Le coût des maladies : ce que révèlent les feuilles de soins

13/06/2019 Par A.M.
Economie

Des cancers, des maladies cardiovasculaires ou psychiatriques, quelles sont les pathologies qui coûtent le plus cher à la Sécu ? Sont-elles les plus courantes ? C'est ce que révèle la cartographie des dépenses de santé, dévoilée mercredi 12 juin par l'Assurance maladie. La Cnam a passé au crible les données de remboursement et livré une analyse médicalisée des quelque 140 milliards d'euros dépensés au bénéfice de 56,7 millions de personnes en France* en 2017. Objectiver des grandes tendances, constater l'évolution des modalités de prises en charge, anticiper les actions de régulation nécessaires… La cartographie des dépenses de santé publiée chaque année, depuis 2012, par la Cnam se veut un "outils d'analyse au service du pilotage du système de soins". Elle permet de quantifier, à partir des données du Système national des données de santé (feuilles de soin, factures, IJ, données du PMSI, etc.), les pathologies ou les traitements les plus fréquents, les dépenses associées ainsi que leur évolution. "Elle livre une vision différente de celles qu'en ont les praticiens, qui ont 'le nez dans le guidon'", relève le Pr Olivier Lyon-Caen, médecin conseil national. Perfectionnés chaque année, les algorithmes médicaux utilisés permettent d'identifier 56 groupes de pathologies** (ensuite réparties en 13 grandes classes). A cela s'ajoutent les traitements chroniques (psychotropes, anti-HTA, statines…), les hospitalisations ponctuelles non liées à une pathologie, les soins courants non spécifiques et les traitements antalgiques ou anti-inflammatoires. "Tout ne peut pas être révélé par la consommation de soins, signale Christelle Gastaldi-Ménager, responsable du département des études sur les pathologies et les patients à la Cnam. Les corticoïdes inhalés, par exemple, ont plusieurs indications. Et si le diabète ne fait pas l'objet d'un traitement spécifique, d'une ALD ou d'une hospitalisation, on ne peut pas l'identifier." La cartographie 2017 offre néanmoins "une perspective historique sur une période de 6 ans" des dépenses de santé, qui ont progressé de 14 % pour atteindre 140 Md€ (+17,1 Md€). Zoom sur les évolutions les plus marquantes.

