C'est l'histoire d'un médecin condamné pour avoir obéi à sa patiente

07/06/2018 Par Qffwffq
Billet de blog

Quand ses troubles ont commencé, Mme X a refusé de se faire soigner. Aujourd'hui, elle est hémiparétique et son médecin a été condamné. La décision de refus de soin ne dégage pas un médecin de ses obligations, rappelle le neurologue et bloggeur Qffwffq qui raconte l'histoire.

  Cette histoire a initialement été publiée sur Twitter par Qffwffq   "Parce que pour la [Houlalalatieme] fois... Je vois ce qui peut arriver chez une patiente chez qui un traitement efficace aurait pu être administré (et en neuro c'est tellement rare qu'il faut pas rater sa chance). Mais qui ne l'a pas été. Parce que des médecins ont respecté le refus de la patiente.... Alors que justement en raison de sa pathologie elle ne peut pas donner une réponse éclairée parce que son jugement est altéré. Je rappelle à ceux qui confondent respect du choix et bienveillance que c'est le médecin, qui en raison de son obligation de moyens, est seul et directement responsable des conséquences d'un refus de soin en cas de troubles cognitifs. Et que s'ils étaient subtils ou qu'il est passé à côté, ça ne change.... Rien ! Dans le cas présent, Mme X, la cinquantaine, consulte son médecin traitant pour une fatigue (légère, sans aucune conséquence fonctionnelle). L'examen physique est normal. Le bilan de débrouillage aussi. Celui-ci lui propose de la revoir à une semaine. Une semaine plus tard elle a exactement la même plainte, ni plus, ni moins. Toujours sans conséquence sur ses activités. Il lui conseille de faire du sport et de dormir la nuit (elle regarde la télé très tard). Elle ne donne plus de nouvelles pendant un mois puis revient pour un rhume. Cliniquement elle n'a pas de signe de rhinite, mais elle dit qu'elle sent moins bien et qu'elle a toujours une des deux narines un peu bouchée. Elle est toujours fatiguée et regarde la télé... Jusqu'à très très tard. Son médecin lui prescrit des lavements de nez. Un mois passe, elle vient à nouveau consulter parce qu'elle a des douleurs de l'épaule et de la hanche après être tombée. Elle décrit la chute comme étant de nature mécanique, sans perte de connaissance. L'examen est difficile parce qu'elle est douloureuse et pas très participative. Elle veut des antalgiques, et ne comprend pas pourquoi elle doit se faire examiner. Le médecin lui explique qu'il faut rechercher des signes d'hématomes, contusions ou fractures. Elle accepte. Dans le dossier il est noté qu'elle a des douleurs à la mobilisation. Son médecin a un doute sur l'épaule et lui prescrit une radio. Il lui donne également des antalgiques. En allant faire sa radio, elle rate une marche et retombe du même côté. Elle se fait une plaie et passe aux urgences de bigCHU. Aux urgences de bigCHU elle est recousue, et réexaminée. L'Interne, malgré les hématomes de la première chute a un doute sur la motricité hemicorporelle. Il demande un scan qui ne peut être réalisé dans l'immédiat (c'était il y a plus de 5 ans). Elle est donc gardée en surveillance dans un service de médecine et est revue le lendemain par un assistant. Mme X est fatiguée, elle en a ras-le-bol de l'hôpital. Elle veut sortir. Cliniquement elle est orientée dans le temps et l'espace. Concernant son déficit hemicorporel elle peut le compenser sur ordre mais elle dit que c'est la douleur qui l'empêche de faire correctement les mouvements. Dans le dossier, l'assistant note qu'il a un doute mais qu'après en avoir discuté en équipe, il la laisse sortir en la confiant à son médecin généraliste. Elle ne revient pas voir son généraliste. Celui-ci l'appelle mais elle lui dit que tout va bien. Six jours plus tard, il est appelé par la fille (venue en visite) de Mme X à domicile. Mme X ne bouge pas. Cliniquement elle a une hemiparesie droite marquée et surtout, elle nie avoir un trouble moteur (hemi négligeance dans le cadre d'un syndrome de l'hémisphère mineur). Son médecin lui propose une hospitalisation en urgence qu'elle refuse. Sa fille, sans lui demander son accord, l'amène aux urgences que Mme X veut immédiatement quitter sur décharge. Elle essaye d'ailleurs de partir par ses propres moyens mais tombe en raison de l'hémiparésie. Elle reste donc, contre son gré. Elle a un scanner contre son gré sous sédation. Et le scan montre une volumineuse image hémisphèrique gauche dont par la suite la chirurgie dira que c'est un abcès. Je la vois pour la première fois des années plus tard. Elle est restée hemiparetique. J'ai son dossier complet parce qu'elle est passée par le CRCI [Commission Régionale de Conciliation et d'Indemnisation des accidents médicaux, Ndlr]. Elle s'en prend à son médecin généraliste pour avoir raté le diagnostic, et à l'hôpital pour l'avoir laissée sortir (bien que cela ait été sa volonté) lors de son premier passage. Les experts ont conclu que le médecin généraliste avait en effet raté le diagnostic alors que la fatigue et la chute auraient dû lui mettre la puce à l'oreille s'il avait recherché l'hémiparésie que l'interne des urgences a vue. Mais le diagnostic étant difficile, et la bio pouvant être parfaitement normale, il n'est pas retenu de perte de chance dont il soit responsable. L'Interne des urgences ne le saura jamais mais il est félicité par les experts pour son examen systématique. Quant à l'assistant, il se fait défoncer. Il avait tous les éléments sous la main et il lui appartenait de se donner les moyens de confirmer ou d'infirmer les observations de l'interne. Mais surtout le CRCI insiste dans sa décision sur le fait qu'il est inacceptable que l'assistant, surtout en ayant un doute, ait pris sa décision après en avoir discuté avec l'équipe soignante. Le CRCI rappelle que la responsabilité d'un médecin est strictement personnelle. Où pour le dire à ma manière quand on vient me demander de faire quelque chose avec lequel je ne suis pas d'accord : le seul qui décide c'est celui qui signe parce que c'est le seul qui engage sa responsabilité. Et comme le rappelle le CRCI, la décision de refus de soin ne dégage pas un médecin de ses obligations, ni ne peut être opposée à posteriori au patient. Bon bref, en médecine non ne veut dire non que si on peut prouver que le patient est en état de dire non. Et la charge de la preuve incombe au médecin. Et ça c'est le législateur qui le dit. Et en cas de problème c'est le médecin qui est condamné."

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