Rendez-vous non honorés : en moyenne, 5 lapins par semaine pour les médecins du Nord

19/01/2023 Par L. C.
Le Conseil départemental de l’Ordre des médecins du Nord a mené une enquête pour quantifier les rendez-vous non honorés subis par les praticiens du territoire. Bilan : la situation est préoccupante.

  Alors que le Gouvernement veut garantir l’accès à un médecin traitant aux 600 000 patients qui en sont encore dépourvus d’ici la fin de l’année, de nombreux acteurs de la santé s’interrogent sur la faisabilité d’une telle mesure, quoi que nécessaire. Sur le terrain, la majorité des médecins généralistes se dit débordée, voire au bord de la rupture, face à la hausse des demandes de prise en charge. Dans ce contexte, les rendez-vous non honorés par certains patients n’arrangent rien. Bien au contraire. Afin de mesurer l’ampleur du phénomène, et de s’assurer du bon fonctionnement de l’offre de soin, le CDOM 59 a mené une enquête auprès des médecins de son département. Les résultats sont sans appel : les rendez-vous non honorés par les patients, sans prévenir et sans motif valable, représentent 7,60% des consultations, toutes spécialités confondues (médecine générale ou autres spécialités) et tous lieux confondus (en ville comme à l’hôpital). Pour parvenir à ce résultat, le Conseil département de l’Ordre a tiré au sort 200 médecins du département à qui il a envoyé un questionnaire papier anonyme par la Poste. Il a procédé à des relances téléphoniques systématiques. Parmi les répondants, 150 réalisent des consultations. Seuls ces derniers ont été inclus dans l’étude, qu’Egora a pu consulter. 29,9% sont des généralistes. 57,1% sont des libéraux, 42,3% des salariés d’établissement et 1 seul médecin interrogé est salarié d’un cabinet.

  Deux heures perdues chaque semaine En moyenne, les médecins sondés par le Conseil départemental de l’Ordre du Nord réalisent un peu plus de 70 consultations par semaine (chacune a une durée moyenne de 22 minutes). Ils rapportent 5,33 lapins hebdomadaires. Concrètement, ces rendez-vous non honorés représentent deux heures perdues chaque semaine par médecin, ce qui revient à 95 heures perdues par an. Le CDOM 59 ne relève pas de différence entre les déserts médicaux et les zones médicalement mieux dotées. Toutes sont logées à la même enseigne en ce qui concerne la proportion de lapins. Toutefois, les médecins qui exercent dans des déserts perdent plus de temps hebdomadaire du fait de ces rendez-vous non honorés (92 minutes contre 82 minutes hors déserts). Par ailleurs, si les généralistes semblent moins touchés par le phénomène que les autres spécialistes (4,9% de consultations annulées contre 11,3%), le temps perdu par semaine est équivalent. Il apparaît à travers l’étude que les établissements de santé sont davantage impactés (13,9% de consultations annulées contre 5,37% en cabinet) par le phénomène. Pour l’Ordre, résoudre ce problème serait équivalent à rallonger le temps de travail de 1h43 chaque semaine", à "travailler 16 jours de plus par an", ou encore "partir en retraite deux ans et demi plus tard". Le CDOM a par ailleurs demandé aux sondés si le temps libéré par les no-show était réutilisé. D’après les réponses obtenues, seulement 14,9% du temps libéré permet de réaliser du soin supplémentaire. Ainsi, "85% du temps n’est pas remplacé par de nouveaux rendez-vous".   Route barrée aux récidivistes Les médecins nordistes ont ensuite été interrogés sur le profil des patients n’honorant pas leurs rendez-vous. Il en ressort que pour 70% des médecins, ce sont souvent des patients qui ont des problèmes sociaux, psychologiques ou d’organisation. Pour plus de 60%, les lapins sont souvent l’apanage des jeunes patients. Par ailleurs, les rendez-vous non honorés ont, dans une majorité des cas, été pris sur Internet ou pris par un tiers. Il est aussi fréquent que les lapins arrivent pour des rendez-vous programmés de longue date ou lorsque plusieurs rendez-vous ont été pris en même temps. En revanche, cela concerne peu les motifs de consultation graves, pour un traitement chronique, ou les patients adressés par un confrère.

Estimant qu’il est "prioritaire de ne pas gâcher l’offre de soin actuelle au risque d’une perte de chance pour de nombreux patients", le CDOM 59 a demandé aux praticiens du département comment ils résoudraient ce fléau des lapins. Ces derniers jugent qu’il faudrait sensibiliser les Français sur les conséquences des rendez-vous non honorés en priorité. Ensuite, ils suggèrent de ne plus accueillir certains récidivistes – hors urgences. Des dissuasions financières ressortent également de ce sondage : plus de 60% des praticiens interrogés proposent d’instaurer une "retenue sur les remboursements ultérieurs". Ils sont tout autant à être favorables à une "caution non remboursable". L’Ordre départemental rapporte l’idée d’une facturation d’un acte "lapin" par le médecin. D’autres solutions ont été suggérées telles que la possibilité de mettre une note de fiabilité aux patients sur les sites de prise de rendez-vous ou encore, pour 20% des sondés, la mise en place de plages de consultation sans rendez-vous. Face à ces résultats préoccupants, le CDOM attend une "véritable prise de conscience", demandée par le terrain, et réclame des "solutions conventionnelles" pour "lutter contre ce fléau.  

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