS devant l'Association de journalistes de l'information sociale (Ajis). Près de 2,5 millions de Français vont en profiter, cela représente pour l'assurance maladie un effort entre 300 et 400 millions par an. Il y avait un taux de non-recours très élevé, et cette mesure sociale permettra aux retraités, avec une meilleure couverture, une économie de 30 euros par mois". Ce budget met également en place le reste à charge zéro sur certaines lunettes, prothèses dentaires ou auditives d'ici 2021, baptisé "100 % santé" par le Gouvernement. "Il s'agit d'une promesse phare du candidat Macron, qui a été bouclée plus tôt qu'initialement prévu dans le calendrier", a rappelé Olivier Véran. Néanmoins, dans l'opposition, certains pointent une mesure "en trompe-l'oeil" et s'inquiètent d'un renchérissement des complémentaires, jusqu'à 10 % pour les retraités, comme le soulignaient le matin même du premier débat des articles publiés dans Le Parisien et Franceinfo. Chiffre rudement réfuté par le rapporteur général du PLFSS, estimant qu'il "ne repose sur rien", et en tout cas pas sur les déclarations des représentants des complémentaires qui lui auraient, au contraire, assuré en audition qu'ils pourraient "absorber sans problème le coût de la mesure".   En revanche, plusieurs innovations ou amendements issus de la majorité font grincer les dents des médecins libéraux. Il en va ainsi de l'introduction, pour la première fois, d'une réserve prudentielle de 120 millions d'euros sur le montant de l'Ondam de ville, somme qui ne serait débloquée que si les dépenses de santé étaient bien dans les clous de l'objectif voté (+ 2,5 %).  "Il ne s'agit évidemment pas de lettres clefs flottantes, a rassuré Olivier Véran, rappelant que d'autres s'y étaient essayés par le passé, "avec le succès que l'on sait" [Cf. la maitrise comptable honnie des praticiens libéraux, dans la foulée des ordonnances Juppé de 1995, NDLR]. Ce gel prendrait l'allure d'une convention comptable, une régulation prix-volume, portant sur les produits de santé, les transports, la biologie, la radiologie, a expliqué la ministre de la Santé dans Les Echos. Mais les engagements de la réforme budgétés seront préservés, a tenu à rassurer Agnès Buzyn, tels le financement des CPTS, des assistants médicaux ou des infirmières de pratique avancée.

Certains amendements passent très mal auprès des libéraux, tel l'incitation des hôpitaux à renvoyer les urgences légères vers la ville moyennant une prime de 60 euros par patient qui accepte le transfert, organisé avec un rendez-vous auprès d'un généraliste, une maison de santé ou un service spécialisé, dans les 24 heures. "J'admets que ma proposition est iconoclaste", ironise Olivier Véran interrogé par Le Figaro. Face aux journalistes de l'Ajis, le même regrettait la réticence à l'innovation organisationnelle des libéraux, ressentie à cette occasion. "Il faut bien faire quelque chose ! On expérimente une mesure à coût nul pour les hôpitaux et la Sécurité sociale en espérant réduire les passages aux urgences de 20 à 25 %. Des hôpitaux et certains urgentistes ont envie d'expérimenter. On verra lors du débat", a-t-il soupiré. Agnès Buzyn considère qu'il s'agit d'une "bonne idée". Un autre amendement signé Véran a également obtenu l'approbation de la ministre de la Santé. Il concerne la non prise en charge par l'assurance maladie (ou l'obligation de remboursement qui incomberait à l'établissement), des actes techniques réalisés dans des établissements qui n'ont pas obtenu leur agrément, du fait d'une activité insuffisante. Cet amendement "va dans le bon sens en instaurant une régulation précise", note Agnès Buzyn, qui explique que "certains seuils vont d'ailleurs être relevés, par exemple pour le cancer du sein, et d'autres vont être créés", comme "pour le cancer de l'ovaire, de l'utérus ou du poumon". Une proposition d'amendement d'une députée LREM médecin urgentiste agite également la médecine libérale. Elle concerne la possibilité exprimentale, donnée à des pharmaciens, dès lors qu'ils ont passé un protocole d'accord avec la CPTS ou un hôpital de jour, de prescrire des produits traitant de pathologies aiguës telles la cystite, l'eczéma ou la conjonctivite, pathologies "à diagnostic facile", selon Agnès Buzyn, sans prescription initiale. La ministre de la Santé estime "qu'on peut imaginer que les médecins et les pharmaciens se mettent d'accord localement sur une forme de délégation de compétence". Mais les syndicats médicaux libéraux dénoncent un "démantèlement du métier, en catimini" ou un mépris du diagnostic médical. D'autres amendements allant dans ce sens imaginent un mécanisme similaire, concernant le renouvellement d'ordonnances de pathologies chroniques, toujours dans le cadre de protocoles qui restent à écrire.  "Nous levons la barrière législative, ensuite il y aura une phase de négociation interprofessionnelle. Nous souhaitons que le plus d'accords émanent de conventions", explique Olivier Véran. "On verra en séance."

Le durcissement des règles d'apposition de la mention NS ou le remboursement d'un produit princeps sur la base du générique s'il existe mais que le patient insiste pour avoir le produit de marque, font partie de l'arsenal mis en place pour accélérer la pénétration du générique et médicaliser l'usage du "non substituable", protocole confié à la Haute autorité de santé. Une initiative gouvernementale qui a valu une levée de boucliers quasiment unanime des syndicats de pharmaciens d'officine et de médecins libéraux contre une mesure jugée chronophage et vexatoire pour les patients. Un amendement demande également à la Haute Autorité de santé de se prononcer "en une seule fois, pas à l'occasion des 1 800 produits", sur les bénéfices de l'homéopathie. Sur le terrain du remboursement, le Gouvernement avance à pas de loup, bien conscient qu'il peut y avoir "détournement de prescriptions vers d'autres traitements" plus onéreux. Enfin, la régulation des arrêts de travail, "un sujet très complexe" selon Olivier Véran, ne sera pas traitée dans ce PLFSS. Une mission d'étude est au travail, qui doit déboucher sur des propositions de mesures structurelles car "il faut repenser les arrêts de travail, leurs prescriptions, leurs moyens de contrôle. Des dispositions doivent être revues. On va en reparler", a confié le rapporteur général. Par ailleurs, une loi est annoncée concernant la création des hôpitaux de proximité ou la réforme des études médicales. [Avec AFP, Le Figaro et Les Echos]

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