À prendre ou à laisser : les détails de l'offre de la Cnam sur les assistants médicaux

28/05/2019 Par A.M.
La balle est dans le camp des syndicats. La Cnam vient d'adresser aux représentants des médecins libéraux un projet d'avenant conventionnel fixant les conditions de l'aide à l'embauche d'un assistant médical. Des conditions qui ont été assouplies au fil des négociations, mais qui restent encore dissuasives pour certains syndicalistes.

  Un assistant pour trois médecins exerçant sous le même toit, financé de façon "dégressive", en contrepartie d'une "augmentation du nombre de patients reçus en consultation". Lancées le 24 janvier dernier, les négociations sur le financement des assistants médicaux (AM) étaient bien mal engagées. L'offre n'étant pas assez alléchante aux yeux des représentants de médecins libéraux, la promesse présidentielle de déployer 4000 assistants d'ici à 2022 semblait compromise. Au fil des semaines, les cinq syndicats représentatifs (CSMF, MG France, FMF, SML, Le Bloc) se sont donc efforcés de desserrer l'étau, arrachant au directeur de la Cnam plusieurs dérogations tout en abaissant ses exigences. L'objectif principal demeure en effet de permettre aux médecins "de libérer du temps médical afin notamment de pouvoir suivre un plus grand nombre de patients, mieux les prendre en charge, coordonner leur parcours et s'engager plus fortement dans des démarches de prévention", indique le préambule du projet d'avenant, transmis aux syndicats le 24 mai. La Cnam leur laisse jusqu'à mi-juin pour peser le pour et le contre. Si le texte est signé par des syndicats représentants au moins 50 % des médecins libéraux, le dispositif pourra être lancé "dès le deuxième semestre 2019".  

  Une formation obligatoire, des missions au choix "À titre indicatif et non limitatif", le projet d'accord définit trois domaines d'intervention. L'AM pourra se voir confier des tâches purement administratives, "sans lien direct avec le soin" (accueil du patient, création et gestion du dossier informatique, accompagnement à la mise en place de la télémédecine) et/ou des missions "en lien avec la préparation et le déroulement de la consultation" (aide au déshabillage, prise de constantes, enregistrement des dépistages et vaccinations, délivrance des tests et kits, aide à la réalisation d'actes techniques). Il pourra également assurer des missions d'organisation et de coordination. Ses missions en tout cas ne sauraient "se limiter" à celles d'une secrétaire médicale, ni constituer "une activité courante de soin infirmier qui relèverait d'un exercice propre". Un infirmier embauché en tant qu'AM ne pourrait que "ponctuellement" réaliser un acte relevant du champ de compétence de son métier, et ce "dans le cadre de la consultation". "Quel que soit le profil", soignant ou administratif, de la personne recrutée, elle devra avoir "une qualification ad hoc", obtenue à l'issue d'une formation spécifique suivie (intégrant une éventuelle VAE) dans les deux ans suivant le recrutement.  

Critères d'éligibilité : grands principes et petites dérogations "Toutes les spécialités sont potentiellement éligibles à l'aide conventionnelle", ce que réclamait notamment le SML. Mais certaines sont "plus prioritaires que d'autres" : les anesthésistes, chirurgiens, radiologues, les néphrologues ou encore les stomatologues n'auront accès au dispositif que dans les 30 % des départements "les plus en tension en termes de densité démographique" sur leur spécialité. L'aide financière reste réservée aux médecins de secteur 1 et de secteur 2 Optam, au grand dam des syndicats. Dénoncé depuis le début des négociations, "l'engagement du médecin dans une démarche d'exercice coordonné" constitue toujours un critère d'éligibilité. Le médecin peut exercer en MSP, en centre de santé au sein d'une équipe de soins primaires ou spécialisés... Mais l'implication dans la CPTS du territoire n'est plus une condition sine qua non, dès lors que le médecin bénéficiaire participe aux "dispositifs territoriaux visant à améliorer l'accès aux soins de la population de leur territoire", dans le cadre d'une CPTS, donc, ou "d'une autre forme d'organisation territoriale reconnue par la commission paritaire locale". C'est encore trop demander pour la FMF. Pour le SML, "très favorable" aux AM qui permettront aux médecins d'être dégagés de la paperasse, "l'Assurance maladie n'a pas pris la mesure de ce sujet, ce qui a brouillé le message. Elle a joué sur tous les tableaux en y mêlant le sujet de la coordination et des CPTS".

