Congrès des sociétés françaises de pédiatrie : intérêt confirmé des biothérapies en pédiatrie

08/06/2018 Par Corinne Tutin
Pédiatrie

Le congrès des Sociétés françaises de pédiatrie, qui s’est déroulé à Lyon du 24 au 26 mai 2018, a consacré plusieurs communications à la thérapeutique pédiatrique. Dans le domaine des biothérapies en particulier, l’arrivée des anti-TNF, puis d’autres biothérapies, a amélioré le traitement des maladies auto-immunes et inflammatoires pédiatriques.

  Chez l’enfant, deux médicaments anti-TNF disposent d’une autorisation de mise sur le marché dans les maladies chroniques inflammatoires de l’intestin (Mici), a expliqué le Dr Christine Martinez Vinson (Hôpital Robert Debré, Paris), : l’infliximab et l’adalimumab. L’analyse des données d’une cohorte d’enfants traités pour Mici entre 2002 et 2014 à l’hôpital Robert Debré de Paris confirme l’impact très positif qu’a eu l’arrivée de ces biothérapies. Après mise sous infliximab, 87 % des patients ont ainsi été mis en rémission clinique et, depuis l’utilisation des anti-TNF on n’observe plus, de ralentissement de croissance chez ces enfants. Malgré tout, l’administration de ces traitements s’accompagne de réactions secondaires, et dans cette cohorte pédiatrique, sur 2258 perfusions d’infliximab chez 147 patients, un taux de 13 % d’effets indésirables graves (19 patients) a été observé, qui a souvent nécessité un arrêt de traitement. Ces effets secondaires sont le plus fréquemment représentés par des réactions anaphylactiques pendant l’administration de l’anti-TNF (9 patients, soit 6 % de la cohorte, ce qui est conforme aux données de la littérature), et par des infections sévères (5 patients). Dans cette série, ont aussi été rapportés 1 cancer (1 cas de leucémie myéloïde chronique qui est rare mais existe chez l’enfant), et d’autres manifestations rares (convulsion, cytolyse hépatique...). "Les données de suivi à 20 ans du registre sur l’infliximab, qui a inclus 6070 patients laissent penser que les cancers constatés sous biothérapie (17 cas) sont davantage liés aux immunosuppresseurs de la classe des thiopurines qu’aux anti-TNF, ces derniers semblant en revanche davantage responsables d’infections et de psoriasis paradoxal", a mentionné le Dr Martinez Vinson. Les biothérapies ont aussi révolutionné le traitement des arthrites juvéniles idiopathiques (AJI), où on les utilise dans les formes polyarticulaires ou même oligoarticulaires (mais alors à la condition que les manifestations cliniques soient étendues), ainsi que dans le psoriasis et l’arthrite psoriasique, les uvéites, des maladies à composante auto-inflammatoire comme les syndromes périodiques associés à la cryopyrine (Csps), a ajouté le Dr Agnès Duquesne, rhumatopédiatre à Lyon. Leurs bénéfices sont là aussi démontrés en termes de diminution de l’activité de la maladie, d’amélioration du pronostic fonctionnel (limitation des destructions articulaires), de préservation de la qualité de vie. Dans les arthrites juvéniles idiopathiques, l’étanercept, un récepteur soluble du TNF a démontré ses bénéfices en termes d’efficacité et de tolérance avec un recul de 8 ans. Cependant, d’autres anti-TNF comme l’adalimumab, un anti-Il 6 comme le tocilizumab, ou plus rarement un anti-Ctla4, l’abatacept, sont également administrés dans les formes polyarticulaires d’AJI. Dans les AJI systémiques comme la maladie de Still, un traitement anti-Il 1 comme l’anakinra est aussi parfois employé. Enfin, les psoriasis sévères infantiles peuvent, comme chez l’adulte, bénéficier d’administrations d’adalimumab, d’étanercept, ou d’un anti-Il12-23 comme l’ustékinumab.  

