Troubles neuropsychiatriques : de premières données sur l’impact de la pollution atmosphérique

07/04/2022 Par M.P.
Psychiatrie
L’exposition précoce à la pollution atmosphérique pourrait favoriser l’apparition de pathologies psychiatriques. Les premières études s’intéressent principalement à la schizophrénie et aux troubles du spectre de l’autisme, avec un niveau de preuve plus élevé. Le point avec le Pr Franck Schürhoff, psychiatre au CHU Henri-Mondor (Créteil, AP-HP) et professeur à l’université Paris-Est Créteil.
 


Egora-le Panorama du Médecin : L’impact de la pollution de l’air sur le développement de maladies psychiatriques est un champ de recherche encore récent. Que nous apprennent les premiers travaux sur le sujet ?
 

crédit : Tijana Feterman

Pr Franck Schürhoff : Des études épidémiologiques ont montré qu’il y avait deux fois plus de risques de développer des maladies mentales en ville qu’à la campagne, un phénomène que l’on appelle l’urbanicité. Nous essayons d’identifier les facteurs pouvant expliquer cette association. Chronologiquement, le premier axe de recherche porte sur le stress, la violence, la précarité, le niveau socio-économique dans les zones urbaines. Le deuxième axe s’intéresse à la pollution de l’air. En effet, l’inhalation de polluants atmosphériques peut entraîner des cascades inflammatoires. Des cytokines pro-inflammatoires passent la barrière hémato-encéphalique et peuvent agresser le cerveau, faisant possiblement le lit de maladies psychiatriques.   Quelles sont les pathologies concernées ?
Les pathologies les plus étudiées et pour lesquelles nous avons le plus de données sont les troubles psychotiques, en premier lieu la schizophrénie, et les troubles du spectre de l’autisme (TSA). En effet, ce sont des maladies très biologiques, très endogènes. Des travaux commencent sur les troubles bipolaires, les dépressions, le risque de suicide.   Y a-t-il des profils plus à risque ?
Une exposition très précoce à la pollution, au moment de la naissance voire peut-être in utero, pourrait augmenter le risque de développer ultérieurement une pathologie psychiatrique. Le système nerveux central se met en place au 2e  trimestre de la grossesse et de nombreux phénomènes de maturation cérébrale interviennent dans l’enfance et l’adolescence. Par ailleurs, chez les sujets malades, les pics de pollution seraient un facteur de rechute.   Quelles études sont en cours sur ce sujet ?
Une étude que nous avons menée sur une période de onze ans avec le service des urgences du CHU Henri-Mondor (AP-HP) montre une augmentation des décompensations psychotiques dans les semaines suivant un pic de pollution aux particules fines PM2.5 et PM10. Nous allons commencer une étude comparant l’exposition précoce à la pollution de patients souffrant de schizophrénie, de troubles bipolaires, et de sujets témoins. Nous constituerons un historique résidentiel, qui permet de connaître les endroits où les personnes ont vécu sur les vingt à trente dernières années. Nous disposons également pour toute l’Europe de l’ouest de cartes d’exposome très précises. Nous allons également lancer dans les mois à venir une étude dans laquelle nous allons équiper des patients souffrant de schizophrénie de capteurs de pollution et mesurer deux fois par jour leur symptomatologie psychiatrique (échelle d’anxiété, sentiment de persécution, hallucinations…) grâce à une application sur smartphone. L’objectif est de voir s’il y a un parallèle entre intensité de la pollution et intensité des symptômes. Plusieurs études sont en cours dans les pays scandinaves et en Chine. Nous sommes les premiers en France à développer ce type
d’approche.   Comment établir un lien entre pollution de l’air et apparition d’une pathologie psychiatrique ? Toutes les maladies psychiatriques sont multifactorielles. Elles dépendent d’interactions entre des facteurs de vulnérabilité génétique et des facteurs de risque environnementaux, auxquels chacun est plus ou moins sensible. Cependant, il est difficile sur un plan méthodologique de prendre en compte l’ensemble des expositions : stress, cannabis…   Quels conseils de prévention primaire ou secondaire les médecins généralistes peuvent-il dispenser à leurs patients ? Pour les enfants vivant dans des endroits fortement pollués, il faut être vigilant sur l’apparition de symptômes à bas bruit à l’adolescence. Pour les patients ayant des fragilités psychologiques ou psychiatriques, il faut les alerter sur le fait qu’il y a une présomption d’impact de la pollution de l’air sur le risque de décompensation et leur conseiller par exemple d’éviter de fréquenter les lieux pollués, de sortir lors des pics de
pollution… Toutefois, la première étape avant de parler de prévention est mesurer les facteurs de pollution et de confirmer leur implication, même s’il y a de fortes de présomptions.

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