Pour les remercier d’avoir vacciné contre le Covid, le préfet leur a envoyé un diplôme : "J’aurais préféré 100 balles et un Mars"

02/06/2022 Par A.M.
Insolite
Les professionnels de santé de Haute-Saône qui se sont mobilisés dans la campagne de vaccination contre le Covid ont eu la surprise de recevoir un diplôme « d’engagement » décerné par le préfet du département en guise de remerciement. Si l’intention était bonne, l’initiative a ulcéré ce généraliste, qui dénonce un geste « condescendant ».

  Il y a ceux qui ont reçu une distinction prestigieuse, comme le fondateur des sites Covid tracker et ViteMaDose, Guillaume Rozier, décoré de l'Ordre national du mérite. Et ceux, dont la mobilisation dans la campagne de vaccination contre le Covid a été tout aussi (sinon plus) primordiale et qui devront se contenter… d'un diplôme. Les professionnels de santé de Haute-Saône n'en reviennent toujours pas. Il y a quelques semaines, tous ceux qui ont manié des seringues de Pfizer, de Moderna, d'AstraZeneca ou de Johnson & Johnson ont reçu dans leur boite aux lettres un "diplôme d'engagement", décerné par le préfet du département, Michel Vilbois, "en récompense [des] bons services et du dévouement dont [ils/elles ont] fait preuve durant la campagne de vaccination contre la Covid-19". 

La lettre de remerciement qui accompagnait le certificat? Le Dr Pascal Audouard, généraliste à Saint-Loup-sur-Semouse, n'en a aucun souvenir. "Ma première réaction, ça a été de regarder dans l'enveloppe et de chercher les 100 balles et le mars", raille-t-il.  "C’est d’une condescendance sans nom !" 

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« Vacciner, c’est mon boulot » Car pour ce médecin, installé dans une maison médicale, vacciner c'est son "boulot", sa "prérogative". Avec ses confrères et les Idel du cabinet infirmier voisin, le généraliste s'est organisé pour vacciner les patients les plus fragiles dès janvier 2021. Individuellement, les soignants ont ensuite assuré des vacations au sein du centre de vaccination ambulatoire de Luxeuil-les-Bains, jusqu'à sa fermeture, sous l'impulsion de l'ARS et de la préfecture, en novembre dernier. Au plus fort de la campagne vaccinale, trois lignes de vaccination tournaient à plein régime dans ce centre, les professionnels injectant jusqu'à 400 doses par jour. "Au total, on a dû vacciner entre 5000 et 10 000 personnes", calcule le généraliste. "Pendant deux mois, j'ai assuré une journée de vacation par semaine au centre de vaccination. Ensuite, une demi-journée suffisait." Quant à son épouse, rhumatologue, qui n'a assuré que "trois ou quatre vacations", elle a également reçu le "diplôme d'engagement"…    La préfecture salue « l’engagement exceptionnel des soignants » Joint par la rédaction d'Egora, le service de communication de la préfecture de Haute-Saône précise que "tous ceux qui ont participé à la campagne de vaccination" ont reçu ce diplôme, c’est-à-dire "les personnels de santé (médecins, infirmiers), les agents administratifs, les membres des associations agréées de sécurité civile, les personnels du SDIS mais également des bénévoles", détaillent les services de l’Etat. En tout, 850 personnes ont ainsi été distinguées.  C'est ainsi que le préfet, Michel Vilbois, a souhaité "remercier celles et ceux qui se sont engagés dans la campagne de vaccination en Haute-Saône", explique-t-on. "Leur mobilisation a en effet été précieuse dans les 8 centres de vaccination créés localement mais aussi au travers de l'action des équipes mobiles déployées pour proposer la vaccination au plus près des besoins", souligne la préfecture. Une "initiative locale" qui valorise "l'engagement exceptionnel de ces centaines de personnes, qui durant une année, ont été en première ligne pour protéger les Haut-Saônoises et Haut-Saônois et dont le travail a été un engagement de tous les jours", insiste-t-on.    « Hors sol » Si l'intention était bonne, le geste n'a pas toujours eu l'effet escompté "Quand je le montre à mes patients, ils sont estomaqués", rapporte Pascal Audouard. "Ils me disent 'vous, tout ce que vous avez eu, c'est des applaudissements le soir et un diplôme.’" Une de ses consœurs l'a néanmoins accroché dans son cabinet. "On prend tous ça à la rigolade", assure le praticien.   Plus sérieusement, le généraliste de Saint-Loup estime que cette initiative "met en exergue la distance qu’il y a entre le monde administratif et le terrain. Et c’est pareil avec l’ARS. Ils sont hors sol, ces gens-là. Ça veut quand même dire qu’il y a une personne à la préfecture qui s’est dit que recevoir un diplôme, c’est gratifiant… Il faut faire combien d’années d’études pour être préfet ?", ironise-t-il. Et de conclure : "J'aurais préféré les 100 balles et le Mars"

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