Boycott, grève, pénurie de médecins : l'été sera chaud aux urgences 

21/06/2018 Par Gabriel Bourovitch

Déjà sous tension cet hiver, les urgences abordent l'été avec un manque persistant de médecins, qui conduit certains établissements à utiliser la réserve sanitaire, alors que des jeunes praticiens menacent de faire la grève des gardes, et des intérimaires de boycotter les hôpitaux.

  Huit titulaires pour 24 postes : à Bourges, les urgences sont dans "une situation très préoccupante", de l'aveu même de la directrice du centre hospitalier Jacques-Coeur, Agnès Cornillault. Ces dernières semaines, l'hôpital de la préfecture du Cher a été contraint à plusieurs reprises de suspendre temporairement l'activité de son service mobile d'urgence et de réanimation (Smur), faute de médecins.  

  Les Smur voisins, dont ceux de Vierzon ou Nevers, "ont pris le relais", indique l'Agence régionale de santé, qui a tout de même demandé à l'établissement "d'identifier les périodes au cours des trois prochains mois qui posent problème" afin "d'anticiper l'activation de la réserve sanitaire". Ce vivier de volontaires est d'ordinaire mobilisé "pour répondre à des situations sanitaires exceptionnelles", comme une épidémie ou une catastrophe naturelle, selon la doctrine édictée par le ministère de la Santé. Depuis un an, la réserve a ainsi été sollicitée à 30 reprises, dont 15 dans les Antilles après l'ouragan Irma puis l'incendie du CHU de Pointe-à-Pitre, ainsi que 7 fois à Mayotte et 3 en Guyane.  

"On est 23 là où on devrait être 35"

  En métropole, aucun hôpital n'y a eu officiellement recours récemment, mais celui de Troyes reconnaît que "plusieurs médecins engagés dans la réserve sanitaire" ont été contactés début mai, après la démission d'une poignée de jeunes praticiens excédés par leurs conditions de travail. "On est 23 là où on devrait être 35", déplore Valéry Flipon, médecin urgentiste à Troyes, qui redoute un été "absolument catastrophique" avec "des dizaines de trous dans le planning". "Le maximum est fait pour assurer la continuité des soins", affirme la direction de l'hôpital, qui admet une situation "tendue", avec un manque de médecins dans certains services, notamment en pédiatrie, qui se répercute sur les urgences.  

  "C'est en train de craqueler un petit peu partout", constate François Braun, président de Samu-Urgences de France. "Les soucis commencent avant même la période estivale, on l'avait remarqué ces dernières années dans de petits services, maintenant ça en touche de plus gros". Son association propose "que chaque établissement en danger prépare un plan de continuité d'activité" prévoyant toutes les solutions "y compris la participation des médecins des autres services". Mais cette pratique déjà courante n'est pas du goût de tous. Le syndicat des chefs de cliniques et assistants (ISNCCA) a ainsi déposé un préavis de grève pour "alerter sur la situation des jeunes praticiens", qui sont "désignés d'office pour réaliser les gardes au sein des services d'urgences".  

"Fermetures de lits"

  Les hôpitaux publics doivent aussi composer avec un appel au boycott du Syndicat national des médecins remplaçants en hôpitaux (SNMRH), créé en avril en opposition à un décret limitant la rémunération des praticiens intérimaires. "Cette attitude est irresponsable", a réagi mardi la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, appelant les établissements à "ne céder à aucune forme de chantage". L'accumulation des écueils pose toutefois la question de la capacité des urgences hospitalières à faire face à une crise majeure durant la période estivale. "Nous nous organisons pour qu'il y ait le personnel là où il le faut au moment où il y a des tensions et notamment dans les zones touristiques", a assuré Agnès Buzyn , à l'occasion du traditionnel déclenchement du plan canicule. Un discours qui est loin de convaincre Patrick Pelloux, président de l'Association des médecins urgentistes de France (Amuf). Lui n'a "pas l'impression que le gouvernement prenne la mesure de la crise". "Je suis très inquiet de ce qui se passe, les hôpitaux ne se préparent pas", observe l'emblématique lanceur d'alerte de la canicule meurtrière de 2003, qui accuse le ministère de "planquer les chiffres sur les fermetures de lits" programmées cet été.

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