  La Cnam est revenue sur la condition de regroupement, très décriée par la profession. Elle n'est plus exigée pour les médecins en zone sous-denses. Quant aux médecins exerçant hors de ces zones et ayant une patientèle au niveau du 70e percentile (1107 patients MT pour les généralistes), ils n'ont plus l'obligation d'exercer dans les mêmes murs. Il leur suffit de travailler "dans une logique de coordination renforcée" : partage des agendas, dispositif de continuité des soins, proximité géographique (20 minutes maximum). Le dispositif sera accessible aux médecins ayant une patientèle médecin traitant adulte ou une file active les situant au minimum au 30e percentile*, soit 640 patients MT pour un généraliste. Ce seuil minimal ne s'applique pas aux médecins nouvellement installés (au 1er janvier 2019) dans la zone d'exercice ainsi qu'aux médecins reconnus en qualité de travailleur handicapé ou atteints d'une ALD. Un bon point pour la CSMF et le SML. Mais la grande victoire des syndicats reste d'avoir obtenu le financement d'un poste à temps plein pour les médecins exerçant en zone sous-dense. Bémol : le directeur de la caisse locale peut suspendre cette option.  

Un financement "pérenne" mais dégressif, sauf exceptions "L’aide financière de l’assurance maladie devra être dégressive, cette dégressivité ayant vocation à être compensée par l’accroissement de la file active des médecins", avait souhaité Agnès Buzyn dans sa lettre de cadrage. Nicolas Revel a tôt fait d'apaiser les craintes des syndicats : le financement sera bien dégressif, mais "pérenne". L'équivalent temps plein (ETP) sera financé à hauteur de 36 000 euros la première année, 27 000 euros la seconde et 21 000 euros à compter de la 3ème année. Ces sommes sont divisées par 2 pour un demi-ETP (soit 1 assistant pour 2 médecins) et par 3 pour un tiers d'ETP (1 assistant pour 3 médecins). "La dégressivité est claire : le médecin doit pouvoir se payer son assistant", dénonce le Dr Jean-Paul Hamon, de la FMF. "21 000 euros, c'est un financement aux 2/3, à peine, relève également le Dr Jacques Battistoni, de MG France. Une partie devra être pris en charge par les médecins eux-mêmes, ce qui peut faire hésiter certains. Mais c'est à mettre en parallèle avec le temps dégagé dans l'organisation. Les expérimentations montrent qu'on peut gagner quelques consultations en plus chaque jour. Certains médecins vont s'y retrouver au final."  Pour les médecins à forte patientèle (au-delà de P95), l'aide sera maintenue à son plus haut niveau. Cela ne concerne donc que 5% des médecins. "Cela correspond aux situations les plus difficiles, apprécie le président de MG France. Des médecins isolés, qui font face à de gros besoins démographiques."   Des contreparties qui ne passent (toujours) pas "On veut que la médecine soit attractive, organisée dans des conditions correctes en ayant les moyens d'avoir du personnel… mais visiblement c'est donnant-donnant, déplore le Dr Jean-Paul Hamon, de la FMF. On vous file un assistant mais il faut que vous augmentiez votre productivité." Exit l'indicateur du nombre de consultations par heure, qui avait suscité l'indignation des médecins, mais qui, d'après la Cnam, n'aurait été évoqué qu'à titre indicatif des expérimentations déjà menées. Place à l'augmentation de la patientèle (MT et/ou file active). Pour les médecins bénéficiant d'un tiers de temps plein financé, les objectifs vont de +20 % (entre P30 et P50) à +4 % (entre P90 et P95). Pour ceux qui auront un demi temps plein, les objectifs s'étalent entre + 25% (entre P30 et P50) à +6 % (entre P90 et P95). Seuls Les médecins se situant au-delà de P95 n'auront pas à prendre davantage de patients. Ils devront néanmoins s'engager à maintenir l'effectif.

