Voici comment Macron veut faire la paix avec les médecins

10/05/2017 Par Catherine le Borgne
Politique de santé

Reprise de relations cordiales avec le monde libéral malmené durant le quinquennat qui s'achève et préparation du prochain budget de la sécurité sociale sont les deux priorités santé de l'équipe d'Emmanuel Macron. A défaut de ministre de la Santé nommé, les hommes du président sont au travail.

  Les coupes de champagne à peine reposées, l'entourage du nouveau président s'est remis au travail une fois la parenthèse de l'élection présidentielle passée ! Dès le lundi matin, les membres du staff d'En marche (désormais intitulé La République en marche), se sont repenchés sur les différents dossiers afin de peaufiner le travail de fond entamé dans tous les secteurs voici quelques mois. En santé notamment, secteur éruptif s'il en est, voilà plusieurs semaines que les conseillers d'Emmanuel Macron reçoivent ou discutent au téléphone avec un certain nombre de partenaires sociaux. Tenant la corde pour hériter du maroquin de la Santé-Protection sociale, le neurologue grenoblois et porte-parole santé du candidat d'En Marche, Olivier Véran, n'a cessé de consulter tout au long de la campagne et il continue aujourd'hui, pour tenter de conclure une sorte de "contrat de mandature" avec les médecins et professions de santé, sur les sujets fondamentaux.  Et renouer ainsi un dialogue bien souvent rompu avec le pouvoir, sur le thème de l'évolution de la rémunération des médecins et l'organisation de la médecine de ville, sur les cinq ans du quinquennat.  

"Comment soutenir la médecine libérale ?"

 

Pour egora.fr, quelques jours avant l'élection, Olivier Véran avait résumé l'enjeu : "Il va falloir s'attaquer aux sujets de fonds, c'est ça qui est important. Comment est-ce qu'on libère du temps de soin ? Comment est-ce qu'on réduit les charges administratives ? Comment est-ce qu'on libère des compétences ? Comment permettre à chacun de s'épanouir ? Comment décloisonner le système ? Comment soutenir la médecine libérale ? Comment mieux faire communiquer médecine libérale et médecine hospitalière ? Comment désétatiser là où c'est nécessaire, notre système de santé ? Comment expérimenter à partir des territoires ? Comment restaurer la confiance avec les professionnels ? C'est l'urgence absolue. Ça n'est certainement pas en fonctionnarisant la médecine libérale. C'est ce qui s'appelle un slogan de campagne", avait-il répondu aux détracteurs du candidat, qui lui reprochaient de vouloir "étatiser la médecine". Un travail de fond qui pourrait se concrétiser soit dans la convention, soit dans une nouvelle loi. La nouvelle équipe veut en effet, multiplier par deux le nombre de maisons de santé, mettre en place des maisons de répit et de suite pour les aidants qui prennent en charge les personnes dépendantes en aval des Ehpad. Promouvoir aussi la télémédecine, persuader du bien fondé d'un tiers payant généralisable et non plus obligatoire, étendre aux cliniques privées, la possibilité d'intégrer un GHT… Le programme du nouveau président se base sur une croissance oscillant entre 1,4 % cette année et 1,8 % à la fin du quinquennat. Il s'engage à supprimer progressivement les cotisations maladies et chômage, qui doivent être financées par une augmentation de la CSG (+ 1,5 point), sauf pour les 40 % des ménages retraités qui sont sous le seuil des 14 000 euros de pension par an.  

Sans toucher aux effectifs des soignants à l'hôpital

 

Mais d'ici-là, la première priorité sera l'élaboration du projet de loi de financement de la sécurité sociale 2018, qui se prépare dès le mois de mai. Le texte est déjà prêt, confiait Olivier Véran bien avant l'élection, et devrait être riche de symboles. Emmanuel Macron s'est engagé à ce que l'Ondam (Objectif national d'évolution des dépenses de santé) soit pluriannuel et d'un niveau de 2,3 % sur les cinq ans du quinquennat, ce qui sous-entend une économie de 15 milliards d'euros sur l'évolution spontanée des dépenses d'ici 2022. Mais sans toucher aux effectifs des soignants à l'hôpital durant cinq ans puisqu'il s'agit là aussi, d'une promesse du candidat. Autre engagement lourd de conséquences : le plan d'investissement sur la santé, d'un montant de 5 milliards d'euros, dirigé notamment sur l'hôpital (plan digital), ainsi qu'un plafonnement de la part allouée à la T2A dans le financement des établissements de santé publics et privés. Un dossier d'élection pour le Dr Olivier Véran, qui a signé un rapport parlementaire sur le sujet. Le PLFSS 2018 doit également marquer les grands engagements du nouveau président, à commencer par la prévention, qui doit devenir un axe majeur de notre politique de santé. Olivier Véran sera à la manœuvre sur un dossier qu'il connaît particulièrement bien en tant que rapporteur du volet prévention de la loi de santé, en 2015.  Il est envisagé d'élargir sensiblement la ROSP à des actes de prévention, ce qui nécessitera certainement la négociation de nouveaux avenants conventionnels et qui permettra de répondre à cette autre promesse d'accroître la proportion de forfaits dans la rémunération des médecins libéraux. Le candidat Macron s'était également engagé à augmenter très rapidement, le montant de l'allocation adulte handicapé de 100 euros – ce qui réfère à la prochaine loi de Finance.  

Une "révolution" dans les mentalités

 

Autre priorité pour le nouveau président : la réduction des inégalités de santé. Des discussions ont déjà eu lieu avec les chirurgiens-dentistes qui n'ont pu conclure une convention dentaire avec l'assurance maladie et sont régis par un règlement arbitral, de manière à concrétiser la promesse d'un reste à charge zéro pour les prothèses dentaires, sur la durée du quinquennat. La promesse concerne également le secteur de l'optique et des audio-prothèses. (4,7 milliards d'euros au total), sans augmentation du prix des mutuelles, mais par le biais d'une plus grande transparence des assureurs et de contrats type, est-il assuré. Enfin, le troisième axe du programme concerne la gouvernance. Là encore, le nouveau président envisage une "révolution" dans les mentalités, imaginant un travail sur la qualité et la pertinence des soins, permettant d'organiser différemment les soins à partir des expériences de terrain et un pilotage à partir des territoires. "Nous n'allons certainement pas imposer un modèle. C'est très excitant parce que l'on sait pouvoir compter sur les partenaires sociaux, sur des gens engagés et qui aiment leur métier. Même ceux qui ne nous aiment pas, aiment la médecine, leurs patients et le système de santé. On a tout à inventer ensemble", plaide Olivier Véran. La nouvelle équipe devra donc au plus vite, rencontrer les directeurs d'ARS, pour les persuader du bienfondé de cette inversion des valeurs… "Il faut préparer l'alternance profonde, c’est-à-dire une nouvelle façon de piloter le système de santé en lien avec les territoires", expliquait le neurologue d'En Marche. Enfin, autre urgence, le staff santé d'Emmanuel Macron doit s'atteler à rencontrer les internes, en grève depuis trois semaines contre la réforme du troisième cycle qu'ils jugent "bâclée". Presque un parcours de santé pour Olivier Véran, qui fut il n'y a pas si longtemps, premier vice-président et porte-parole de l'ISNI. L'occasion peut être de rappeler cet autre engagement du candidat, d'imposer un service sanitaire de trois mois aux étudiants en santé, pour faire de la prévention sur le terrain.

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