[JOURNEES PARISIENNES DE PEDIATRIE 2019] Les données de la cohorte Epipage 2, présentées lors des récentes Journées Parisiennes de Pédiatrie (4 et 5 octobre), révèlent que les prématurés, même modérés, n’ont pas tous un développement cognitif optimal. D’où la nécessité de repérer et prendre en charge précocement les enfants en difficulté.   Le devenir des prématurés est un sujet d’inquiétude depuis quelques années. Les données de la cohorte Epipage 2 présentées par le Pr Pierre-Yves Ancel (Hôpital Cochin, Paris) ne sont pas forcément rassurantes, car elles suggèrent que "tous les enfants avec une prématurité modérée ne sont pas nécessairement à bas risque sur le plan cognitif". A l’inverse, fait plus positif, "tous les enfants grands prématurés ne sont pas nécessairement à haut risque". Pour assurer le meilleur développement neuropsychologique de ces enfants, il est donc essentiel de les prendre en charge précocement, ont souligné les Drs Véronique Zupan Simunek, réanimatrice néonatale à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart, et Patricia Dworzak, pédiatre au centre hospitalier Rives de Seine à Neuilly-sur-Seine. La cohorte Epipage 2 a pris en compte 4 441 enfants survivants parmi 5 567 nés en 2011 avant le terme de 35 semaines d’aménorrhée. "Cette population était très hétérogène", a relévé le Pr Ancel "et comportait aussi bien des prématurés extrêmes nés entre 24 et 26 semaines (et même un enfant ayant survécu au terme de 23 semaines), des grands prématurés nés entre 27 et 31 semaines que des prématurés modérés nés entre 32 et 34 semaines". L’évaluation médicale et psychologique à 5 ans et demi de 3 032 enfants (68 %), dont les parents avaient accepté le suivi, a montré que le taux de paralysies cérébrales et de déficiences sensorielles visuelles et auditives était bien plus faible chez les 757 prématurés modérés que chez les 1 886 enfants grands prématurés ou les 365 prématurés extrêmes (respectivement 2,4 % contre 5,2 % et 8,8 % pour les paralysies cérébrales ; 0,6 % versus 0,9 % et 1,5 % pour les déficiences sensorielles).

Cependant, le quotient intellectuel (QI), estimé grâce au test WPPSI IV (Wechser Preschool and Primary Scale of Intelligence) était, même chez les prématurés modérés, inférieur à celui observé dans une population de référence de 585 enfants nés à terme en 2011 de la cohorte Elfe (QI moyen de 100,5 chez les prématurés modérés d’Epipage 2 contre 109,3 chez les enfants nés à terme, 97,0 chez les grands prématurés et 94,8 chez les prématurés extrêmes). Le pourcentage d’enfants avec une déficience intellectuelle modérée à sévère (QI inférieur de 2 à 3 déviations standard au QI moyen) était aussi nettement plus élevé en cas de prématurité même modérée (respectivement 13,9 %, 20,6 % et 24,6 % chez les prématurés modérés, grands ou extrêmes contre 2,5 % chez les enfants nés à terme), avec des performances moindres pour la compréhension verbale, le raisonnement, les capacités de repérage visio-spatial, la mémoire verbale, la vitesse de traitement des informations... Au total, 28,8 % des prématurés modérés présentaient dans Epipage 2 un handicap léger défini par un QI de - 1 à -2 déviations standard, ou une acuité visuelle entre 3 et 5 dixièmes, une perte auditive corrigée, une paralysie cérébrale de niveau 1, "ce qui n’est tout de même pas négligeable et pourra compliquer ultérieurement la vie de ces enfants", a considéré le Pr Ancel.   Amélioration de la mortalité et des paralysies cérébrales La comparaison avec les 1 817 enfants prématurés survivants (sur 2 901) nés en 1997 de la première cohorte Epipage a mis en évidence une amélioration de la survie à 5,5 ans (donc entre les périodes 1997 et 2011) : respectivement 43 et 50 %, 87 et 94 %, 97 et 98 % pour les prématurés extrêmes, grands ou modérés, ce progrès s’associant à une réduction notable du pourcentage de paralysies cérébrales (respectivement - 10,2 %, - 4,2 %, - 1,4 % au cours de la même période). Cependant, l’amélioration a été moins nette pour les performances intellectuelles, avec un QI moyen à 5,5 ans peu différent chez les enfants nés en 2011 ou 14 ans plus tôt (QI moyen de respectivement 89, 92, 97 et 106 chez les enfants extrêmement prématurés, grands prématurés, modérément prématurés ou nés à terme en 1997). Le Pr Ancel a insisté sur l’importance "de repérer tôt les enfants à risque", ce qui veut dire que l’ont doit aussi s’intéresser aux prématurés modérés, qui ont été auparavant peut-être un peu négligés.  "Chez les enfants à haut risque de paralysie cérébrale (leucomalacies...), des programmes de rééducation motrice impliquant les parents améliorent le devenir moteur et cognitif", a par ailleurs rappelé le Dr Zupan Simunek. Si elles exigent un gros investissement en temps, les actions d’intervention entre 0 et 2 ans, fenêtre critique du développement de l’enfant, sont efficaces avec un intérêt renforcé dans les situations sociales fragiles. Elles pourront être réalisées dans les centres d’action médico-sociale précoce (CAMSP), qui proposent un accompagnement médico-psychosocial multidisciplinaire avec intervention de kinésithérapeutes, psychomotriciens, orthophonistes, psychologues ou, si l’enfant n’y a pas accès, reposer sur des professionnels de ville. Reste "qu’il est souvent difficile de mettre en place des interventions précoces en libéral car peu de soins de prévention sont remboursés par la Sécurité sociale", a admis le Dr Zupan Simunek. Des dispositifs alternatifs (réseaux de psychomotricité...) existent cependant dans certaines régions. Dans tous les cas, l’accompagnement des familles est essentiel et le médecin doit repérer les fragilités parentales : isolement, problèmes sociaux, dépression... Chez les enfants, il faudra se méfier, a ajouté le Dr Dworzak, devant des troubles mnésiques, des troubles de l’attention "qui atteignent jusque 20 à 30 % des prématurés", des difficultés d’apprentissage concernant le langage, l’orthographe et surtout l’arithmétique, "domaine le plus touché par la grande prématurité".

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