Pour les médecins bénéficiant du financement d'un temps plein, en zone sous-denses, les contreparties demandées sont encore plus importantes : de +35 % (entre P30 et P50) à +12,5 % (entre P90 et P95). Les médecins au-dessus de P95 ne sont pas épargnés : ils devront augmenter leur patientèle de 5 %. Des "objectifs difficilement atteignables" pour le SML. "Nous voulons des solutions pratiques, dans lesquelles nous puissions nous engager sans peur du lendemain. On nous noie dans des indicateurs, toujours trop élevés, et les conditions toujours plus invraisembables", regrette le Dr Philippe Vermesch, président du syndicat. Mêmes réserves du côté des Généralistes-CSMF. "Ce sont avant tout les médecins qui ont de grosses patientèles qui prendront des assistants médicaux, conclut le Dr Luc Duquesnel. Pour les médecins jusqu’à P50, c’est-à-dire la moyenne des généralistes, les chiffres sont totalement inaccessibles." Ce qui, de fait, exclut les jeunes du dispositif, déplore le syndicaliste, qui considère donc ces négociations "comme un échec". "Les jeunes médecins ne travaillent pas 5 jours par semaine, mais 3.5 jours, 4 jours. Dire à ces médecins d’augmenter de 20, 25 voire 35 % leur patientèle, c’est leur dire de travailler plus, plus longtemps, une demi-journée en plus. Ce ne sera pas acceptable."

  Les deux premières années suivant la signature du contrat, une période d'observation est mise en place. L'atteinte des objectifs est requise à partir de la 3e année et le versement de l'aide sera conditionné : si l'objectif est atteint à au moins 75 %, l'aide est versée intégralement ; entre 50 et 75 %, les trois quarts sont versés ; au-dessous de 50 %, l'aide est proratisée au résultat obtenu. Ce sera d'ailleurs la règle à compter de la 4e année. Les médecins qui ont pour objectif le maintien mais qui diminueraient de 10 % leur patientèle ne toucheront pas l'aide. Il pourra être tenu compte de facteurs pouvant justifier la non-atteinte des objectifs : manque de patients en quête de MT, nouvelles installations dans la zone… A noter que les médecins à exercice mixte auront des objectifs adaptés, tenant compte de leur niveau réel d'activité. "L’assistant médical a pour vocation, bien sûr, de prendre en charge plus de patients mais aussi d’améliorer la qualité des prises en charge et des soins. Très clairement, ça n’a pas été la préoccupation de l’Assurance maladie", assène Luc Duquesnel.   *30e percentile ou P30 : 70% des médecins se situent au-dessus.  

Vote de l'avenant 7 : mode d'emploi
Les représentants locaux de MG France, réunis en AG, se prononceront dès ce dimanche 2 juin. Les instances de la CSMF voteront le 15 juin, date butoir fixée par la Cnam. Le SML se laisse également le temps de la réflexion. La FMF a décidé de sonder l'ensemble de ses adhérents. "On a trouvé que c'était plus démocratique, vu le nombre de réflexions négatives que l'on peut avoir... et qui ne me surprennent pas", explique le Dr Hamon.
Précisons que cet avenant 7 à la convention ne porte pas uniquement sur les AM, mais propose également de faire évoluer le forfait structure afin de valoriser l'engagement du médecin dans une démarche d'exercice coordonné.
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La consultation longue à 60 euros pour les patients de plus de 80 ans et/ou handicapés est-elle une bonne mesure ?

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Une fois par an en sortie d’hospitalisation ou critère strict. Il n’y a ici aucune revalorisation réelle au vu des cotations exist... Lire plus

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