Assistants médicaux : les réponses aux questions que vous vous posez

21/09/2018 Par A.M.
Politique de santé

A mi-chemin entre la secrétaire et l'aide-soignant, l'assistant médical débarque en France dès l'année prochaine pour soulager les médecins surchargés de la paperasse et des actes les plus simples. A l'horizon 2022, 4000 postes seront partiellement financés par les pouvoirs publics, qui comptent ainsi dégager 2000 équivalents temps plein médicaux. Une offre soumise à conditions : se regrouper et suivre davantage de patients. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Eléments de réponse.

  D'où viennent les assistants médicaux ? La fonction est apparue aux Etats-Unis à la fin des années 1950. Depuis, elle n'a eu de cesse de se développer outre-Atlantique. En 2016, plus de 634 000 medical assistants étaient employés dans des cabinets médicaux et des cliniques et d'après le Bureau Of Labor Statistics, les effectifs de la profession devraient encore progresser de 29% dans les dix prochaines années. Les assistants médicaux exercent également au Canada, en Malaisie, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Suisse… Mais le modèle principal des syndicats français n'est autre que celui de l'assistant dentaire. "C'est le modèle le plus facilement transposable", souligne le Dr Jacques Battistoni, président de MG France.   Quelles seront leurs missions ? Dans l'esprit d'Emmanuel Macron, ces nouveaux professionnels "accompagneront les médecins et les déchargeront d'actes simples" dans l'optique de dégager du temps médical. A mi-chemin entre l'administratif et le soin, "ils pourront se voir attribuer des missions d'accueil des patients, de recueils de certaines données et constantes ainsi que de certaines informations relatives à l'état de santé, de vérification de l'état vaccinal et des dépistages, de mises à jour des dossiers et de gestion de l'aval de la consultation (pré-remplissage des documents administratifs, prise de rendez-vous avec les spécialistes de recours, programmation des admissions en établissements hospitaliers…)", détaille le ministère de la Santé.   Secrétaire, aide-soignante ou infirmière ? Tout dépendra des missions qui leur seront confiées. "Tout le monde ne veut pas la même chose", confie-t-on au palais présidentiel. De fait, les syndicats médicaux interrogés ne brossent pas le même portrait de l'assistant médical idéal. Pour le Dr Jean-Paul Ortiz, président de la CSMF, l'un des promoteurs de ce nouveau métier, c'est l'archétype de l'assistant technique tel qu'il existe en chirurgie dentaire, en radiologie ou encore en ophtalmologie. Un professionnel de santé formé en un ou deux ans, qui aurait notamment des notions de nettoyage ou de stérilisation du matériel. "Il n'est pas question d'avoir des infirmiers sur ce type de fonction", tranche-t-il dans Le Monde. Pour le Dr Jean-Paul Hamon, de la FMF, les médecins ont avant tout besoin d'une secrétaire performante. "Ils sont noyés sous la paperasse, rappelle-t-il. Or, seuls 30% des cabinets emploient une secrétaire actuellement. Et ce n'est pas avec le forfait structure actuel qu'ils peuvent en payer une." Toute nouvelle aide financière sera donc bonne à prendre. Pour le Dr Battistoni, l'un de ses plus ardents défenseurs, l'assistant médical est bel et bien un soignant. "L'interrogatoire des patients, voire l'examen clinique, nécessite un minimum de formation, souligne le président de MG France. C'est un vrai travail soignant, qualifié. Plus on a du personnel qualifié, plus on va aller loin dans les tâches qu'on va lui confier. Pour de l'éducation thérapeutique après la consultation, ce serait bien d'avoir une infirmière avec de l'expérience", souligne le généraliste. Le Dr Patrick Gasser, chef de file des spécialistes de la CSMF, va jusqu'à imaginer des "infirmières de pratiques avancées à qui on délèguerait des tâches", sur le modèle du protocole Asalée. Voire "des assistants de parcours, pour accompagner dans sa prise en charge un patient à qui on vient de diagnostiquer un cancer, par exemple". Cette fonction permettrait en outre de recaser des personnels hospitaliers devenus trop nombreux dans un système moins hospitalo-centré, relève-t-il. Loin d'être emballé par cette nouvelle perspective de carrière, l'Ordre des infirmiers y voit "un grave retour en arrière vers une médecine d'un temps révolu, celle d'une époque où les épouses des médecins travaillaient gratuitement". Pour la Fédération nationale des infirmiers, c'est "une mesure supplémentaire pour replacer les infirmiers sous la tutelle des médecins". "Il ne s'agit pas d'être on n'est pas au service du médecin, mais au service du malade", soupire le Dr Battistoni, plaidant pour un cadre normatif souple, qui permette à chacun de s'y retrouver.   