  Les dépenses plus "inéluctables" : les hospitalisations "ponctuelles" Coloscopies, fractures du col du fémur, chirurgies de la cataracte… En 2017, ces hospitalisations aux motifs divers, que l'on ne peut rattacher à aucune pathologie spécifique, augmentent chaque année. En 2017, la Cnam en a comptabilisé un peu plus de 8 millions, soit 553 000 de plus qu'en 2012. Ces épisodes de soins ont généré 31,3 milliards d'euros de remboursements, soit 22 % des dépenses globales. Si le développement de la chirurgie ambulatoire et des programmes de récupération améliorée après chirurgie permet de réaliser des économies à la marge, la tendance à la hausse est "inéluctable" du fait du vieillissement de la population.   Les dépenses les plus conséquentes : les maladies psychiatriques Plus de 20 milliards d'euros c'est ce qu'ont coûté, en 2017, les remboursements de soins, d'hospitalisations et traitements en lien avec la santé mentale. C'est le premier poste de dépenses, après celui des hospitalisations ponctuelles. Dans le détail, les troubles névrotiques et de l'humeur ont généré 5,3 Md€ de remboursements, les troubles psychotiques 4,4 Md€, les antidépresseurs ou régulateurs de l'humeur 2,4 Md€, les anxiolytiques 2,2 Md€. Plus de 7 millions de personnes étaient concernées cette année-là, bien que leur nombre ait légèrement baissé en cinq ans (-132 000). Viennent ensuite les cancers (15,6 Md€), les soins courants (14,5 Md€) et les maladies cardioneurovasculaires (14 Md€).     Les plus galopantes : les maladies cardioneurovasculaires Vieillissement de la population oblige, un peu plus de 4 millions de bénéficiaires du régime général étaient traités en 2017 pour une maladie cardioneurovasculaire, soit 565 000 de plus qu'il y a cinq ans. Logiquement, les dépenses de remboursement associées ont augmenté d'un peu de plus de 2 milliards sur la même période (+17%), pour atteindre un total de 14 Md€. La prise en charge de l'AVC représente à elle seule 3 Md€, celle des maladies coronaires 3.6 Md€ et celle de l'insuffisance cardiaque 2,3 Md€.   Les plus régressives : les traitements du risque cardiovasculaire En 2017, la prévention cardiovasculaire primaire a concerné 443 000 personnes de moins qu'en 2012 (soit 7,3 millions de personnes), pour un total de 4,8 Md€. Soit une économie de 442 millions liée en grande partie à la moindre prescription des hypolipémiants. Ces derniers représentent encore près d'un quart des remboursements (1,3 Md€), les trois quarts restant étant concentrés sur les traitements antihypertenseurs (3,6 Md€).   Les plus préoccupantes : les cancers Le nombre de cas est en augmentation constante depuis 2012 et la cartographie de la Cnam montre même une accélération depuis 2015 (+ de 3 % par an) du nombre de patients pris en charge pour un cancer en phase active. Ils étaient 1 188 500 en 2017. Les dépenses se sont élevées à 14 Md€ (+25 % depuis 2012), soit 10 % du total des remboursements du régime général, dont 2,4 Md€ pour le seul cancer du sein actif (hors dépenses de surveillance, donc), 1,6 Md€ pour le cancer du poumon, 1,43 Md€ pour le cancer colorectal et 1,07 Md€ pour le cancer de la prostate (+45 % en cinq ans). La progression du cancer du poumon est particulièrement alarmante, tant en nombre de personnes concernées (79 700, +20 % depuis 2012) qu'en volume de dépenses (+40,5 %). La dépense moyenne par patient a bondi de 13 % en un an, pour s'établir à 20 050 euros par an, du fait de l'arrivée de traitements innovants (anticorps monoclonaux, tels que les anti-PD1), facturés en sus du séjour hospitalier. Des "premières tendances" qui devraient s'accentuer en 2018 et 2019, relève le Pr Olivier Lyon-Caen. "Le poids de ces nouvelles thérapeutiques est un point d'interrogation majeur dans la globalité de notre système de santé, si on veut le maintenir solidaire et égalitaire."    

Le cas du diabète

Avec 3,2 millions de patients concernés et 7 Md€ affectés à sa prise en charge, le diabète est un cas à part Alors qu'elle était en baisse depuis 2014, la dépense moyenne est repartie à la hausse pour atteindre 2160 euros par personne. Malgré la diffusion de nouveaux traitements (aGLP1, iDPP4), le poste médicaments a baissé de 16 % en cinq ans, tandis que les remboursements de soins infirmiers, liés au développement de l'insulinothérapie chez des patients âgés dépendants, ont bondi de 7 %. Mais c'est surtout le poste "autres produits de santé", composé notamment des dispositifs médicaux, qui a fortement augmenté (+15 %).

Cette hausse est liée à celles des soins infirmiers, mais aussi au développement des capteurs Freestyle. Et ce n'est que le début, puisque le remboursement est effectif depuis le 1er juin 2017 seulement. "Les efforts étaient jusqu'à maintenant concentrés sur la régulation des médicaments, là, il y a un signal d'alerte", souligne le Dr Ayden Tajahmady, directeur adjoint de la stratégie, des études et des statistiques. Reste à savoir si ces dépenses croissantes permettront de faire diminuer celles liées aux hospitalisations en cas de crise.   * Bénéficiaires du régime général ** Les données ne sont pas cumulables, une même personne peut avoir plusieurs pathologies ou événements de santé durant l'année.

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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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