Polyarthrite rhumatoïde: la place centrale du médecin généraliste dans le repérage et le suivi

20/01/2022 Par Brigitte Blond
Rhumatologie

A la lueur de plusieurs études présentées lors du 34ème Congrès français de rhumatologie, qui a eu lieu du 12 au 14 décembre à Paris, on en sait davantage sur la prévalence, les facteurs favorisants, les faiblesses de la prise en charge d’une maladie encore bien mystérieuse. Le Pr René-Marc Flipo*, rhumatologue au CHRU de Lille et secrétaire général de la Société française de rhumatologie (SFR), nous détaille ces nouveautés.     Egora-Le Panorama du Médecin: Quels sont les patients concernés par la polyarthrite rhumatoïde? Pr René-Marc Flipo : A partir des informations issues de la base de données SNDS de l’Assurance maladie qui collige codes diagnostiques et prescriptions, on apprend que la prévalence de la polyarthrite rhumatoïde (PR) en 2019 est de 0,47 %, avec un sex ratio plus féminin (0,66 %, versus 0,28 % pour les hommes). Elle est plus élevée dans les régions Bretagne, Normandie, Alsace, Rhône-Alpes et Paca. Un chiffre peut-être sous-estimé (ce qui est peu probable aujourd’hui) ou surestimé (une étude épidémiologique l’avait mesurée à 0,31 % en 2000)… Quoi qu’il en soit, ce pourcentage équivaut tout de même à plus de 300 000 patients. Deuxième information, la surmorbidité, notamment cardiovasculaire, et la surmortalité afférente sont confirmées, ce surrisque évalué à 21 % étant lié principalement aux maladies cardiopulmonaires et définitivement pas aux cancers. S’agissant des traitements, 54 % des patients reçoivent un traitement conventionnel, méthotrexate (MTX), de référence en première intention ; 58 % une thérapie ciblée, biomédicaments ou inhibiteurs de JAK. La cortisone est prescrite dans 82 % des cas. Si l’ordonnance relève du spécialiste, les thérapies ciblées étant des médicaments d’exception de prescription initiale hospitalière, le MTX peut être initié et renouvelé par le rhumatologue (ville et hôpital) ou le médecin généraliste (en théorie), le repérage d’un rhumatisme inflammatoire débutant est indiscutablement du ressort du médecin généraliste qui est le mieux placé pour conjecturer une PR sur des gonflements articulaires, un dérouillage matinal de plus de 45 minutes, des douleurs à la compression des mains et des pieds, tous signes très évocateurs d’un rhumatisme inflammatoire à son début. C’est à lui encore que revient un adressage rapide du patient au rhumatologue pour une confirmation diagnostique, une initiation et une intensification du traitement pour obtenir la rémission.

  De l’intérêt des traitements précoces ? Toujours en croisant les codes diagnostiques, on découvre que 47 % des patients PR en ALD ne prennent pas de traitement de fond. Or une PR ne peut pas ne pas être traitée hormis la petite part de malades qui est en rémission ou si la PR peut être contenue avec des corticostéroïdes (CS) pris sporadiquement. Ce sont donc possiblement des patients PR diagnostiqués et suivis en médecine générale, traités par de la cortisone, sans avis rhumatologique… Or nous disposons maintenant de solutions thérapeutiques spécifiques et savons l’intérêt d’un diagnostic précoce et d’un traitement intensif sur l’évolution de la maladie.
Le diagnostic peut être avancé grâce aux récentes connaissances sur le rôle de l’exposome dans le déclenchement (quand le terrain génétique s’y prête) de cette maladie à l’évidence plurifactorielle. Le tabagisme (passif et actif) multiplie ainsi par 40 le risque de PR (comme celui de cancer broncho-pulmonaire !). Le lien entre surpoids et maladies inflammatoires, dont la PR, est une nouvelle fois mis en lumière par l’examen de la cohorte E3N de la MGEN qui compare le risque de survenue de la PR en fonction de la silhouette. Autre enseignement de E3N, le rôle non négligeable de la qualité des boissons. La consommation de plus de 4 tasses de café (“caféiné“) par jour est assortie d’un risque augmenté de PR de plus de 60 % pour les femmes qui ne fument pas (le tabac à lui seul accroît sinon bien plus significativement le risque de PR) ; le thé est à l’inverse protecteur à plus de 3 tasses par jour avec un risque diminué de 23 %. Si l’alcool est protecteur, avec une réduction du risque de 50 % dans toutes les études, il l’est (réduction du risque de 38 %) dans E3N pour les femmes fumeuses qui prennent 1 à 3 apéritifs par semaine…   Quelle prise en charge spécifique des patients PR en médecine générale ? Rappelons que les grandes maladies inflammatoires sont volontiers associées à une hypofertilité : le délai conceptionnel de 40 % des jeunes femmes PR est de plus d’un an, 17 mois en moyenne (versus 3 à 7 mois en population générale), et les AINS (qui bloquent l’expulsion de l’ovule et sa nidification) le prolongent encore. Enfin, la PR est assortie d’une atteinte pulmonaire (et d’une surmortalité conséquente) de type pneumopathie interstitielle (jusqu’à 30 à 40 % des cas de PR), symptomatique une fois sur 10, parfois fibrosante, alors grevée d’une mortalité multipliée par 3. Les poumons sont d’autant plus vulnérables que les patients PR sont fumeurs ou d’anciens fumeurs, que le MTX est susceptible de provoquer des pneumonies aiguës et qu’il existe ces atteintes pulmonaires interstitielles. Le risque est ici d’abord infectieux, ce qui oblige à vacciner contre la grippe tous les ans et les pneumocoques chaque 5 ans. Un avis pneumologique peut être requis si l’auscultation le justifie. Le risque coronarien lié à cet état d’inflammation chronique étant augmenté à l’image d’un diabète de type 2, la surveillance d’un patient PR nécessite aussi une évaluation de son risque CV et la prise en charge de tous ses facteurs de risque modifiables, tabagisme activité physique, HTA, dyslipidémie et DT2.     *Le Pr Flipo délcare avoir des liens d’intérêt avec : Abbvie, Amgen, Biogen, BMS, Janssen-Cilag, Lilly, MSD, Nordic-Pharma, Novartis, Pfizer, Roche-Chugaï, Sandoz, Sanofi-Genzyme, UCB.

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