Quels bénéfices ? Pour Emmanuel Macron, l'emploi d'un assistant médical permettrait de dégager "15 à 20%" de temps médical et d'améliorer, in fine, l'accès aux soins. Le ministère estime que 2000 équivalents temps pleins médicaux pourraient être récupérés à l'horizon 2022 grâce aux assistants médicaux. Un chiffre sorti du chapeau selon les responsables syndicaux, qui demandent qu'une évaluation soit mise en place dès l'embauche des premiers assistants. Une chose est sûre pour le Dr Luc Dusquenel, des Généralistes de la CSMF : les assistants médicaux "répondent à un besoin". "Un chiffre, relève-t-il : 2005-2025 : 28 % de médecins généralistes libéraux en moins face à une population qui augmente et qui vieillit. Comment va-t-on prendre un quart de patients en plus sans travailler plus ?" Mais, pour le Dr Battistoni, il ne s'agit pas seulement d'améliorer l'accès aux soins, mais aussi "le confort d'exercice des médecins". Avec une assistante pour trois médecins, comme l'envisage le Gouvernement, les bénéfices seront forcément limités : "7 heures de travail divisé par 3, ça fait à peine plus de 2 heures en consultation avec le médecin", pointe-t-il. Pour le Dr Sayaka Oguchi, présidente du SNJMG, la présence d'assistants améliorera peut-être la qualité des soins, mais "pas forcément le nombre d'actes, ou très peu". "Humainement, les médecins généralistes sont au max de ce qu'ils peuvent faire", pointe-t-elle, rappelant que le burn out menace nombre de confrères. Seul le Dr Philippe Vermesch, président du SML, se montre d'ores et déjà convaincu. "Je suis stomatologue et j'emploie 3 assistantes dentaires. Elles remplissent le dossier, vérifient la carte vitale, font les télétransmissions, préparent le patient… Ça me fait gagner 5 à 10 minutes par consultation, s'enthousiasme le spécialiste. J'avais calculé que sur 8 heures au cabinet, je ne travaillais réellement médicalement que 3h30. J'ai gagné au moins 30%, c'est 6 à 8 patients en plus chaque jour". En prime, "plus de coups de fil intempestifs" et une observance thérapeutique améliorée.   Qui paie ? 200 millions d'euros. C'est l'enveloppe qui sera allouée par le Gouvernement pour aider à l'embauche de 4000 assistants médicaux d'ici à 2022. Soit 50.000 euros par assistant, ce qui correspond à l'estimation moyenne -tout dépend du profil- de leur coût chargé annuel. "La mise de départ sera importante", assure l'Elysée. Par la suite la prise en charge du coût de l'assistant sera "partielle", mais "suffisamment incitative", promet-on. Les pouvoirs publics tablent sur une hausse d'activités des médecins, qui, dégagés d'une partie de la paperasse, pourront voir davantage de patients et autofinancer leur assistant. "Ce n'est pas acceptable", s'insurge le Dr Battistoni, qui réclame le financement "pérenne" d'un assistant par médecin. Pas question pour le président de MG France de demander aux médecins "de travailler plus, de faire de l'abattage pour payer l'assistant". Ni le médecin, ni le patient n'y trouveraient véritablement leur compte. Sans oublier que la présence d'assistant pose un "problème immobilier" relève le Dr Duquesnel : "il faut avoir au moins un cabinet par assistant médical – encore faut-il que ces cabinets existent ! – et ensuite, il faudra payer les loyers et payer le professionnel. Et avec quelle pérennité dans le financement ?"   Qui bénéficiera des 4 000 premiers assistants promis ? Le Gouvernement vise les "zones déficitaires", mais pose trois conditions pour bénéficier du financement : exercer "en cabinet de groupe", être inscrit dans un exercice coordonné (notamment CPTS) et "apporter un bénéfice mesurable à la population en termes d'accès aux soins et de qualité des soins"… "notamment en augmentant le nombre de patients suivis". Les postes seront d'abord réservés aux généralistes et à certains spécialistes "pour lesquels les difficultés d'accès aux soins sont identifiées". "Il faut permettre à tous les spécialistes d'y accéder", milite le Dr Gasser, de la CSMF. D'après le Dr Battistoni, les premiers assistants pourraient être embauchés dès l'année prochaine, certains médecins se montrant volontaires pour tester le modèle, notamment au sein de l'URPS des Pays de la Loire. En attendant l'issue des négociations, qui seront lancées en janvier, le fonds d'intervention régional (FIR) pourrait financer les postes. Les secteurs où les médecins font face à un ou plusieurs départs en retraite de leurs confrères devraient également être prioritaires, selon le syndicaliste. Pour le Dr Duquesnel, exclure les zones qui n'ont pas été classées comme "déficitaires" au dernier zonage est une "erreur monumentale" : "On va attendre qu'ils soient encore plus mal, au fond du gouffre pour la prochaine réévaluation en 2019-20, pour leur fournir des aides à la prise en charge des populations ?", interpelle-t-il. De même, le président de MG France ne veut pas croire qu'exercer seul dans son cabinet soit rédhibitoire. "On peut exercer de façon regroupée, coordonnée au sein d'un même secteur", insiste-t-il. Tout reste à négocier.    

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