Prévenir les risques infectieux

Pour limiter les risques infectieux, il est conseillé de vérifier la protection contre la tuberculose par une intradermoréaction à la tuberculine, ou un test immunologique Quantiféron avant traitement, a signalé le Dr Duquesne. On s’assurera aussi, bien sûr, de l’absence de fièvre ou de foyer infectieux avant chaque injection de biothérapie. Avant les premières administrations, on essaiera aussi de vacciner l’enfant avec les vaccins vivants nécessaires (varicelle). "Mais, ce n’est pas toujours possible à cause des délais", a admis le Dr Duquesne. En cas de contage de moins de 72 heures avec un enfant ayant la varicelle, on administrera des immunoglobulines Ig G, puis de l’aciclovir par voie intraveineuse dès que les premiers boutons apparaissent. "Mais, le traitement par biothérapie ne contre-indique pas les vaccins DTCoqPolio, anti-méningococcique, anti-hépatite B, anti-HPV", a insisté le Dr Duquesne. "Et, ces enfants doivent être vaccinés contre le pneumocoque, et chaque année contre la grippe".  "Trop de ces enfants sous biothérapie ne reçoivent pas de vaccins inactivés alors qu’ils devraient l’être car ils sont à risque infectieux", a martelé le Dr Duquesne.   Le cas particulier de la grossesse Les risques pour l’enfant en cas de prise de biothérapie pendant la grossesse sont encore imparfaitement évalués. "Mais, l’importance et la durée du passage transplacentaire dépendent de la nature de la molécule, et de sa demi-vie", a précisé le Dr Brigitte Bader-Meunier (Hôpital Necker Enfants malades, Paris). "Ainsi, le passage transplacentaire est-il plus important pour un anticorps monoclonal que pour une protéine de fusion comme l’étanercept et l’abatacept". Ceci est à confirmer, mais le certolizumab, un anti-TNF pégylé dépourvu de fragment Fc, pourrait très peu franchir le placenta. "Il faudra, pour apprécier les possibles risques pour l’enfant, prendre en compte en dehors de ces caractéristiques, la date éventuelle d’arrêt de la biothérapie par la mère, l’association des anti-TNF avec des médicaments immunosuppresseurs qui sont, à l’instar du mycophénolate mofétil, potentiellement plus tératogènes que les anti-TNF". Une série de 2 500 grossesses de femmes exposées est plutôt rassurante pour les anti-TNF et on peut penser que les risques en cas d’exposition à ces biothérapies durant le premier trimestre sont limités à court terme. "Il ne semble pas y avoir d’accroissement des malformations, des décès in utero". Une étude du registre canadien ayant porté sur 8 607 grossesses de 6 218 femmes enceintes avec une maladie anti-immune prenant une biothérapie, dans 90 % des cas, un anti-TNF, a aussi rapporté un taux de retard de croissance intra-utérin (Rciu) de 9%, ce qui est comparable à celui de grossesses sans biothérapie (10%). "Pour l’instant, on ne peut néanmoins avoir de conclusion formelle et il faudra connaître les conséquences éventuelles au long cours", a jugé le Dr Bader-Meunier. "Pour les autres classes de biothérapies les effectifs des études sont trop petits pour que l’on puisse déjà en tirer des conclusions". Le passage dans le lait maternel est faible ou nul pour les anti-TNF, alors qu’on ne dispose pas d’informations pour les autres biothérapies. "L’allaitement est possible pour l’étanercept, l’infliximab et le certolizumab. Mais, en l’absence de données et par principe de précaution, les anti-Il 6, les anti-Il 1, l’abatacept, et le rituximab contre-indiquent l’allaitement", a considéré le Dr Bader-Meunier. Après la naissance, il faut être prudent quant aux vaccins vivants avec les anticorps monoclonaux anti-TNF comme l’infliximab, l’adalimumab dont les taux peuvent persister chez l’enfant assez longtemps. Il ne faudra pas administrer un vaccin vivant pendant les 6 premiers mois de l’enfant, si l’exposition a persisté au-delà de la 22e semaine de grossesse. "En cas de doute, on peut doser la biothérapie chez l’enfant", a indiqué le Dr Bader-Meunier.   Pour en savoir : Site du club Rhumatismes inflammatoires de la Société française de rhumatologie (www.cri-net.com), et du Centre de référence sur les agents tératogènes chez la femme (Crat) (www.lecrat.fr)  

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